Critique livres spécial Islam

De l'affaire Ilan Halimi à l'Islam radical.

0711JFR24 521 (photo credit: DR)
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Obtenir tout. Tout de suite 
AMANDINE SAFFAR
Tout , tout de suite. Le récit, ou plutôt l’enquête, de Morgan Sportès engage le lecteur dans l’affaire Ilan Halimi, torturé à mort par le Gang des Barbares en janvier 2006. Soit le crime le plus sordide pour la communauté juive française du début du 21e siècle, jusqu’à l’affaire Merah.
Sportès dresse un fin portrait de cette sous-société des banlieues, avec ses codes culturels et sa morale en désuétude, qui a oublié qu’on n’obtient pas “tout, tout de suite”. Il mène avec minutie la généalogie des indéchiffrables actes de barbarie de Youssouf Fofana, manipulateur et chef de l’association des assassins.
Le danger de l’ouvrage : empêcher à l’occasion notre conscience d’héroïser ces protagonistes qui revêtent le masque des gangsters de nos films favoris. On lit, peut-être le sourire aux lèvres, les mots de Yacef (Youssouf Fofana) : “J’hésitais entre être avocat et un grand bandit...”.
Zelda (Emma), la jeune femme qui a attiré Elie (Ilan Halimi) dans le traquenard est quant à elle décrite comme une beauté persane. Une petite fille perdue dans son histoire personnelle rocambolesque et pantin manipulé par la société barbare que nous avons produite.
Mais Sportès atteint son but sans peine. La haine et le dégoût éprouvés à l’encontre de Yacef s’accroient au fil du texte.
La première partie du récit s’attarde sur les actes de barbarie qui ont précédé le meurtre d’Ilan Halimi.
“Sous le masque du clown, le dément” lit-on à propos de Yacef. “Le nombre de ses victimes, on ne le connaît pas”.
Les citations de début de chapitre sont de choix.
Extraits de rap ou citation de sociologues, elles soulèvent un point souvent évoqué mais rarement pris en considération : la violence des mots revendiquée comme un miroir de l’âme. Ces paroles qui génèrent ou donnent crédit à la violence.
Problème sociétaire ou antisémitisme de base ? 
L’antisémitisme est latent. Et cette phrase, répétée comme une litanie, “si ses parents n’ont pas d’argent, ils en trouveront.
Les feujs c’est solidaire”.
Ces “feujs”, décrits par Yacef comme les “rois de l’époque, contre lesquels nous autres, Arabes et Blacks, on doit s’unir”. Très cyniquement, l’auteur résume ainsi le tableau : “Damnés de la terre versus peuple élu”, credo des problèmes d’intégration et d’un processus de renversement victimaire en France.
Quant au vocabulaire des cités, difficile à adopter pour un écrivain, c’est un succès. Sportès parvient à rendre le ton “racaille” sans pousser à l’extrême ce langage informe. On note une bonne mise en valeur du racisme antiblanc, et de l’antisémitisme. L’expression “jambon-beurre” qui désigne les Blancs peut faire doucement sourire.
Dans le portrait socio-économique de ces banlieues et la pénétration de leurs revendications, reste la menace du lien causal : misère-violence légitime. Il est plutôt bien évité ici. Sportès rappelle par bribes que ces jeunes ont un foyer et sont aidés par l’Etat français.
On apprécie beaucoup l’enquête approfondie des faits, qui investit tous les acteurs, de près ou de loin, assortie de références aux dires des avocats et des réels protagonistes.
L’accent mis sur la souffrance d’Ilan, la barbarie pure de l’acte, rend à la victime son témoignage. Fait effrayant : le nombre de complices impliqués dans l’affaire.
Et cette sorte de fordisme, ou de découpage à l’extrême des tâches, qui permet à l’ensemble de fonctionner comme une immense barbarie. Et évite à chaque maillon de prendre conscience de son rôle dans la chaîne du crime organisé. Notons, à ce propos, l’excellente citation qui engage le lecteur dans une lecture “éclairée” sur la question : “Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? On évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : A quels enfants allons-nous laisser le monde ?” (Jaime Semprun, L’abîme se repeuple). 
Tout, tout de suite, de Morgan Sportès. Editions du Livre de Poche, août 2012. A remporté en 2012 le Globe de cristal du “meilleur roman”.
L’islam radical : le problème
JOSEPH STRICH
‘En Israël, on considère le ‘printemps arabe’ fantasmé, comme un hiver islamique”, pensais-je déjà avant de lire Face à l’islam radical de Daniel Pipes et Guy Millière.
L’introduction me confirmait les confusions de saisons, chères aux Européens : qu’elle est naïve, la volonté d’introduire la démocratie dans le monde arabo-musulman ! Un rude hiver qui ne sévit pas seulement en Tunisie, Egypte, Lybie, Syrie, mais aussi en Turquie, qui, quoique dans la structure de défense de l’Occident (OTAN) est passée désormais dans le camp des ennemis d’Israël, Iran, qui continue son avancée inexorable vers l’arme atomique, Irak, qui passe dans l’orbite iranienne, Afghanistan re-talibanisé, Pakistan instable, Arabie Saoudite sur la défensive et émirats du Golfe inquiets.
Jamais Israël n’aura été autant menacé et isolé. Avec, en arrière-plan, l’Europe “chancelante” et “au bord de l’implosion”, et l’Amérique de Barack Obama “en retrait des affaires du monde”, en position effacée, de “faiblesse générique” qui affaiblit la démocratie.
Le candidat à sa propre succession est qualifié par les auteurs de “fondamentalement gauchiste qui voit dans les Etats-Unis une force néfaste ; et ce qui le restreint est le fait qu’il est le président et ne peut tourner ouvertement le dos aux intérêts américains dans le monde”.
“L’islam radical est le problème. L’islam modéré est la solution” : voilà le message principal du livre, qui revient comme un leitmotiv. Aussi bien contre “l’aveuglement volontaire” politiquement correct (des politiciens et journalistes qui sont les “idiots utiles de l’islam radical”), que contre “le rejet global et sans distinction”, nourri par cet aveuglement, de l’islam et des Musulmans. Il faut aider les réformateurs de l’islam, distinguer l’islam traditionnel de l’islam radical qui est une idéologie moderne révolutionnaire et totalitaire - Chiites et Frères musulmans et autres Sunnites confondus - qui reprend des éléments au fascisme et au communisme, nés dans le monde occidental (contradiction), au nazisme et au tiers-mondisme.
Il peut séduire des gens venus du marxisme et de l’extrême gauche (le recul du marxisme en Occident a été suivi justement d’une vague de conversions à l’islam), les revendications des islamistes faisant écho aux discours sur les exploités, les peuples opprimés.
Un vainqueur et un vaincu 
Il n’y a pas conflit de civilisations comme le croyait Samuel Huntington, mais attaque/assaut de la barbarie contre la civilisation, et les discours rassurants/apaisants disant que l’islam est une religion de paix font le jeu complice de l’islam radical, dont l’offensive à ses débuts et en phase ascendante se trouve ainsi facilitée.
Il y a me semble-t-il contradiction entre ceci et la critique de l’amalgame contre lequel les auteurs mettent en garde tout en estimant que le rejet de l’islam est une attitude compréhensible, de frustration, de révolte et de réaction à l’accusation d’islamophobie.
Ils nous mettent en garde, nous aussi, Juifs et Israéliens, contre un autre amalgame : l’antisémitsime montant en Europe n’est pas celui de la vieille droite européenne, la haine d’Israël et le soupçon vis-à-vis des Juifs sont des phénomènes de gauche et d’extrême gauche : déligitimation d’Israël, réécriture de l’histoire, falsification, propagande.
L’islam radical constitue le principal danger aujourd’hui.
Bien. Mais sommes-nous pour autant perdus d’avance ? N o n , répondent avec force Pipes et M i l l i e r e .
N o u s s o m m e s dans une g u e r r e g l o b a l e , mais il faut le savoir et la mener, la victoire est possible. L’islam radical peut être vaincu, il tombera comme sont tombés en 1945 le fascisme et le nazisme et en 1991 le communisme.
“Ou bien l’islam l’emportera, et ce sera un triomphe pour l’islam radical, ou bien Israël l’emportera et, avec Israël, le monde occidental”, concluent les auteurs après avoir tracé un parallèle avec les accords d’Oslo : “la victoire aura lieu dans l’après Oslo et l’après Autorité palestinienne... Ou bien Israël se donnera les moyens de la victoire, ou bien Israël sera placé dans des conditions de défaite et sera vaincu.
Le plan de paix est simple : Israël gagne”. Mais tout cela à une condition qui est loin d’être acceptée aujourd’hui aussi bien par les Occidentaux que par Israël : la nécessité qu’il y ait un vainqueur et un vaincu.
Face à l’islam radical : Un regard plus profond sur le Proche-Orient et le péril islamiste, par Daniel Pipes et Guy Millière. Editions David Reinharc, mai 2012.