Une plaie toujours ouverte

La souffrance des juifs expulsés des pays musulmans n’a encore reçu aucune reconnaissance officielle

Sadate et Begin (photo credit: LIBRARY OF CONGRESS/WIKIMEDIA COMMONS)
Sadate et Begin
(photo credit: LIBRARY OF CONGRESS/WIKIMEDIA COMMONS)
Le 40e anniversaire de la visite historique du président Sadate à Jérusalem a été marqué par une série de manifestations en Israël : cérémonies à la Knesset et à la résidence du président de l’Etat, séminaires, conférences publiques, articles et commentaires. Et toujours en arrière-plan, les images saisissantes de cet avion aux couleurs égyptiennes qui atterrit, du président de la République arabe d’Egypte saluant la foule d’un geste de la main, des discours à la Knesset… Ils étaient nombreux ce jour-là, les juifs égyptiens en Israël, à regarder ce spectacle entre incrédulité et espoir. Eux qui avaient été chassés d’un pays qu’ils croyaient le leur, qui avaient tout perdu, qui avaient dû reconstruire leur vie, s’étaient pris à rêver qu’avec la paix il leur serait fait enfin justice. Un rêve qui avait semblé prendre corps seize mois plus tard avec la signature du traité de paix : son article VIII ne prévoyait-il pas la création d’une commission chargée de la résolution des demandes de compensations financières ?
Las, cette commission n’a toujours pas vu le jour, et les justes revendications des réfugiés juifs d’Egypte demeurent ignorées. Certes, avec la paix ils ont pu retourner – en simples visiteurs – sur les lieux où ils sont nés et où ils ont vécu ; mais ce n’est pas sans un serrement de cœur qu’ils ont revu leurs maisons, leurs bureaux, et ces entreprises juives mythiques comme les grands magasins Benzion, Cicurel et autres, désormais nationalisées. C’est toujours en vain qu’ils réclament que soient remis à leurs organisations les registres d’état civil de la communauté, indispensables témoins des naissances, des mariages et des décès. Loin de se faire leur champion, l’Etat d’Israël reste étonnamment silencieux. Une situation qui est aussi celle des réfugiés juifs des autres pays arabes. Alors que l’on ne compte plus les résolutions internationales concernant les réfugiés palestiniens, on commence à peine à évoquer la tragédie vécue par près d’un million de juifs chassés de pays où ils vivaient depuis des siècles. Dans ce qui est aujourd’hui l’Irak, leur présence remonte à la plus haute Antiquité, bien avant l’apparition de l’islam. Et que ce soit là ou en Egypte, au Yémen ou en Libye et jusqu’en Arabie, ils ont profondément influencé les arts, la culture et même la religion : le prophète Mahomet ne s’est-il pas initié aux récits bibliques qui forment une partie importante du Coran ?
Seulement cette riche histoire est ignorée aujourd’hui. Pourtant, disent les juifs originaires des pays de l’islam, n’est-ce pas notre longue présence dans cette région qui confère à Israël cette légitimité que lui refusent certains, au prétexte que l’Etat aurait vu le jour pour accueillir les victimes des crimes de l’Europe ? Sans remettre en cause la centralité de Yad Vashem et la spécificité de la Shoah, n’est-il pas temps de créer une maison des iuifs des pays de l’islam, et d’y amener les dignitaires étrangers en visite en Israël, pour leur faire prendre conscience de notre enracinement millénaire ?
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