Menace numéro 1

Tandis que le spectre d’une présence permanente de l’Iran en Syrie se précise, Netanyahou tente de remettre la République islamique en tête de l’agenda international

Une manifestation pour le départ de l'Iran de la Syrie (photo credit: REUTERS)
Une manifestation pour le départ de l'Iran de la Syrie
(photo credit: REUTERS)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Premier ministre fait preuve d’une régularité sans faille dans son discours.
Lors de la cérémonie commémorative marquant le 25e anniversaire de l’attentat contre l’ambassade israélienne de Buenos Aires qui avait fait 29 morts, Benjamin Netanyahou a eu des mots sans équivoque pour dénoncer la République chiite comme la menace majeure pesant sur l’Etat juif, démontrant, une fois encore, que le conflit avec les Palestiniens passait au second plan. « 80 % des problèmes liés à la sécurité d’Israël sont dus à l’Iran », a-t-il affirmé, citant une source issue des renseignements.
L’investiture de Donald Trump le 20 janvier dernier a donné lieu à nombre d’expectatives au sein du Likoud et de la droite en général. On s’attendait à ce que Netanyahou pousse le président américain à remplir sa promesse électorale de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem, et à ce qu’il mette tout en œuvre pour que Washington modifie son approche concernant les implantations en Judée-Samarie. Mais contre toute attente, un membre haut placé du Likoud a affirmé, d’une part, que la seule personne qui continuait à soutenir le déplacement de l’ambassade américaine était Sheldon Adelson, et d’autre part, que Netanyahou était opposé aux actions de son propre parti visant à soutenir le projet de loi d’annexion de Maale Adoumim.
Pas d’interférences
L’attitude du Premier ministre est stratégique. Celui-ci est en effet convaincu que les bénéfices de tels changements seraient minimes par rapport au fait qu’ils détourneraient l’attention de la communauté internationale de l’Iran. Netanyahou veut ainsi s’assurer que rien ne vienne entraver ses efforts pour pousser l’administration américaine à se concentrer sur le pays des mollahs, qui représente sa principale source d’inquiétude. Le chef du gouvernement a donc décidé de faire la sourde oreille face aux arguments selon lesquels l’annexion de Maale Adoumim changerait significativement la donne concernant les discussions pour un futur accord de paix avec les Palestiniens, ou selon lesquels cela renforcerait la souveraineté d’Israël sur Jérusalem, ou bien encore qu’elle serait l’occasion pour l’Etat juif de démontrer qu’il n’est pas prêt à attendre indéfiniment que les Palestiniens daignent revenir s’asseoir à la table des négociations.
Au cours de récentes réunions à huis clos, Netanyahou a insisté sur le fait qu’il y a désormais à Washington une volonté de durcir le ton envers l’Iran, et que cette attitude doit être exploitée pour inciter d’autres pays à adopter une ligne de conduite plus ferme envers la République islamique. Le Premier ministre a d’ailleurs évoqué les changements d’attitude de la Grande-Bretagne et même de l’Australie. Après avoir été plutôt encline à normaliser ses relations avec l’Iran – dans l’espoir, en partie, de voir retourner dans leur pays d’origine les quelques milliers de réfugiés iraniens frappant à sa porte –, l’île d’Océanie a laissé entendre, lors de la récente visite de Netanyahou à Sydney, qu’elle allait désormais commencer à surveiller les mouvements de l’Iran dans la région.
La guerre des mots
Cette ligne de conduite du Premier ministre israélien contraste avec celle qu’il avait adoptée suite à la signature de l’accord sur le nucléaire iranien à l’été 2015. En effet, après avoir lutté en amont contre le président Obama pour que le traité ne soit pas ratifié, et après avoir œuvré pour le bloquer lorsqu’il a constaté que le projet n’était pas soutenu par le Congrès, le chef du gouvernement a ensuite entrepris de travailler calmement aux côtés des Etats-Unis pour s’assurer que l’Iran respecterait scrupuleusement ses engagements. Mais ce profil bas adopté par Netanyahou a pris fin le jour où Trump est entré en fonction. Il a dès lors repris son offensive diplomatique au travers de différents discours et déclarations.
« L’Iran continue à poursuivre son objectif d’acquérir l’arme nucléaire. Il progresse dans son programme de missiles balistiques, défiant les résolutions du Conseil de sécurité et semant l’instabilité dans notre région. Le régime de Téhéran aspire à planter son drapeau sur les ruines du monde libre. Il continue de menacer d’effacer Israël de la carte », a-t-il martelé lors de la cérémonie en mémoire des victimes de l’explosion de l’ambassade de Buenos Aires. « Nous ne renoncerons pas. Nous continuerons à développer notre force de dissuasion. Depuis cet attentat en Argentine, Israël est devenu beaucoup plus puissant. Nous sommes devenus des leaders en matière de renseignement, de contre-terrorisme et de cyberdéfense. Nous nous sommes dotés des meilleurs systèmes d’armement et d’aviation. L’Etat juif est devenu une superpuissance, et cette force permet de mobiliser d’autres pays pour faire face au défi posé par la menace iranienne », a-t-il ajouté.
Même si cette rhétorique possède un goût de déjà entendu, elle ne doit pas être prise à la légère, car elle représente un indicateur de ce qui est prioritaire dans l’agenda diplomatique de Netanyahou. D’après lui, si la menace iranienne est toujours aussi réelle, elle s’est déplacée. Désormais lorsqu’il parle de l’Iran, ce n’est plus en évoquant la menace d’acquisition immédiate de la bombe nucléaire et d’anéantissement de l’Etat juif, le traité ayant permis de retarder cette éventualité de 10 à 15 ans. Il y a deux semaines, il a affirmé à ses hôtes australiens : « L’accord garantit ainsi qu’il n’y aura pas de bombe aujourd’hui, mais qu’il y en aura 100 dans 10 ans ».
Ce sont ces dernières préoccupations qui ont motivé la visite éclair à Moscou de Netanyahou et du chef des renseignements militaires, avec comme objectif de parvenir à un accord avec Vladimir Poutine sur le sujet. En effet, si Bachar el-Assad doit sa survie en partie à l’Iran, il est encore plus redevable envers Moscou qui, en prenant une part active au conflit à l’automne 2015, en a redistribué les cartes. Israël est bien conscient que la voix de la Russie sera décisive à l’heure de parvenir à un accord de paix en Syrie, c’est pourquoi il veut s’assurer que Poutine tienne compte de l’opposition de l’Etat juif à une présence iranienne permanente en Syrie. « Tandis que les pourparlers de paix continuent à l’ONU, l’Iran tente de s’établir définitivement en Syrie dans la perspective d’un possible accord global. Il travaille à établir une présence militaire terrestre et maritime, et s’efforce progressivement d’ouvrir un front contre Israël sur le plateau du Golan », a affirmé le Premier ministre. 

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