Un don de Dieu

Les sons éclectiques de Yehouda Glantz reflètent ses racines sud-américaines. Mais aussi son amour du hassidisme, découvert lorsqu’il s’est installé en Israël pour étudier la musique

Rachel Marder (photo credit: Marc Israel Sellem)
Rachel Marder
(photo credit: Marc Israel Sellem)
Yehouda Glantz représente bien l’esprit fougueux et non conventionnel du quartier de Nahlaot, à Jérusalem. Grattant les accords de Let it Be sur sa guitare, le chanteur latino klezmer est confortablement installé dans son studio d’enregistrement de la rue Eilat, à deux pas du brouhaha du marché Mahané Yehouda.
Sa barbe poivre et sel dévoile un large sourire. Lui qui a commencé à jouer de l’accordéon en cachette, à l’âge de 5 ans, à Buenos Aires, sort son 11e album, Haï Vekayam.
Sa passion musicale a débuté lorsque sa soeur aînée a pris des cours d’accordéon. Glantz l’accompagnait puis s’exerçait chez lui en fonction des instructions du professeur, allongé sur son lit (l’instrument était trop lourd à porter pour son âge). “J’étais très entêté, je m’y mettais quand personne n’était à la maison”, racontet- il. Ce qui n’a pas été chose facile, précise celui qui est depuis devenu un musicien accompli. Quand il découvre le talent de son fils, Glantz “père” décide de l’inscrire au conservatoire de musique. A 9 ans, l’enfant manie guitare classique et flamenco.
Plus tard, il apprendra également à jouer du piano, du violon, du cajun et des percussions. Autant d’instruments qui lui permettent, note-t-il, de composer, de mélanger les styles d’une musique world et ethnique.
A 21 ans, il fait son aliya pour étudier à l’Académie de musique Rubin à Jérusalem. C’est là qu’il rencontre sa femme Hadassah, guitariste classique, dont il a aujourd’hui 10 enfants et 5 petits-enfants.
Glantz se remémore sa découverte de la philosophie joyeuse du hassidisme en tant qu’étudiant. Il avait rencontré un jeune percussionniste de Gibraltar. “On allait boire un café et il me racontait des histoires de Rabbi Nahman de Breslev”, raconte-il. Son style musical reflète ces multiples influences : il chante en hébreu, espagnol et anglais. Compose parfois ses propres mélodies et textes, et se glisse souvent dans les liturgies juives classiques et autres chants klezmer, apportant sa touche d’originalité. Ainsi, An’im Zemirot est relevé de percussions et Adon Olam est joué à la flûte de pan.
Sur Haï Vekayam, Glantz a composé les 13 titres, la majorité en hébreu. Seule exception de taille : Jerusalem, my life. Les couplets sont en espagnol et le refrain dans les trois langues. “J’ai écrit cette chanson sur Jérusalem, son énergie. C’est la plus forte des énergies”.
L’album a mis une décennie à sortir. Dix ans passés en concerts dans les communautés juives et les festivals de musique du monde entier. Dix ans pour faire naître un son plus mature, également. “Cuisiner à feu doux, cela prend plus de temps mais en fin de compte le goût est meilleur. J’ai pris le temps de concocter cet album”, commente l’artiste.
Toucher les âmes
Glantz a lancé son propre label musical, le Jerusalem Music Networking. 17 musiciens ont travaillé sur son dernier album. 14 d’entre eux étaient présents sur la scène du Yellow Submarine à Jérusalem, lors du concert de lancement de l’album, le 22 février dernier.
Le fils de Glantz, Moshé, gère les affaires de son père. Il raconte l’extraordinaire collaboration de nombreux musiciens, venus enregistrer un par un au studio. Mais Glantz véhicule également des éléments très personnels dans sa musique. Deux messages lui tiennent particulièrement à coeur : la paix entre les peuples et l’importance de transformer la tristesse en joie. “Lorsque j’ai quelque chose à dire, je le fais via la musique”, explique le chanteur. “Les sons touchent les êtres au plus profond d’eux-mêmes. J’utilise la musique pour toucher les âmes”.
Des messages universels qui se sont avérés utiles lorsque Glantz s’est heurté à une hostilité anti-israélienne dans certains festivals de musique, notamment au Guatemala, au Mexique, en Argentine et au Chili. “J’apporte mon message de paix”, dit-il, ajoutant généralement parvenir à toucher les festivaliers.
Glantz préfère rester le plus loin possible des aspects marketing et industriels de son métier. Pour lui, la musique n’est pas un business. C’est même l’opposé car elle exprime une expérience spirituelle.
“Lorsque je compose une chanson, je ne pense pas au nombre d’albums que je vais vendre”, expliquet- il. “J’essaye d’écrire quelque chose qui fait sens, qui me parle. A moi, à ma génération, et à tout le monde.”
C’est également le désir de partage qui a amené Glantz à fonder le festival biannuel de Regalim à Nahlaot, à Souccot et à Pessah. Le quartier est fréquenté par de nombreux jeunes et étudiants, a-t-il remarqué, mais au fil des ans les habitants se connaissent de moins en moins.
Une constatation qui a fait son bout de chemin. Et Glantz de chercher à créer un réseau non virtuel pour tous. Sponsorisé par la municipalité, le festival de trois jours attire ainsi des centaines de personnes. Au programme : musique, théâtre de rue, visites du quartier et activités pour enfants. Il s’agit p o u r Glantz d’un cadeau à la ville qu’il adore. “La musique est un don que Dieu m’a donné pour que je le transmette à d’autres.”