Voyeurisme et puritanisme

Les notions de vie privée et d’intimité paraissent de plus en plus menacées

Yair Netanyahu, son of Prime Minister Benjamin Netanyahu (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Yair Netanyahu, son of Prime Minister Benjamin Netanyahu
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Selon Wikipédia, cette encyclopédie des temps modernes, « Le voyeurisme est un terme à connotation morale… basé sur l’attirance à observer l’intimité ou la nudité d’une personne ou d’un groupe de personnes… (la) caractéristique principale est que le voyeur n’interagit pas directement avec son sujet, celui-ci ignorant souvent qu’il est observé. » Une définition, hélas, bien dépassée. La connotation morale a disparu depuis longtemps, balayée par « le droit du public à savoir » et l’indulgence des tribunaux.
La téléréalité et les réseaux sociaux ne suffisent plus à satisfaire l’insatiable volonté des journalistes pour le « scoop », cette information sensationnelle qui va être reprise et amplifiée par les médias du monde entier. Seulement si l’exhibitionnisme de ceux qui participent à ces émissions – et parfois, il faut bien le dire, de ceux qui diffusent photos et informations personnelles sur les réseaux – est assumé sinon recherché, la grande majorité des gens n’a aucune envie de voir sa vie privée jetée en pâture.
Il y a plus. Naguère, les paparazzis et autres chasseurs d’images, traquaient les célébrités à la recherche de « La » photo qui ferait scandale. On se souvient de la meute lancée derrière la voiture de la princesse Diana et qui a indirectement causé sa mort. Aujourd’hui, ce ne sont plus des photographes dont il faut se méfier mais des citoyens ordinaires, délateurs d’occasion qui captent ou enregistrent en cachette les conversations et fournissent le détail croustillant, la révélation spectaculaire qui peut détruire une carrière ou un homme. Aucun de ces délateurs ne le fait par altruisme. Les uns se font chèrement payer, les autres sont au service d’un objectif politique. D’ailleurs, les « révélations spectaculaires » n’ont le plus souvent rien d’incriminant. Il est certes honteux, voire répugnant, de tenir des propos racistes ou sexistes, mais tant que ces propos sont tenus dans des conversations privées, ils ne devraient pas être montés en épingle par une presse moralisatrice.
Honnêtement, qui n’a jamais fait en aparté, et en prenant grand soin de ne pas être entendu, une remarque péjorative sur l’apparence de quelqu’un ou quelqu’une ? Qui ne s’est jamais livré à des commérages sur un collègue, un voisin ou même un parent, commentaires qu’il ne voudrait à aucun prix rendre publics ? Allons-nous en arriver au point où il sera devenu impossible de s’exprimer librement, de crainte de « fuites » ? ; au point où chacun regardera son ou ses interlocuteurs avec méfiance, se demandant s’il n’est pas en train d’enregistrer subrepticement tout ce qui se dit ? A-t-on oublié si vite que d’autres ont fait cette sinistre expérience il n’y a pas si longtemps ? Dans les pays totalitaires, la délation était de règle. On encourageait les enfants à trahir leurs parents, on récompensait les mouchards. Allons-nous aujourd’hui encourager et récompenser les délateurs ? Les transformer en célébrités ? Allons-nous, en un mot, volontairement laisser la « police de la pensée » et la « novlangue », chères à Georges Orwell, envahir notre vie ?
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