A chacun son indépendance

Olim et entrepreneurs ? MATI relève le défi et aide les nouveaux immigrants à monter leur société

Campagne publicitaire à destination des Olim de France (photo credit: MATI)
Campagne publicitaire à destination des Olim de France
(photo credit: MATI)
«Ma petite entreprise ne connaît pas la crise », chantait Bashung. Au cœur de Talpiot, à Jérusalem, MATI (Centre pour le développement de l’entrepreneuriat, acronyme de Mercaz Tipouah Yazamout Yerouchalayim) pourrait bien dire la même chose. Cette association à but non lucratif tourne à plein régime.
Celle-ci a vu le jour en 1991, sous l’impulsion du maire de l’époque Teddy Kollek, soucieux d’œuvrer à l’intégration professionnelle de l’immigration soviétique de masse. Parmi les solutions à l’emploi, s’est imposée l’aide à la création de société. Depuis, via des antennes disséminées un peu partout dans le pays, MATI a progressivement étendu ses services à l’ensemble de la population israélienne. Avec un soin tout particulier apporté aux nouveaux immigrants – quel que soit leur pays d’origine. MATI est d’ailleurs l’organisme qui a été chargé de mettre en place les programmes d’aide à la création d’entreprise pour les olim du ministère de l’Intégration. Au menu, trois types de soutien disponibles : un accompagnement spécialisé de 20 heures de conseil, dont les 5 premières permettront d’affiner avec précision la nature de l’activité et de vérifier la faisabilité du concept ; l’obtention de prêts bancaires à des conditions avantageuses ; des cours et autres formations professionnelles dans la langue de l’immigrant. Sont éligibles les immigrants installés depuis moins de 10 ans en Israël, les citoyens de retour depuis moins de 3 ans, et les moins de 63 ans
.
« Monter une entreprise, c’est toujours un défi, en particulier pour les olim », explique Yaniv Ben Yossef, directeur du département des nouveaux immigrants pour MATI Jérusalem. « Ils doivent faire face à des différences de mentalité, de langue, de bureaucratie, découvrir tout un fonctionnement bancaire et administratif. Et nous sommes justement là pour leur offrir un large éventail d’aides et leur proposer les meilleures solutions. 
»
Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, la tendance est à l’entrepreneuriat. Et Israël n’échappe pas à la règle. « De nos jours, c’est beaucoup plus facile de créer sa société », confirme Maxime Seligman, à la tête de Leadlike, son agence de communication. « Grâce aux nouvelles technologies et Internet, une entreprise n’a plus besoin d’endroit physique pour exister, et cela a changé la donne dans les relations de travail. » Ce Français débarqué en Israël en 2005, un master de marketing en poche, est aujourd’hui chef d’entreprise, à Jérusalem. Un succès qu’il doit en grande partie à MATI, affirme-t-il. « Grâce à eux, j’ai pu bénéficier de l’accompagnement personnalisé d’un conseiller ainsi que d’un prêt bancaire de 160 000 shekels, refusé jusque-là », explique-t-il. L’entente est telle que Seligman a même été recruté pour officier désormais comme mentor et conférencier au sein de la structure.
Les Français tentent leur chance
Il faut dire que ces dernières années, le nombre de Français qui se tournent vers MATI pour tenter l’aventure de l’entrepreneuriat ne cesse d’augmenter. En 2016, ils étaient 179 sur les plus de 600 nouveaux immigrants reçus par la seule antenne de Jérusalem (et les 3 800 Israéliens dans leur ensemble). « Un chiffre énorme », explique Yaniv Ben Yossef, « si on le replace dans le contexte des 4 500 à 5 000 Français olim de 2016, soit environ 1 000 foyers. En général, seul un des deux conjoints se met à son compte. Ce qui veut dire que sur 500 candidats potentiels,
179 ont privilégié la création d’entreprise à un emploi salarié. » Parmi eux, des membres des professions paramédicales, bien souvent empêtrés dans des problèmes de reconnaissance de diplôme.
Les entreprises créées sont essentiellement des sociétés de prestations de service (conseil et marketing, compétences informatiques, création de sites). « Des structures relativement faciles à ouvrir, car elles ne demandent pas de gros investissements de départ, et peuvent se développer à distance tout en démarchant également des clients en France », pointe Ben Yossef. Autre domaine de prédilection des entrepreneurs français : la restauration. Un secteur pourtant instable, avec nombre d’ouvertures et de fermetures, « mais c’est vrai aussi bien pour les olim que les Israéliens de souche », précise le responsable du département des nouveaux immigrants. « Je dirais plutôt que les Français arrivent avec un avantage, car ils apportent dans leur bagage un savoir-faire culinaire qui constitue une vraie valeur ajoutée. »
Un ticket pour l’intégration
Aujourd’hui, l’entrepreneuriat peut s’adapter à toutes les facettes du monde du travail, il constitue une alternative à toutes les positions salariées, affirme Ben Yossef. Difficile de brosser un portrait type du francophone qui aspire à la création d’entreprise. « Ils ont tous les âges, ce sont aussi bien des hommes que des femmes », précise Yaniv Ben-Yossef. « On trouve aussi bien des jeunes en début de carrière qui ont envie de faire leurs preuves, que des actifs confirmés, la cinquantaine passée, qui ont du mal à être recrutés par les entreprises.
« Ce sont des Français de tous bords », confirme Maxime Seligman. Mais le conseiller note toutefois, chez beaucoup, un dénominateur commun : la volonté de sortir de la bulle française. « Beaucoup sont lassés de vivre en Israël comme s’ils étaient encore en France », explique-t-il, dans une référence directe aux call-centers, « ils veulent trouver leur place dans la société israélienne. Et MATI peut les y aider. »
Yaniv Ben Yossef lui fait écho : « Les Français ont tendance à garder leurs réflexes communautaires, à vivre en vase clos. A Jérusalem, en particulier, il est tout à fait possible d’ouvrir une entreprise qui ne repose que sur un public francophone. Mais à terme, c’est un écueil, car cela constitue un frein à l’intégration. Et c’est un de nos objectifs, à MATI, que de les encourager à trouver leur place au sein de la société israélienne. Un entrepreneur se doit de parler l’hébreu, ne serait-ce que pour ses relations avec l’administration. » Et Maxime Seligman d’aller plus loin : « Nous l’avons vu, si le chef d’entreprise parle la langue locale, cela influe directement sur la réussite de son commerce et de fait, sur son intégration. »
Dans un pays où les avantages sociaux sont quasiment inexistants et où le statut de salarié n’offre aucune sécurité de l’emploi, le désir de devenir indépendant prend tout son sens. Mais attention, MATI n’est pas une machine à fabriquer du rêve, insiste Yaniv Ben Yossef. « Au contraire, nous aidons les candidats à se confronter à la réalité. » Seuls 50 % concrétiseront réellement leur projet, et un tiers renonceront dès le premier entretien, après avoir discuté avec un conseiller. « Notre objectif, c’est de leur assurer une pérennité financière, pas de leur faire plaisir. Les dommages collatéraux d’un échec – pertes financières, déception, voire retour dans le pays d’origine – sont très lourds. »
Dans l’ensemble, les Français ont les pieds sur terre, reconnaît-il. Ils manquent de connaissance sur le fonctionnement des institutions, mais ils sont assez lucides sur leur projet. Leur défaut ? Demander de l’aide une fois qu’il est trop tard. « Ils font leur aliya, ouvrent leur entreprise, pensent n’avoir besoin de personne, et ils viennent nous voir une fois que les chèques reviennent. C’est dommage. Il faudrait qu’ils nous consultent avant de commettre
des erreurs. »

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