Festival du film israélien à Paris, que la fête commence !

Une semaine de festivités autour du septième art israélien au coeur de la capitale française

Nadav Lapid (photo credit: © DR)
Nadav Lapid
(photo credit: © DR)
Depuis la fin des années 1990, le cinéma israélien est devenu incontournable dans le monde du 7e art. Primés dans les plus grands festivals du monde, les films de ces metteurs en scène interpellent, fascinent et retiennent l’attention, aussi bien des critiques que du public, et cela à l’échelle internationale. Comment en si peu de temps et par quel miracle, ces cinéastes ont su trouver leur rythme, leur thématique ? D’où vient cette incroyable puissance narrative, appuyée par des acteurs fascinants ? Ainsi que cette technique habile, nerveuse, qui donne toute la tension à l’histoire ? La réponse sera donnée du 27 mars au 3 avril au Cinéma des cinéastes où se déroule comme chaque année le Festival du film israélien tant attendu.
Après Yvan Attal et Pascal Elbé, Tomer Sisley succède à la présidence cette année. Belle gueule, grand sourire pour Tomer, le cinéma israélien baigne dans son jus, celui de son enfance, “ennuyeux à l’époque, soyons clairs”, ajoute ce sympathique garçon, comme l’aurait dit Goda Meir.
Dans un éclat de rire, Sisley réitère que le cinéma israélien commence à trouver ses marques et à se faire une place au milieu des grands.
Cet acteur israélien, que le film Largo Winch adapté d’une bande dessinée a rendu célèbre - surtout auprès des jeunes, qui lui vouent un véritable culte - est un savant mélange russo-yéménite. Né à Berlin, il a grandi en France, mais reste attaché à son pays d’origine. Etre président du festival est pour lui un immense bonheur : “Rien ne pouvait me faire plus plaisir et je compte prendre mon rôle très au sérieux, si on ne m’avait pas proposé d’être président j’aurai demandé à l’être”. Son voeu : tourner avec des metteurs en scène israéliens.
Programmation jubilatoire pour ce cru 2012 où fictions et documentaires se mêlent aux tables rondes avec toujours cet incroyable bazar qu’on adore, défini par le directeur Charles Zrihen comme le “big balagan”. “Nous avons beaucoup de films distribués en France par la suite et le festival est pour eux un merveilleux tremplin, une jauge pour les distributeurs qui permet d’apprécier après de ce public exigeant si les films vont être un succès”, ajoute le charismatique Zrihen, “nous avons aussi mis en place un blog interactif qui permettra au public de réagir et de donner son avis.”
Tout dire tout montrer, tout critiquer
Pendant le festival, une formidable animation règne : livres à la vente, dégustation de vins du Golan. Ici, tous les marchands du temple sont présents, n’en déplaise à certains qui déambulent sur les trottoirs en hurlant des slogans antisionistes. Inutile de leur expliquer que le cinéma israélien charrie dans son sillage un vent de liberté incroyable, exempté de toute censure : on peut tout dire, tout montrer, tout critiquer et souvent avec l’appui des fonds publics israéliens comme l’a dit Ari Folman à propos de Valse avec Bachir : “Israël est aussi un système démocratique qui finance sa mise en accusation”.
On en aura l’illustration tout au long du festival, dès le film d’ouverture de Nadav Lapid The Policeman qui a déjà reçu le Prix spécial du jury international du festival de Locarno de cette année et le Prix du meilleur film au festival international de Jérusalem. Il sortira le 28 mars sur les écrans parisiens.
En deux films, Lapid s’est déjà imposé et compte parmi les talents incontournables du cinéma israélien. Après ces années d’études qui lui permettent de s’entraîner derrière une caméra, il passe deux ans à Paris. Tout son argent passe dans les séances de cinéma, au creux de ces salles obscures où lui est révélé le cinéma européen, dont il s’inspirera pour son moyen-métrage La Petite Amie d’Émile (2007), à mi-chemin entre Jean-Luc Godard et Ouri Zohar.
Autres points forts du festival : The Slut de la belle Hagar Ben Asher, sosie de Julia Roberts et aussi bonne actrice que comédienne, qui a fait ses armes à l’école branchée de Tel-Aviv, Minshar, et à qui le festival rendra hommage avec une série de courts métrages. Un film dérangeant qui évoque l’aspect de la vie rurale en Israël à travers la vie dissolue d’une traînée. Le traitement des images et la violence qui s’en dégage sont surprenants de la part de cette douce jeune femme.
Beautiful Valley de Hadar Freidlich, un coup de coeur, raconte l’errance d’une ancienne kibboutznique d’un certain âge, qui se refuse à rejoindre une maison de retraite et continue à travailler malgré l’interdiction des dirigeants qui la rejettent à chaque fois qu’elle se rend pour aider. Survivante de la Shoah , elle n’a connu que le kibboutz qu’elle a rejoint, jeune et orpheline. Sur fond de paysages magnifiques, on entend le bruit des feuillages et l’on pourrait presque sentir l’odeur des fleurs... car c’est bien la nature qui va consoler cette pauvre femme.
Quant aux stars , elles sont présentes avec Eran Kolirin (La Visite de la fanfare) qui nous livre dans son dernier film une vision intimiste des êtres : The Exchange qui fera la clôture du festival, Play off d’Eran Riklis (Les Citronniers). Egalement premier long métrage attendu de la documentariste Michal Aviad avec deux stars : Ronit Elkabetz et Evgenia Dodina : Invisible.
Coup de chapeau à l’école Minshar
Le génie des jeunes cinéastes passe par une formation accomplie. Il faut le savoir, au jour d’aujourd’hui, il existe en Israël 17 écoles de cinéma, ce qui est énorme pour un pays aussi exigu. Comme chaque année, le festival rend hommage à l’une de ces écoles. Minshar, anciennement Camera Obscura, située au coeur de Florentine, quartier branché de Tel-Aviv, propose une série de courts métrages “Tel-Aviv Location”, une anthologie spéciale dédiée à Tel-Aviv.
Le projet a vu le jour pour le centenaire de la ville il y a trois ans. Dix élèves diplômés en cinéma de l’Ecole d’art Minshar ont chacun écrit et réalisé un film d’environ 6 minutes. Chaque histoire se déroule dans un lieu différent de Tel-Aviv et aborde de manière souvent cocasse des thèmes aussi variés que les difficultés de logement des jeunes à Tel-Aviv, la transformation urbaine de la ville, la religion, la sexualité, la solitude ou encore la violence, le bruit, les embouteillages. Le résultat offre un portrait coloré du caractère unique de la cité grâce à des approches originales et diverses qui illustrent l’intensité et la magie de la Ville blanche.
Enfin, également à noter, la projection d’un documentaire exceptionnel : Le Juif qui négocia avec les nazis de Gaylen Ross. Une oeuvre fascinante de presque deux heures, qui sortira en France le 4 avril. Est-il un héros ou un traître ? Le film raconte l’histoire d’un Juif qu’on accusa d’avoir collaboré avec les nazis.
Rezso Kasztner, considéré comme le Schindler juif, négocia face à face avec Adolf Eichmann et réussit à sauver 1 684 Juifs, convoyés en train vers la Suisse. Probablement la plus grande opération de sauvetage du genre durant la Shoah. Pourtant, en Israël où il avait émigré, Kasztner sera considéré comme un traître, accusé de collaboration lors d’un procès dont le verdict a divisé le pays pour le marquer à jamais du sceau infamant de “l’homme qui vendit son âme au diable”.
Il sera finalement assassiné à Tel-Aviv en 1957 par des militants d’extrême droite. La réalisatrice américaine Gaylen Ross raconte cette histoire de meurtre, d’intrigue et d’héroïsme au travers des efforts désespérés de la fille unique de Kasztner pour réhabiliter son père, et du témoignage de l’un des assassins, qui rompt pour la première fois le silence, sur cette nuit où il a appuyé sur la détente et tué le Juif qui avait négocié avec les nazis.
Enfin, plus contesté et contestable le documentaire de Shlomit Elkabetz : Testimony, une série de témoignages recueillis des deux côtés après la seconde Intifada.