Le peintre d’un monde perdu

Pour l’artiste Richard Weisberg, l’objectif est clair : « faire revivre un peuple qui a disparu »

P23 JFR 370 (photo credit: Richard Weisberg)
P23 JFR 370
(photo credit: Richard Weisberg)

Au détour duquartier pittoresque de Nahalat Shiva, logé en plein cœur de Jérusalem, setrouve la place de la Musique, inaugurée par le maire de Jérusalem, Nir Barkaten décembre 2012. Située entre les rues Shamai, Hillel et Yoel Salomom, elleabrite restaurants, commerces, et le musée de la Musique. Au milieu de ceprojet d’envergure, au 12 rue Yoel Salomon se niche la galerie Art et Music,tenue par Elios Attal, francophone installé en Israël depuis 2005 et quiprésente des artistes inspirés par le thème de la musique.

En arrivant, on ne peut qu’être happés par des objets de la vie courante ausein du shtetl. Objets en tous genres : instruments de musique ou ustensiles duquotidien. Comme ce violon peint, tout droit tiré d’une scène de vie inspiréede Pologne, ce fer à repasser, ou cette valise. Tous sont signés RichardWeisberg.
Né à Paris en 1958, l’artiste issue d’une famille ashkénaze passe sa jeunessedans le 10e arrondissement de la capitale. Son grand-père maternel, Leibel, nerentrera pas des camps d’extermination. Son grand-père paternel en reviendra,marqué à jamais dans sa chair. Mais à qui se confier ? A son petit-filsRichard. Le jeune garçon se retrouvera alors à arpenter les musées en compagniede Mordka, ce rescapé d’Auschwitz qui lui transmet la culture yiddish, luiraconte la vie dans le shtetl et s’amuse à reproduire des cartes postales.
Des toiles aux accents yiddish 

A la mort de son grand-père, Richard Weisberg semet à peindre. Autodidacte, la peinture est pour lui « une sorte d’exécutoire,de thérapie ». Sur ses toiles, il appose à côté de sa signature les initiales Met L, en mémoire de Mordka et Leibel. Weisberg reproduit des scènes des viesinspirées de la Pologne natale de sa famille. Il dessine comme un historien,lit Isaac Bashevis Singer. Au gré de ses balades, il achète des objetshétéroclites, comme ce saxophone déniché le mois dernier au souk de Tel-Aviv.On devrait certainement le retrouver prochainement sur une de ses œuvres.

Le but de l’artiste : « faire revivre un peuple qui a disparu ». Les visagesexpressifs et l’émotion qui se dégagent de ses œuvres ne peuvent que toucher lespectateur. Si on observe bien ses toiles, on s’aperçoit que tous sespersonnages sourient. Bien souvent, en les créant, Weisberg rit avec eux, leurparle. Ce sont ses grands-parents qu’il fait renaître à travers ses toiles.
Quant aux objets, il veut leur « redonner une histoire ». Des violons, deslivres, des malles, des partitions de musique, tout y passe pour notre plusgrand plaisir.
Où s’est-il donc documenté pour être à la fois si précis et si juste ? RichardWeisberg répond que tout « vient de son imagination, de ce que son grand-pèrelui a raconté et de la manière dont il voit ce monde disparu ». On a pourtantl’impression qu’il en revient lui-même et ne fait que reproduire des scènesvécues tant elles paraissent familières et réelles. A travers elles, ce sontdes personnages aux accents yiddish, des voyages, des métiers à jamais enfouisqui reprennent vie. Un véritable travail de transmission. Pourtant, il secontente de se définir « comme un peintre du dimanche qui peint tous les jours».
Bien sûr, il crée aussi des tableaux sur le thème de la Shoah, mais cesœuvres-là, il les garde pour lui, elles sont dans son atelier. « Avec elles, jepleure », déclare-t-il tout en pudeur.
Parmi ses œuvres qui le caractérisent le mieux, on ne peut que citer Lesculpteur. Mais le sculpteur, c’est lui en quelque sorte : Richard Weisbergsculpte ses personnages.
www.richardweisberg.com