Les étoiles de Galicie

Le Festival de culture juive de Cracovie, alliance de tradition et d’art moderne, fait honneur à la mémoire et au patrimoine des Juifs de Pologne

cracovie (photo credit: Katarina Stoltz / Reuters)
cracovie
(photo credit: Katarina Stoltz / Reuters)

Samedi 7 juillet au soir, dans l’ancien quartier juif de Cracovie: Kazimierz. La soirée semble bien calme. Les rues sont étonnamment vides, dans cette zoneen reconversion touristique. Mais au détour d’une rue, une foule de plus de 10000 personnes est rassemblée sur la place “large”, entre trois synagogues de laRenaissance. Un concert en plein air est organisé dans ce cadre hautementsymbolique : “Shalom sur la place large”, cérémonie de clôture du 22e Festivalde culture juive de Cracovie.

Comme chaque année depuis 1990, ce festival se déroule sur une dizaine de joursau début de l’été. Sa renommée a fait le tour du monde, et attire de nombreuxadmirateurs de tous horizons.
Tous les participants répondent avec entrain au message de bienvenue, prononcépar Janusz Makuch, cofondateur et directeur du Festival de culture juive deCracovie. Un personnage symbolique pour l’événement et emblématique del’héritage juif dans la Pologne contemporaine.
Malgré sa barbe et sa kippa brodée, Makuch n’est pas juif. De même que lagrande majorité des autres organisateurs de la manifestation. La Pologne est cepays paradoxal qui abritait 3,3 millions de Juifs en 1939 et n’en compte plusque 30 000 - tout au plus - de nos jours. Comme la majorité des Etats del’ancien bloc communiste, ce n’est que tout récemment que cette Républiqued’Europe centrale a entrepris un travail de mémoire sur cette sombre période.Quelques années de retard sur les pays d’Europe occidentale.
Mais point rassurant : un nombre croissant de non-Juifs oeuvrent dans ce sens,de concert avec la toute petite communauté juive du pays. Ensemble, ils tententde redonner une certaine splendeur à ce patrimoine et d’honorer les victimes dela Shoah. Un passé à la fois glorieux et tragique, qu’il s’agit d’assumer.
Renaissance juive dans la Pologne d’aujourd’hui

Dans ce contexte, Janusz Makuchs’attache à faire revivre la culture et la mémoire des Juifs de Pologne. Audébut, la méfiance était de mise. Certains craignaient que le Festival ne secantonne à une nouvelle rencontre de virtuoses Klezmer, histoire de cultiver unfolklore, mais sans aller au-delà. D’autres étaient même plus virulents, quiredoutaient que la manifestation ne consiste à “danser sur les tombes” desvictimes de la Shoah.

Mais rien de cela n’est arrivé. Le Festival a le mérite de préserver un justeéquilibre entre tradition et innovation ; attraction et instruction. Et derépondre ainsi à l’intérêt croissant du public national et international.
“Certes la disparition de 3 millions de nos concitoyens juifs est une pertecolossale et inexprimable. Mais notre but est d’aller de l’avant, de montrerque la vie prend le dessus sur la mort. Nous voulons insuffler un esprit de viedans Kazimierz”, explique Janusz Makuch. L’homme se veut l’un des acteurs d’unecertaine “renaissance juive” dans la Pologne d’aujourd’hui.
Au programme du festival : visites du quartier juif, ateliers de jeux, danse,musique, chants ou cuisine traditionnels.
Mais aussi conférences sur des sujets aussi variés que la culture yiddishd’avantguerre, ou encore la situation politique et sociale en Israël de nosjours.
L’Etat hébreu est désormais perçu comme un relai incontournable pour les Juifsde diaspora, et son dynamisme ne manque pas d’inspirer certains pays, dont laPologne.
Mais le Festival est également célèbre du point de vue musical. Commel’explique Pawel Kowalewski, membre du comité organisateur, les concertstémoignent de l’équilibre entre tradition et innovation.
Outre les chants hassidiques et les cérémonies religieuses ouvertes à tous, lasynagogue “Tempel” abrite chaque soir de grands noms tels que David Krakauer,Ouri Caine, Jack London ou le groupe du Hiérosolomytain Nino Bitton.
Une façon de souligner toutes les facettes des talents musicaux juifs, et demontrer en quoi la culture et la musique juives inspirent les artistes du mondeentier.Un moyen également de redonner vie aux synagogues.
Pour Agnieszka Legutko, spécialiste de l’héritage yiddish en Pologne, “cesmusées d’une culture disparue du pays deviennent alors des lieux de rencontreset d’échanges intellectuels, répondant au véritable sens étymologique du terme‘synagogue’”.