Le meilleur allié de l’homme

Dressés pour être les yeux de leurs maîtres, les chiens-guides permettent aux non-voyants de retrouver confiance en eux-mêmes et de s’intégrer dans la société

Des chiens guides d'aveugles en entrainement (photo credit: ELI BEN BOHER)
Des chiens guides d'aveugles en entrainement
(photo credit: ELI BEN BOHER)

L’unique centre israélien de chiens guides internationalement accrédité, est situé à proximité du Moshav Beit Oved. On y élève et dresse des chiens guides pour aveugles et malvoyants. Il existe à ce jour 250 couples - aveugles et chiens guides - dans tout Israël ; 36 partenariats sont actuellement en cours d’entraînement. Un nouveau campus

de formation pour les chiots verra bientôt le jour sur le site, permettant d’augmenter le nombre d’animaux à disposition des non-voyants.
La vocation d’un homme
Le centre a été créé il y a 26 ans par Noach Braun, qui a servi comme parachutiste et entraîneur de chiens dans Tsahal. Cet homme, qui s’est toujours intéressé au travail avec les animaux, rêvait également d’exercer une activité pour venir en aide à son prochain. Au terme de son service militaire, il a été surpris d’apprendre qu’il n’y avait aucun endroit en Israël dédié à la formation des chiens guides pour non-voyants. Braun avait trouvé sa vocation.
A l’époque, les chiens guides étaient un privilège réservé à un nombre limité de personnes. Le gouvernement n’en voyait pas la nécessité, et personne n’imaginait qu’un handicapé puisse ambitionner de s’intégrer pleinement dans la société et le marché de l’emploi. Travailler en usine pour fixer des poils sur les balais était l’un des seules activités rémunératrices à laquelle les non-voyants pouvaient alors prétendre.
Dans ces conditions, obtenir un chien guide relevait d’un véritable parcours du combattant, qui plus est fort coûteux. Le postulant devait d’abord passer un test d’anglais, qui lui était soumis par le ministère des Affaires sociales. Puis il devait se rendre aux États-Unis à ses frais pour y suivre une formation d’un mois, suivie de deux semaines durant lesquelles le couple chien-guide et non-voyant devait s’apprivoiser. Le processus était donc contraignant, sans compter que le postulant était séparé de sa famille pendant une longue période, ce qui était une autre épreuve. Et une fois de retour en Israël avec son nouveau compagnon canin, le malvoyant ne bénéficiait d’aucun suivi, ni soutien.
Déterminé à ouvrir un centre de chiens guides certifié en Israël, Braun s’est rendu aux États-Unis dans l’objectif d’acquérir les compétences nécessaires pour réaliser son rêve. Problème, les dix grands centres de formation du pays n’acceptaient de former que des étudiants américains se destinant à exercer aux Etats-Unis.
C’est grâce à l’intervention de Yeshaya Barzel, fonctionnaire au bureau des juifs soviétiques du consulat israélien de New York, que les choses ont pris une tournure plus positive. Barzel a présenté Braun à Norman Leventhal, un homme d’affaires de Pennsylvanie très investi dans les causes juives. Ce dernier a alors approché les mêmes écoles de chiens de guide que Braun avait sollicitées, mais sans plus de succès, jusqu’à ce « oui » d’un centre d’entraînement situé dans l’Ohio.
Après deux années de cours, Noach Braun a intégré le programme de formation de l’Association des chiens guides pour aveugles en Angleterre, où il est devenu instructeur de mobilité en décembre 1990. Pendant ce temps, sa femme Orna a appris à diriger un élevage de chien, et Norman Leventhal a créé un organisme à but non lucratif destiné à lever des fonds pour construire un centre de chiens guides en Israël.
Les trois pionniers ont finalement cueilli les fruits de leurs efforts. Le Centre des chiens guides pour les aveugles d’Israël a officiellement ouvert ses portes le 1er janvier 1991. Depuis, l’école a permis de former des centaines de couples chiens guides et non-voyants. Néanmoins, cela ne suffit pas encore à satisfaire la demande : La liste d’attente pour obtenir un animal est d’un an.
La formation des chiens guides
Les chiens guides en Israël sont majoritairement des Labradors où des Golden Retrievers, et dans une moindre mesure, des bergers allemands. La plupart d’entre eux sont nés au centre de Noach Braun ; quelques-uns sont également offerts par des centres du monde entier avec lesquels le centre israélien est jumelé.
Six à huit semaines après leur naissance, les chiots sont sevrés et leurs mères retournent à leurs familles d’accueil. Durant leur première année, ces derniers sont confiés à des étudiants universitaires qui les emmènent partout afin de les familiariser avec l’environnement extérieur, aussi bien une classe que les centres commerciaux, les restaurants, les trains, les bus, les ascenseurs ou les escalators. Le but étant de les exposer à une multitude de lieux et de stimuli pour les habituer au bruit, à la foule et aux obstacles. Précisons qu’en tant que chiens dédiés au service à la personne, ces animaux sont légalement autorisés à entrer dans des endroits où d’autres chiens ne sont pas admis.
Au cours de cette première année, les familles d’accueil ont l’obligation de se soumettre à une routine rigoureuse, assignée par le centre. L’alimentation nécessaire à l’animal, les soins médicaux et sa formation, sont également fournis par ce dernier. Au terme de ces 12 mois, les familles d’accueil se séparent de leur animal, lors d’une cérémonie organisée par le centre. « La séparation est vraiment difficile. Mais comme c’est pour une bonne cause, cela facilite les choses, » dit Noach Braun.
Tous les chiens n’obtiennent pas la note nécessaire leur permettant d’être accrédités comme chien guide. Seulement 50 % passent les tests imposés par le centre avec succès. Pour autant, les animaux qui n’ont pas satisfait aux exigences nécessaires pour être chien guide, possèdent des qualités qui en font des compagnons adaptés pour les enfants atteints d’autisme ou de déficience visuelle, ou encore les soldats souffrant de stress post-traumatique.
Pendant toute sa vie active, un chien guide va se consacrer entièrement à son partenaire malvoyant pour le guider en toute sécurité. Pour cela, il devra être constamment concentré à sa tâche et éviter de se laisser distraire. C’est un travail intense et très exigeant. « Les chiens, tout comme les personnes, vieillissent. Leurs compétences déclinent et ils peuvent même développer des problèmes de santé », explique Braun. « Nous voulons qu’ils cessent leur activité avant d’en arriver là. C’est pourquoi ils sont mis à la retraite au bout de huit à dix ans d’activité.
Ils restent tout de même généralement avec leur partenaire, faisant office de « chiens de compagnie », ou bien ils sont donnés à une personne qui figure sur une longue liste d’attente de demandeurs.
La formation pour devenir chien guide est très rigoureuse. Elle consiste en cinq mois d’exercices quotidiens intensifs selon la « méthode clicker ».
Cette méthode prône la récompense. Pour tout comportement positif, le chien est félicité et se trouve gratifié d’un « bon point »alimentaire, appelé clicker, qui indique au chien qu’il s’est bien comporté.
On leur apprend à contourner les obstacles dans les lieux publics, ignorer le bruit, traverser les rues en toute sécurité, se tenir tranquillement au repos pendant de longues périodes, et marcher en ligne droite sans se laisser distraire ou séduire par des odeurs.
Grâce aux chiens guides, les non-voyants acquièrent une autonomie qui leur permet de circuler avec confiance à un rythme soutenu. Ce qui constitue un mieux évident comparé à ce que permet la canne blanche traditionnelle, qui était jusque récemment la seule aide véritable à la mobilité dont disposaient les aveugles. Or, si les cannes avertissent
d’un obstacle, elles ne permettent pas à la personne de les contourner avec succès, en toute sécurité.
Inséparable duo
Réussir un couple chien-non-voyant, n’est pas une mince affaire. C’est un processus exigeant qui prend en compte les besoins physiques et émotionnels spécifiques de chaque postulant. Par exemple, une personne de petite taille sera jumelée avec un petit chien, et une personne très active avec un chien doté d’une grande énergie. C’est une sorte de mariage, puisque le chien et son partenaire sont ensemble 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Les chiens sont donnés gratuitement à tous les citoyens israéliens aveugles ou malvoyants. Après la formation, une fois de retour chez eux avec leur animal, ils perçoivent une allocation mensuelle du gouvernement de 350 shekels, pour couvrir les coûts des repas et des visites chez le vétérinaire. En outre, les maîtres entretiennent des contacts réguliers avec le centre, car avoir un réseau de soutien est vital pour assurer le succès de cette sorte de partenariat.
« Les chiens sont sous notre responsabilité et nous rendons visite régulièrement à chaque maître, afin de nous assurer de la réussite de son partenariat avec son animal. Il nous importe de vérifier que les chiens se comportent comme prévu, et de traiter de toutes les questions concernant le guidage, ou d’autres questions connexes. Il également essentiel que le chien soit en bonne santé et entretenu correctement. C’est la clé du succès pour un duo. »
Avant qu’un chien ne devienne leur partenaire, les receveurs s’entraînent avec lui pendant trois semaines sur le campus du centre. Ils y séjournent dans une chambre confortable. Ils bénéficient ensuite de cours à domicile pendant une semaine adaptés à leurs habitudes et leurs besoins, ainsi qu’à leurs trajets quotidiens comme leur lieu de travail, l’école, la banque, l’épicerie et le médecin.
C’est un métier à fortes responsabilités. Il n’est donc pas surprenant qu’une formation de trois ans soit nécessaire avant de recevoir une licence internationale et que le processus de recrutement soit particulièrement exigeant.
Quand un chien guide porte son harnais, il sait qu’il travaille et qu’il devient les yeux de son partenaire. Très au fait de sa mission, rien ne saurait le détourner de celle-ci, pas même un steak juteux brandi sous sa truffe. « Une fois que le harnais est retiré, un chien guide redevient un « chien ordinaire ». Il sait qu’il n’est plus en service », explique Braun.
Une ouverture sur le monde
Un chien guide ouvre le monde à son partenaire. Dror Carmeli d’Ashdod perdait lentement la vue.
Par conséquent, il restait de plus en plus confiné chez lui, ou à proximité, et avait pratiquement cessé ses activités habituelles. Il y a six ans, il s’est associé avec la chienne Lynne, et sa vie a complètement changé. Dror a retrouvé son indépendance et plus encore : sa confiance en lui.
« Au début, j’ai commencé à participer à des courses à pied, pour me prouver à moi-même et au monde que je pouvais le faire. Maintenant je cours parce que j’y prends du plaisir », dit-il. « J’ai fait cinq marathons, y compris celui de New York, et je suis en formation pour participer à un triathlon. Je fais aussi partie d’un groupe de cyclistes pour voyants et non-voyants. Avant d’avoir Lynne, imaginer participer à ces activités était du domaine du rêve. Et aujourd’hui, m’y voilà ! Et maintenant vous voyez, j’y participe ! Tout cela c’est grâce à l’indépendance et au sentiment de sécurité que me donne ma chienne. » Dans les épreuves de course à pied, l’aveugle est rattaché à un coureur voyant. Les courses de vélo se font sur tandem, la personne voyante se trouve à l’avant tandis que son partenaire est à l’arrière
.
Le centre sponsorise aussi différents événements
.
Six non-voyants se sont ainsi rendus en Pologne pour participer à la Marche de la Journée du souvenir de l’Holocauste.
Dans le bureau de Noach Braun, se trouve une photo de ces hommes, de leurs chiens et leurs chaperons, devant Auschwitz. Les non-voyants sont debout, se tenant au harnais de leurs chiens, et brandissent fièrement un énorme drapeau israélien. Des membres du centre se déplacent également dans les écoles afin de sensibiliser les jeunes à la déficience visuelle et à l’utilisation de chiens guides. Pour cela, ils sont accompagnés de véritables chiens guides et de leurs partenaires. Les jeunes qui le souhaitent peuvent effectuer leur service national dans ce cadre-là.
Le gouvernement ne subventionne que 5 à 6 % des coûts d’exploitation du centre. Les 95 % restants de son budget sont couverts par des dons qui proviennent des États-Unis, du Canada,
du Royaume-Uni et d’autres pays. La formation d’un chien guide coûte environ 25 000 dollars, de sa naissance à son départ du centre et jusqu’à sa retraite.
« La stabilité financière du centre est un souci constant. Nous veillons également à améliorer perpétuellement nos services pour nos clients et nos chiens. Ainsi nous redonnons vie et le sourire à des centaines de personnes non-voyantes et ce, malgré le peu d’aide financière que nous recevons du gouvernement.
Il s’agit pour moi d’une véritable mission et j’entends bien la poursuivre pendant encore de nombreuses années. » 
Possibilité de visites sur rendez-vous les jours de Hol Hamoed Pessah. Des visites guidées seront également proposées Info : (08) 940-8213.
© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite