Le pays où la vie est plus chère

Israël est l’un des Etats de l’OCDE où le coût de la vie est le plus élevé. Comment cela s’explique-t-il ?

Protestations de 2011 contre la vie chère (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)
Protestations de 2011 contre la vie chère
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM/THE JERUSALEM POST)

Regarde comme il est sale », fait remarquer Liami Lawrence, alors que nous nous munissons d’un caddie en plastique en arrivant au magasin Shufersal Sheli de la rue Ben Yehouda à Tel-Aviv. « Ils ne prennent même pas la peine de les nettoyer ». Des résidus difficilement identifiables sont en effet collés au fond du panier à roulettes usé, présageant du caractère habituellement désagréable de la visite au supermarché local. Une corvée que le jeune homme redoute toujours. Cet immigrant de Los Angeles, qui vit en Israël depuis trois ans, s’est joint à mon enquête informelle sur les prix des produits de base, afin de tenter de comprendre pourquoi leur coût et, par extension, celui de la vie, sont devenus si disproportionnés en Israël par rapport aux autres pays occidentaux.

Liami Lawrence dirige « Keep Olim in Israel », une organisation dont le but est d’aider les nouveaux immigrants concernant les différents problèmes qu’ils peuvent rencontrer, et qui bien souvent les conduisent à quitter un pays qu’ils ne demandaient pourtant qu’à aimer. Il m’a ainsi montré une liste manuscrite de plus de 150 amis et connaissances partis au cours des deux dernières années. Outre les prix, c’est son expérience de consommateur israélien qui a encore plus convaincu le jeune homme de la nécessité de son travail. « En imposant des bas salaires et une vie chère, l’Etat malmène ses citoyens en général, et les nouveaux immigrants en particulier », affirme-t-il, arguant que la difficulté à gagner leur vie est la raison principale qui pousse les olim à partir.
Ce sont ses propres frustrations qui ont poussé Lawrence à créer ce groupe. En arrivant en Israël, il était un sioniste convaincu avec de l’enthousiasme à revendre, mais il s’est finalement retrouvé au chômage et endetté. Trop âgé pour vivre en colocation, et trop dépendant des transports publics pour vivre loin du centre-ville, il s’est vu contraint de dilapider ses économies dans un loyer de 4 600 shekels pour un petit deux-pièces sur la rue Ben Yehouda. Il gagnait alors environ 7 000 shekels par mois, soit moins que la moyenne nationale déclarée par le Bureau central des statistiques, qui tourne autour de 9 000 shekels – une statistique dont il doute.
Le yaourt qui fâche
Dans le supermarché, nous rejoignons l’allée devenue emblématique de la cherté de la vie en Israël : celle des produits laitiers. En 2011, en effet, la « protestation du cottage », déclenchée par la colère des consommateurs face à l’augmentation de 45 % en trois ans du prix du fameux fromage blanc et qui a vu des milliers d’Israéliens descendre dans la rue, a fait la une des journaux du monde entier. En 2014, c’est le prix de la crème au chocolat « Milky » qui a cette fois créé la polémique, après qu’un Israélien vivant à Berlin ait posté sur Facebook le ticket de caisse d’une épicerie, en encourageant ses compatriotes à venir s’installer dans la capitale allemande (comme je l’ai fait il y a presque deux ans). Et pour cause : il apparaissait que le dessert israélien était trois fois plus cher que sa version allemande.
Presque sept ans et quelques comités post-protestations de la Knesset plus tard, les prix n’ont pas réellement baissé, du moins en ce qui concerne les produits laitiers et l’épicerie. Au Shufersal, le cottage coûte 5,70 shekels, un yaourt Yoplait, 5,20 shekels. « En Amérique, combien coûte un yaourt ? 0,60 à 0,75 dollar (2,13 à 2,66 shekels) ? », s’interroge Liami. Un rapide coup d’œil sur Internet confirme son estimation. Nous nous dirigeons ensuite vers d’autres produits de base tels que les produits d’entretien, le dentifrice et les conserves, et constatons qu’environ un tiers des produits sont en promotion : les quatre boîtes de thon Starkist passent de 30 à 24,90 shekels et le paquet de 30 couches Pampers de 51,90 à 39,90 shekels ; le déodorant Adidas coûte 28,70 shekels, et une boîte de Kleenex 11,80 shekels. Une question se pose alors : pourquoi ces articles n’affichent-ils pas de prix plus bas dès le départ ? « 3 dollars pour 75 mouchoirs, c’est complètement fou », fait remarquer Liami. « Allons voir du côté du riz et des pâtes, les aliments dont les gens pauvres se nourrissent. » Dans cette allée, il a l’espoir que les marques locales ne coûtent pas plus d’un dollar (3,60 shekels). Il déchante en constatant qu’un paquet de spaghettis Osem est vendu 6,70 shekels, soit à peine moins que celui de la marque italienne Barilla à 7,90 shekels.
A l’occasion d’un sondage sur la page Facebook « Keep Olim in Israel », certains nouveaux immigrants sont montés au créneau pour défendre le pays, arguant que les taxes élevées servent à couvrir les dépenses liées à la défense, que l’éducation juive en Israël est gratuite, que les soins médicaux sont meilleurs et moins chers, ou encore que les abonnements de téléphonie mobile sont abordables. Dans le camp d’en face, plus d’une centaine de commentaires, dans lesquels on trouvait notamment un ticket de caisse du supermarché britannique Tesco, qui montrait que pour environ 8 livres, soit 38 shekels, le panier contenait de la charcuterie, du fromage, des petits pains et de l’eau. D’autres internautes ont cité des produits dont le prix représente plus du double que dans leur pays d’origine : les biens immobiliers bien sûr, mais aussi les voitures, le gaz, le vin, la bière, les restaurants et les cafés.
L’argument largement répandu selon lequel Israël a besoin de plus d’impôts pour maintenir sa défense est douteux, selon l’économiste Guilad Alper. « D’après les statistiques, le budget de la défense n’a pas augmenté de manière significative au cours de la dernière décennie, en tenant compte de l’inflation et de la croissance démographique. De plus, il n’y a pas de lien entre le budget de la défense et la très forte réglementation qui existe en Israël. » Réglementation qui constitue, selon lui, une clé du problème de la vie chère.
Le revers du protectionnisme
Afin de comparer les prix, je me suis rendue dans un supermarché allemand avec Guilad Alper. Cet économiste israélien est membre du conseil consultatif du ministère des Finances. Il réside actuellement à Berlin dans le cadre de ses recherches pour une société basée à Petah Tikva. Tout en poussant notre caddie flambant neuf sur le carrelage étincelant du Lidl, l’une des chaînes de supermarchés discount les plus populaires en Allemagne, ce défenseur du marché libre nomme celui qui, d’après lui, est le principal responsable des prix exorbitants de l’épicerie en Israël : le gouvernement. Et plus précisément, les taxes, les tarifs et les règlements qu’il impose. « L’économie israélienne », affirme-t-il, « est la plus réglementée du monde occidental. » Au travers des allées, le constat des prix bas est sans appel : le sachet de laitue romaine coûte 0,80 euro, un sachet de frites surgelées, 0,60 euro, et un litre et demi d’eau, 0,19 euro. Les prix des yaourts commencent à 0,30 euro, et le paquet de 34 couches Pampers coûte 5 euros. Du côté du tristement célèbre « Milky » allemand, le prix est resté stable à 0,19 euros.
« Il n’y a en réalité aucune raison pour que le panier de la ménagère revienne si cher en Israël », déclare l’économiste. Et d’expliquer comment le pays impose des droits de douane élevés sur de nombreux produits alimentaires de base, réduisant ainsi la concurrence : 160 % sur le beurre, 170 % sur les œufs, 298 % sur les oignons, 60 % sur le fromage, 127 % sur les olives, 190 % sur le bœuf, ou encore 170 % sur le poulet, pour ne citer que quelques exemples. Tandis que nous arrivons au rayon des pains fraîchement sortis du four à moins de 2 euros chacun, Alper déplore les limites imposées aux boulangeries israéliennes. « En Israël, les boulangeries sont considérées comme des “usines alimentaires”, et doivent se conformer à des réglementations spécifiques concernant la taille de l’installation, les équipements et les conditions de travail des employés, y compris l’obligation de leur fournir des douches », explique Guilad Alper. « En outre, les propriétaires de boulangerie n’ont pas réellement la possibilité de confectionner des pâtisseries sur place. Ils sont contraints d’acheter de la pâte congelée fabriquée dans des usines, et qui contiennent généralement de la margarine plutôt que du beurre. Les clients se voient donc proposer des produits malsains, peu savoureux et chers ».
En parcourant les allées, je fais remarquer à quel point les courses sont une expérience agréable pour le consommateur : le magasin est calme et spacieux, aucun employé ne crie dans les haut-parleurs, et les articles sont impeccablement disposés sur des étagères. Guilad Alper se met alors à rire. « Vous voyez, là, j’ai instinctivement envie d’argumenter pour défendre mon pays ! » Un instinct que le gouvernement exploite en effet, lorsqu’il invoque le patriotisme israélien pour justifier ses mesures de protection envers les producteurs et les agriculteurs locaux. « L’argumentaire consiste à dire qu’Israël doit parvenir à une autonomie dans le domaine de la production alimentaire », explique l’économiste. « Mais c’est une fausse excuse, car le pays n’a jamais été et ne sera jamais autosuffisant. » Pour exemple, Israël importe la plus grande partie de ses aliments pour bétail, car il ne possède ni les terres ni le climat nécessaires pour produire du grain de qualité et en grande quantité.
Monopoles et cartels
Il va sans dire que les produits bleus et blancs devraient logiquement être proposés aux meilleurs tarifs en Israël. Cependant, après une rapide comparaison des prix des produits Bamba, le snack israélien emblématique aux arachides qui est maintenant vendu par la chaîne Trader Joe aux Etats-Unis, on s’aperçoit que les Israéliens paient le produit local plus cher que les Américains : à Los Angeles, le consommateur débourse 0,99 dollar pour un paquet de 100 grammes, tandis que le client de Shufersal paie 4,90 sekels (1,40 dollar) le sachet de 80 grammes.
Certains fabricants d’aliments israéliens dont les noms sont inévitablement associés au pays ne sont même plus de propriété israélienne. Osem appartient aujourd’hui au géant suisse Nestlé, Tnouva est contrôlée par une compagnie d’Etat chinoise, et Telma fait partie du groupe Unilever. Ensemble, ces conglomérats contrôlent une grande partie du marché israélien, au grand dam des plus petits concurrents. « Le nombre d’entreprises ne détermine pas nécessairement la férocité de la concurrence », souligne Guilad Alper. « Ce qui compte vraiment, ce sont les barrières à l’entrée. La bureaucratie, la politique et la corruption rendent le processus d’obtention de licences particulièrement long, et à moins qu’ils ne finissent par intégrer un grand groupe, il est très difficile pour les producteurs indépendants de se maintenir. »
En 2015, Arouts 8 a entrepris une série d’enquêtes concernant la hausse des prix en Israël. Les deux premiers volets de Magash Hakesef (Plateau d’argent) étaient consacrés à un fléau majeur auquel se trouve confronté le consommateur israélien : les monopoles et les cartels. Dans la première émission, Guy Rolnik, fondateur et rédacteur en chef de la revue économique israélienne The Marker, s’est attaché à démontrer que les principales sources de capitaux et d’industries du pays – banque, assurance, immobilier, médias et communications – sont la propriété d’une poignée de magnats impliqués dans des manipulations économiques troubles, freinant habilement les contrôles et la concurrence.
Dans le second volet, Yaron Zelekha, ancien comptable du ministère des Finances et aujourd’hui doyen de la faculté d’administration des affaires du Ono Academic College, a démontré au cours d’une visite dans un supermarché comment une poignée de conglomérats dominent les étagères. « Il y a plus de 100 monopoles, ce qui représente le plus grand nombre de monopoles dans le monde occidental. Et au lieu de combattre ce phénomène, le gouvernement l’encourage », constatait Yaron Zelekha.
Il précisait que le coût de la vie en Israël a augmenté en 2009, au moment où la Banque d’Israël a mis en place une politique monétaire expansionniste en abaissant les taux d’intérêt. « En seulement une année seulement, il y a eu une augmentation de 70 % de la quantité de capitaux injectée dans l’économie israélienne. Inévitablement, lorsque ces capitaux sont multipliés par trois ou quatre, alors que le PIB par habitant stagne, les prix commencent à augmenter. La même année, outre la mise en place de cette politique monétaire, le gouvernement a décidé d’augmenter les taxes à la consommation, une mesure qui a empêché la demande et les produits de se développer. Et lorsque vous imprimez autant d’argent dans une économie où les besoins des consommateurs n’augmentent pas, cela entraîne inévitablement un transfert d’argent du marché des produits vers un autre marché, celui de l’immobilier en l’occurrence. C’est ainsi que depuis 2009, les prix de l’immobilier pour un appartement moyen ont augmenté de plus de 120 %. »
Obstacles en pagaille
Baroukh Brenner, résident de Neveh Daniel, se considère très chanceux d’avoir réussi à créer son entreprise d’importation de matériaux et d’équipements ménagers. « La plupart des entreprises en Israël ne tiennent pas plus de trois ans », fait-il remarquer. En 2016, le pays se classait au 53e rang des pays de l’OCDE (après la Moldavie) pour la facilité de création d’une nouvelle entreprise. Le temps et les dépenses nécessaires à l’enregistrement d’une société, ainsi qu’à l’obtention d’un permis, l’établissement de contrats et la mise en place de services publics rendent la création d’une société risquée.
Baroukh travaille avec des clients et des fournisseurs israéliens pendant la journée, et des fournisseurs américains la nuit, rappelant une autre statistique : la productivité israélienne par habitant est parmi les plus faibles de l’OCDE, alors que le nombre d’heures de travail par an se classe parmi les plus élevés. Dans le cadre de son travail, cet entrepreneur est amené à traiter avec l’Institution Standard d’Israël, un organisme d’Etat accusé de compliquer la tâche des importateurs israéliens. L’économiste met également en cause un conflit d’intérêts avec les dirigeants de l’institut de normalisation qui sont parfois eux-mêmes des fabricants locaux. « Israël ne reconnaît pas les normes de fabrication des autres pays », indique Baroukh Brenner. Les ponts extérieurs importés, par exemple, ont passé des certifications mondiales concernant le traitement antidérapage et l’ignifugation. « Et voici l’Etat d’Israël qui, avec ses 8 millions d’habitants, n’accepte pas la certification des Etats-Unis et de l’Union européenne. Pour aggraver les choses, Israël possède son propre type de prise électrique qui n’existe dans aucun autre pays. Cela a été historiquement imposé pour aider les fabricants locaux et arrêter les importations. Maintenant, c’est juste un autre obstacle qui fait monter les prix lorsqu’on négocie avec des fabricants étrangers. »
Certains articles ne peuvent entrer dans le pays sans l’autorisation de l’institution, obligeant souvent Baroukh Brenner à laisser sa marchandise au port et à payer des taxes supplémentaires, jusqu’à ce qu’elle soit vérifiée. Autre exemple de complications : l’entrepreneur souhaiterait importer les épices vendues avec un modèle de barbecue qu’il importe. Mais bien qu’elles soient certifiés cachères et approuvées par la FDA (Food and Drug Administration), Israël exige que les condiments reçoivent également l’approbation des ministères de la Santé et de l’Agriculture, ce qui au final rendrait l’entreprise trop peu rentable. Une fois que les produits arrivent en magasin, le prix au détail doit être fixé à plus de 30 % de plus que la moyenne mondiale pour que le propriétaire puisse réaliser un bénéfice. « Pour ne rien arranger, les propriétaires de locaux sont soumis à des taxes foncières et immobilières élevées », dit-il. « Je paye pour mon entrepôt plus que ce que la plupart des gens paient pour des bureaux luxueux dans n’importe quel pays occidental, et il n’est même pas situé dans un beau quartier. Le stockage me coûte donc plus cher que dans la plupart des pays. On est aussi obligé de payer des salaires plus élevés pour permettre à nos employés de se loger. Enfin, les frais d’expédition à l’intérieur du pays sont incroyablement élevés. Je dépense moins pour expédier de la marchandise du Tennessee au Minnesota que de Haïfa à Jérusalem. » Des coûts qui s’expliquent par l’importance des taxes sur le carburant, les véhicules et les pièces de rechange automobiles. Les droits sur les voitures représentent 85 % du coût du véhicule.
« Parfois, j’ai l’impression que le gouvernement agit de cette façon car il sait qu’il a affaire à des sionistes prêts à tout subir pour continuer à vivre dans le pays », dit Baroukh Brenner en citant une autre taxe « vicieuse », la TVA, qui s’élève à 17 %.
Certains facteurs contribuant à ce fardeau financier ne sont pas liés à la mainmise du gouvernement. Israël est un petit pays isolé, ce qui oblige les fournisseurs à dépenser plus d’argent pour se rendre à l’étranger à la recherche de nouvelles marchandises. En outre, les pays ayant de grands marchés ont plus de poids pour négocier des prix bas avec les exportateurs à l’étranger. « Lorsque nous négocions avec une société chinoise pour leur acheter des réfrigérateurs, nous payons plus que les Etats-Unis, car personne ne se soucie du minuscule marché israélien », explique Baroukh Brenner.
Constatons également que les prix de certains produits ont baissé au cours des années précédentes. « Certains marchés se sont ouverts à la concurrence et aux importations bon marché », confirme Guilad Arper. « Dans des domaines tels que l’électronique grand public, l’habillement, les chaussures et l’ameublement, les prix ont considérablement diminué. Dans d’autres domaines en revanche, tels que celui de l’alimentation, les prix n’ont pas baissé. »
Capitalisme de copinage
Dans le secteur de la haute technologie, la productivité et les revenus dépassent les autres industries israéliennes. « La seule façon d’augmenter réellement les salaires dans un marché privé est de s’assurer que vos employés génèrent des revenus afin que vous puissiez les payer », explique Gilad Alper. « Le secteur du high-tech propose des salaires élevés à la mesure de la productivité de ses employés. Et l’une des raisons majeures pour lesquelles celle-ci est si importante est que l’industrie de la technologie n’est pas réglementée. » Mais l’économiste craint que cela ne change bientôt. « Si le gouvernement commence à s’ingérer dans l’industrie de la technologie, les dommages qu’il infligera à l’économie israélienne seront énormes. »
De retour au Shufersal en Israël, j’achète un paquet de bretzels de la marque Snyder’s, attiré par la promotion « imaginaire » de 17,90 shekels à 13 shekels. Mais lorsque j’arrive à la caisse, la réduction ne passe pas. Le caissier grincheux ne me croit pas lorsque je lui affirme que le produit est en promotion, et il faut environ sept minutes au gérant pour vérifier et appliquer la remise, à contrecœur. La facture totale est de 200 shekels pour un jus, des Pringles, des bretzels, des Doritos, un yaourt, une mousse, de la vinaigrette, des biscuits Oreo, du café turc et du thon. Cherchez l’erreur…
Que peuvent faire les Israéliens pour provoquer un véritable changement ? Selon Guilad Alper, ils doivent d’abord identifier la source du problème, exigeant une restructuration de l’économie, qui ne pourra probablement être entreprise qu’en dehors du cadre des institutions publiques qui suivent la ligne du gouvernement et les principes socialistes sur lesquels l’Etat a été fondé. Au cours des manifestations de 2011, les Israéliens mécontents ont demandé au gouvernement de fournir des solutions, au lieu d’identifier celui-ci comme étant la source du problème. Les Israéliens confondent souvent « économie de libre marché » avec le « capitalisme de copinage » qui domine l’économie du pays, dans le cadre duquel politiciens et entreprises s’échangent des faveurs. « Les politiciens en Israël veulent être réélus », dit Guilad Alper.
« C’est la seule chose qui les intéresse, ce n’est pas le bien du peuple qui les motive. »
L’économiste conclut tout de même sur une note d’espoir, si caractéristique des Israéliens. « Si nous arrivons à faire en Israël tout ce que nous y faisons maintenant, dans le cadre d’un régime économique essentiellement oppressif, imaginez ce que nous pourrions faire si le pays se calquait sur le modèle helvétique ? » La Suisse est l’un des pays les plus riches du monde, authentiquement capitaliste à travers sa protection des droits de propriété, ses impôts bas et ses charges raisonnables. « Israël serait alors, et de loin, le pays le plus riche de la planète. » 
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