Netanyahou et le mufti

Non, la Shoah n’était pas l’idée d’Husseini. Mais le Grand Mufti de Jérusalem a incontestablement été le complice d’Hitler et promu l’extermination des juifs, la rendant inévitable

Entrevue entre Hitler et le Grand mufti en 1941 (photo credit: Wikimedia Commons)
Entrevue entre Hitler et le Grand mufti en 1941
(photo credit: Wikimedia Commons)
Benjamin Netanyahou a provoqué un véritable tollé. Mardi 20 octobre dernier, devant le 37e Congrès sioniste mondial, il affirmait que le fondateur du peuple palestinien, le Grand Mufti de Jérusalem, Haj Amin al-Husseini, avait convaincu Adolf Hitler d’éradiquer plutôt que d’expulser les juifs d’Europe. Une exagération historique. Car, non, la Shoah n’était pas l’idée d’Husseini, bien que ce dernier ait été un proche d’Hitler et fervent partisan du nazisme.
Husseini et la haine des juifs
Retour en novembre 1941. Lors de sa rencontre avec Husseini à Berlin, Hitler fait part au dirigeant religieux de son projet : éradiquer les juifs d’Europe. Le Grand Mufti de Jérusalem assure le Führer qu’il soutiendra les nazis et ralliera le monde arabe à leur cause. Il pose cependant deux conditions : Hitler devait l’aider, après la guerre, à diriger un Etat censé couvrir l’Irak actuel, la Syrie, la Jordanie, le Liban et Israël ; et soutenir également le génocide des juifs du Moyen-Orient. Comme l’attestent à la fois les registres officiels nazis et le résumé qu’Husseini a lui-même fait de cette rencontre, consigné dans son journal personnel, Hitler a consenti à ces deux requêtes.
Bien avant cette entrevue à Berlin, Husseini avait déjà montré sa loyauté au Führer. Son idylle avec le nazisme avait commencé avec la victoire d’Hitler aux élections de 1933. Dès cet instant, les partisans du mufti dans toute la Palestine mandataire se saluaient les uns les autres avec le salut nazi, et des croix gammées décoraient leurs villes. Mais c’est en 1937 que la collaboration est devenue effective. Cette année-là, les nazis ont commencé à financer la campagne de terreur menée par Husseini contre les juifs et les responsables du Mandat britannique. Ces derniers obligent alors le Grand Mufti à fuir le pays. En 1941, Husseini fomente un coup d’Etat militaire en Irak ; en réaction, l’armée anglaise se trouve forcée d’envahir le royaume. Il s’enfuit alors à Rome où il s’entretient avec Mussolini, puis poursuit jusqu’à Berlin, où il séjourne pendant toute la durée de la guerre.
Après qu’Hitler ait accepté ses deux conditions, Husseini a pris une part active à l’effort de guerre nazi. En 1943, il a formé la division SS Handschar composée de musulmans bosniaques. Ses troupes ont exterminé 90 % des 14 000 membres de la communauté juive de Bosnie. Le mufti a également usé de son influence pour faire échouer les tentatives britanniques d’échanger des prisonniers de guerre allemands contre des juifs. Dans l’un de ces épisodes documentés, Husseini a fait appel, en 1943, au commandant SS Heinrich Himmler pour annuler un accord visant à échanger 4 500 enfants et 500 adultes juifs de Hongrie, Slovaquie, Roumanie et Bulgarie et les envoyer à Auschwitz. Himmler a accepté. Les juifs ont été envoyés dans les chambres à gaz.
Peu de temps après sa rencontre avec Hitler, et pendant toute la durée de la guerre, Husseini a diffusé sur la radio nazie en arabe des programmes destinés à mobiliser un soutien à l’extermination des juifs du monde entier. Grâce à ces émissions entendues régulièrement par des millions d’auditeurs dans l’ensemble du monde arabe, le Grand Mufti a semé les bases d’une culture de la haine des juifs et de la destruction de l’Etat d’Israël (alors en devenir).
On ne peut pas dire pour autant qu’Hitler a eu besoin d’Husseini pour le convaincre d’anéantir les juifs d’Europe. Lorsque le mufti est arrivé en Allemagne en 1941, les nazis avaient déjà exterminé un million de juifs. L’argument de Netanyahou est donc exagéré. Il n’en est pas moins fondé : Husseini a fait en sorte qu’il soit impossible pour Hitler de se contenter d’expulser les juifs. Le seul pays qui était prêt à les accueillir était alors l’Etat naissant en terre d’Israël. Par ses actes de terreur dirigés contre les juifs et les autorités du Mandat britannique, et par ses incitations qui ont éveillé des sentiments pro-nazis en Egypte, en Irak et au Levant, Husseini a réussi à convaincre les Anglais de trahir leur obligation légale d’autoriser une libre immigration juive vers la Palestine et éliminé ainsi la dernière chance des juifs de fuir l’Europe nazie.
Husseini a été inculpé en tant que criminel de guerre à Nuremberg. Plutôt que de le juger, les alliés l’ont laissé s’enfuir en Egypte en 1946. Il y a été accueilli en héros par le roi Farouk.
Réécrire l’histoire
En tant que Grand Mufti de Jérusalem, Husseini a façonné l’éthique nationale palestinienne. A la racine de sa conception : une haine hybride des juifs, alliant l’hostilité de l’islam envers les non-musulmans à un antisémitisme européen basé sur le racisme et l’annihilation, puisant dans les Protocoles des Sages de Sion qu’Husseini a traduit et publié en arabe. Le but des aspirations nationalistes d’Husseini n’était pas de former un Etat arabe palestinien, mais bien d’empêcher l’établissement d’un Etat juif. En outre, son projet de diriger un Etat arabe comprenant l’Irak et tout le Levant indique que le père fondateur du projet national palestinien ne considérait pas la « Palestine » comme une entité territoriale distincte.
Comme l’a souligné Netanyahou, jusqu’à aujourd’hui, les Palestiniens vénèrent et glorifient Husseini. Yasser Arafat se considérait comme son digne héritier politique. Pour assurer sa légitimité en tant que dirigeant des Palestiniens, il s’était même trouvé un lien de sang avec le Grand Mufti. Le Hamas évoque lui aussi Husseini en tant que père fondateur idéologique.
Depuis l’époque d’Husseini et jusqu’à nos jours, la propagande et le terrorisme ont été les armes de choix des Palestiniens. A l’échelle nationale, leurs dirigeants diffusent des mensonges sur des complots inexistants et des agressions imaginaires, dans le but d’inciter et de pousser au meurtre d’innocents. Les assassins sont ensuite érigés en héros et en martyrs. A l’échelle internationale, les Palestiniens travaillent leur statut de victimes, livrées aux mains de colons et de soldats sanguinaires. De ce fait, leur frénésie meurtrière est totalement justifiée. Ces derniers jours, on assiste au comble de l’absurde. Les attentats à la voiture bélier sont transformés en accidents de la route. L’adolescente palestinienne qui a tenté la semaine dernière de s’infiltrer dans la localité d’Itshar avec un couteau souffrirait de « somnambulisme ». Ces mensonges ridicules ne sont crédibles que dans un monde qui nie une histoire palestinienne émaillée, depuis 95 ans, d’agressions contre les juifs. De cette conception révisée des événements, Husseini a été rayé. Son rôle dans la Shoah, supprimé.
Afin de maintenir cette fiction autant actuelle qu’historique, les Palestiniens dépendent de la collaboration des médias occidentaux. Et chaque année, cette complicité devient de plus en plus manifeste, étendue et éhontée. En exagérant le rôle d’Husseini dans la Shoah, le Premier ministre a donné aux médias une nouvelle raison de l’attaquer. Mais il les a également contraints à parler du rôle du « père fondateur » des Palestiniens dans l’extermination des juifs d’Europe, et son désir de mener à bien la Solution finale au Moyen-Orient. Grâce à cette « gaffe », la presse occidentale a levé le voile sur cette page oubliée de l’Histoire.
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