Pessah, de la première à la dernière délivrance

« Afin que tu te rappelles du jour de ta sortie d’Egypte, tous les jours de ta vie » (Deutéronome XVI, 38)

Passage de la mer rouge (photo credit: DR)
Passage de la mer rouge
(photo credit: DR)

Dans la Hagada, nous lisons que Ben Zoma explique ce verset de la manière suivante : « Les jours de ta vie, cela se réfère aux jours seulement, tous les jours de ta vie, cela inclut les nuits ». D’où l’obligation de mentionner la sortie d’Egypte matin et soir dans l’office de Shaharit et Arvit, à la fin du Shema : « C’est moi l’Eternel votre Dieu qui vous ai fait sortir d’Egypte pour être votre Dieu » (Nombres XV, 41). Et la Hagada de poursuivre : les sages interprètent « les jours de ta vie », cela concerne notre ère, « tous les jours de ta vie », cela signifie aussi l’ère messianique. Dès lors, nous comprenons pourquoi l’expression « Zekher Liyetsiat Mitsraim », en souvenir de la sortie d’Egypte, figure aussi souvent dans notre liturgie. Dans tous nos offices, dans le Kidoush du shabbat et des fêtes, après la mise des téfiline, ainsi que dans le passage concernant les tsitsit ou dans le second paragraphe du Birkat Hamazone et enfin dans la prière du coucher.

Pessah, première de nos fêtes, célébrée en Nissan, premier mois de l’année, représente le prototype des différents cycles exils-délivrances, qui se sont succédé tout au long de notre histoire jusqu’à l’ultime délivrance, dont, avec l’aide de Dieu, nous serons les témoins.

La solution finale avant la lettre

En attendant, revenons sur les tenants et aboutissants de l’esclavage puis de l’exode de nos ancêtres sous le Pharaon. Le midrash sait nous raconter qu’au moment où Dieu s’apprêtait à noyer l’armée égyptienne dans la mer Rouge, Ouza, l’ange tutélaire de l’Egypte, est intervenu en ces termes : « Maître de l’univers, n’est-ce pas que Tu as créé le monde avec miséricorde, pourquoi veux-Tu à présent faire mourir mes enfants ? ». Aussitôt, Dieu réunit son tribunal, composé de ses anges les plus proches et leur dit : « Veuillez juger entre moi et Ouza ». Les anges protecteurs de plusieurs nations accoururent pour prendre la défense de l’Egypte. Afin de les contrer, l’ange Michaël demanda à Gabriel de rapporter de Ramsès, la ville égyptienne construite par les esclaves, une brique dans laquelle était encastré un bébé parmi les enfants hébreux. Ce qu’il fit. Michaël s’adressa à Dieu et lui dit : « Maître du monde, c’est ainsi que furent traités tes enfants ». Au même moment, Dieu revêtit l’attribut de justice et précipita les Egyptiens, montures et cavaliers, dans la mer.

Il est intéressant de remarquer que les nations qui se sont présentées pour défendre la cause des tortionnaires ne cessaient auparavant de se combattre, de se faire la guerre, mais dès qu’il s’est agi de s’opposer à Israël, elles oublièrent leurs dissensions et trouvèrent le moyen de s’unir comme un seul homme.
La haine viscérale contre les Hébreux l’emporta sur leurs discordes. Après la déroute de l’armée du Pharaon, Moshé et les enfants d’Israël entonnèrent le cantique sur la mer Rouge que nous récitons chaque matin, et avec plus d’emphase le 7e jour de Pessah. Rendant hommage à Dieu, ils proclamèrent : « Tu as étendu ta main droite, la mer les a engloutis. Tu as conduit avec amour ce peuple que tu as sauvé. Les nations alentour apprirent la nouvelle et se mirent à trembler, les Philistins furent pris de douleur. Les puissants d’Edom s’épouvantèrent et ceux de Moav furent terrifiés. Il en fut de même pour tous les habitants de Canaan ». (Exode XV, 12-14).
Les ennemis d’Israël ne se gênent pas pour justifier l’esclavage des Hébreux en Egypte, trouvant normal que le fort asservisse le faible. C’est ce qui se pratique couramment, disent-ils. Mais les bébés encastrés dans les murailles qui visent à l’approvisionnement ont démontré que le vrai but du Pharaon était l’anéantissement à la racine, dès la naissance des enfants. La solution finale avant la lettre. Ce verdict divin ne pouvait donc pas être autre que l’engloutissement dans la mer Rouge des bourreaux. Moshé était conscient que dans les sphères célestes se jouait le sort de son peuple pris en tenaille entre l’armée égyptienne et la mer Rouge. Il se mit à prier avec toute l’énergie du désespoir. C’est alors que Dieu lui lança : « Pourquoi m’implores-tu ? N’attends pas ». La sentence a été prise. « Ordonne aux enfants d’Israël de se mettre en marche » (Exode XIV, 15).
Autrement dit, tu n’as rien à espérer de la compassion des Egyptiens, ni d’aucune autre nation. Comme le dira plus tard le roi David dans les Psaumes (CXVIII, 8-9) : « Mieux vaut s’abriter en l’Eternel que de se fier à l’homme. Mieux vaut trouver refuge chez Dieu que de faire confiance aux grands de ce monde ».
Mais il fallait de la part des enfants d’Israël un geste héroïque, une foi inébranlable face aux flots impétueux de la mer. Aide-toi, le ciel t’aidera, dira-t-on plus tard.
Nos sages racontent : Rabbi Yehouda enseigne que lorsque les tribus s’interrogeaient quant à d’Aminadav avança dans la mer. Moshé continuait de prier et Dieu lui dit : « Mes enfants vont mourir et toi tu ne cesses de prier ? », « Mais Maître du monde, que dois-je faire », lui demanda Moshé. Et Dieu de répondre, « Lève ton bâton, dirige ta main vers la mer, divise-la et le peuple entra au milieu de la mer à pied sec » (Exode, 15-16). Pas de salut sans don de soi.

Etre constamment sur nos gardes

Nahshon fils d’Aminadav en donna l’exemple, c’est pourquoi la royauté fut octroyée à la tribu de Juda, comme il est dit (Psaume CXIV, 2-3) : « La mer vit [l’action courageuse de Nahshon] et s’enfuit » (Traité Sota 36).

Notre histoire fut généralement marquée par deux temps forts. L’un négatif s’illustrant par la tentative de nous éliminer, l’autre positif, fait de sacrifices (Messirout Nefesh) et de sanctification du nom de Dieu (Kiddoush Hashem). S’agissant de la période contemporaine, ces deux paramètres furent à la base du retour sur notre terre qui mènera à la délivrance complète et définitive. S’il était en notre pouvoir de capter les échos de la bataille juridique qui se déroulait dans les hauteurs célestes concernant le droit d’Israël d’avoir un Etat, soyons persuadés que l’ange Michaël a présenté devant le tribunal divin les cadavres des enfants assassinés entre 1939 et 1945, ainsi que les corps des héros du ghetto de Varsovie, qui, à l’image de Nahshon fils d’Aminadav prêt à se sacrifier, ont fait le sacrifice de leurs vies pour sauver l’honneur des Juifs martyrisés. Tant que l’homme restera un loup pour l’homme, nous avons l’obligation d’être constamment sur nos gardes, prêts à nous défendre et à attaquer s’il le faut. Ce n’est pas un hasard si quelques jours après Pessah nous commémorons avec Yom Hazikaron le souvenir de nos soldats, suivi de la célébration de Yom Haatsmaout pour marquer envers et contre tous la renaissance de notre peuple sur notre terre. C’est sûrement dans ce sens que par la bouche du prophète Jérémie, Dieu proclama : « En vérité, le jour viendra où l’on ne dira plus “vive l’Eternel qui a fait monter les enfants d’Israël du pays d’Egypte”, mais “vive l’Eternel qui a fait monter, qui a ramené les descendants de la maison d’Israël du pays du nord et de toutes les contrées où ils ont été relégués afin qu’ils demeurent dans leur patrie” » (XIII, 7-8).  
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