Manifestations en images

Inspiré par les événements de l’été dernier, “Au nom des manifestations”, se plonge dans les protestations qui ont marqué le pays

art (photo credit: David Rubinger/Yediot Aharonot)
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(photo credit: David Rubinger/Yediot Aharonot)
Nous vivons dans une démocratie. Et si nous sentons la nécessité de défendre en masse nos droits dans la rue, sous le contrôle autorisé de la police, nous pouvons le faire. La preuve en images...
“Au nom des manifestations” expose au Beit Avi Haï les clichés des grands combats sociaux qui ont secoué Israël. Une idée originale, née de l’esprit de Hagaï Segev et motivée par les événements advenus l’été dernier. “Les protestations sociales qui se sont tenues ici ont été très marquantes. Et pour Beit Avi Haï, qui est très impliqué dans la vie communautaire et culturelle, l’exposition s’est imposée naturellement, comme une continuité de l’été”, explique-t-il.
Le commissaire de l’exposition a pris à coeur son rôle et écumé des milliers d’épreuves. Sur place : des photographies de manifestations de toutes sortes, plus ou moins féroces, de ces six dernières décennies.
L’exposition débute avec les saisissantes images, en noir et blanc, de David Rubinger lors de la manifestation de 1952 organisée par des personnes handicapées devant l’ancien siège de la Knesset, avenue King George. Autre cliché puissant, que celui pris par Boaz Linar : des travailleurs silencieux devant l’entreprise ATA de Kiryat Ata, avant la fermeture de l’usine de textile dans les années 1980. Et bien sûr, un témoignage tout en couleurs de la manifestation sociale de l’année dernière.
Une manifestation, un clic, un message
“Cette exposition se concentre essentiellement sur l’image, en tant qu’expression de la propagation d’une idée en général. Ce qui représente le concept d’une manifestation”, indique Segev. Et de continuer en expliquant que sa formation professionnelle d’historien s’est avérée très utile pour mener à bien ce projet.
“Au travers des photographies, j’ai tenté de discerner la façon dont les choses ont changé, et continuent de changer. J’ai également cherché à découvrir ce qui rend une image en particulier représentative d’une manifestation.
Enfin, il a été question de déterminer quelle image peut éventuellement devenir l’icône que l’on considérera dans dix ans comme témoignage de certains événements.” Certaines photographies s’avèrent particulièrement émouvantes et touchent des cordes sensibles. Silverman a notamment capté un affrontement entre policiers et habitants juifs de Hébron, en 2008. Il y montre quelques jeunes filles dans un état de détresse émotionnelle et physique intense. La photographie traduit un sens de l’impuissance abjecte sur ces visages qui expriment par ailleurs une détermination quasi violente : deux facettes extrêmes du même problème.
Quelques-unes des images sont poignantes et se suffisent à elles-mêmes. D’autres sont volontairement juxtaposées afin d’augmenter leur force au travers du contraste. En exemple d’une telle combinaison : la photographie d’un homme ultra-orthodoxe, priant en signe de protestation près des excavations d’un site archéologique situé à côté d’un vieux cimetière, le long de l’autoroute Trans- Israël. Et à côté, la photographie d’une manifestation du groupe des Femmes en noir, ailleurs, il y a plusieurs années de cela. Les sujets liés à la manifestation divergent, mais l’esthétique qui unit les deux clichés va de soi.
Autre exemple : des haredim photographiés en 2002, qui manifestent contre les travaux effectués pour prolonger la route 6, tandis que le godet d’un bulldozer est sinistrement suspendu au-dessus d’eux. A côté du cliché : celui d’un vieil homme arabe qui tente de frayer son chemin autour d’une barricade de bidons en Judée-Samarie.
L’impact de l’image en chute libre
 La problématique de l’expérience, accumulée par le photographe et par celui qui les regarde est également soulevée tout au long de l’exposition.
L’invasion des médias et l’augmentation des images âpres qui ont pénétré nos foyers nous ont progressivement rendus imperméables au contenu de nos écrans de télévision et autre presse écrite. La course à celui qui capturera les images les plus provocantes et choquantes a été ouverte. Jusqu’à s’infiltrer sur les pires scènes de carnage et livrer des clichés des premières attaques terroristes dans les bus de Tel-Aviv, au début de la seconde Intifada.
Conséquence : des photographies du type de celle de 1952, où des personnes handicapées sont rassemblées en face de la Knesset, feraient aujourd’hui difficilement augmenter les palpitations d’un lecteur moyen, en comparaison avec la valeur accordée désormais aux productions visuelles qui ne font preuve d’aucune retenue.
Segev affirme cependant ne pas avoir opté pour une approche sensationnaliste. “J’ai cherché à donner un sens aux émotions humaines comme la peur ou l’horreur”, explique de son côté le commissaire de l’exposition. “Je n’ai pas nécessairement privilégié des clichés de situations extrêmes. J’ai sélectionné des photographies qui posent un point d’interrogation. Selon la façon dont je vois les choses, les deux clichés de l’exposition, qui sont les plus iconiques et qui font le plus sens, sont celui de la jeune fille de Tyre (au Liban) et celui à ATA. Remarquez les regards pénétrants. Les gens sont simples mais ils parviennent à nous transmettre une sorte de message ; de même qu’ils nous autorisent à nous identifier à eux et à leur désespoir. Et cela même si vous ne connaissez rien aux raisons de leur volonté de manifester.” Voilà en un mot, l’essence de cette exposition.
“Au nom des manifestations” Beit Avi Haï, jusqu’au 30 mars 2012. Entrée libre.Pour plus d’informations : www.bac.org.il