Une histoire d’amour

Les Français et les Israéliens semblent particulièrement bien s’entendre dans le domaine du cinéma. En dix ans, pas moins de 72 coproductions ont vu le jour.Pour le plus grand plaisir du public... et des critiques

cinema (photo credit: © DR)
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(photo credit: © DR)
La France soutient Israël depuis sa création. Cependant depuis 1967, les relations entre les deux pays demeurent “souvent passionnelles”, selon une expression de la diplomatie française. Et paradoxales. Si les partenariats culturels se portent à merveille, les politiciens et l’opinion publique ne considèrent pas toujours la France comme un associé politique fiable.
L’Etat hébreu et la France ont établi des relations diplomatiques dès le 11 mai 1949. Des accords bilatéraux scientifiques et culturels sont signés à cette occasion avec un budget de 2,1 millions d’euros par an. Concrètement, ces accords se matérialisent par la création d’instituts français et de centres culturels qui permettent de faire vivre la francophonie en Israël où résident plus de 500 000 francophones. Et oeuvrent au “rapprochement des sociétés civiles, à travers une programmation culturelle et une politique de communication denses” selon le site du ministère des Affaires étrangères.
“La France et Israël, c’est [...] une coopération remarquable dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel. Je pense aux nombreuses coproductions cinématographiques”, déclarait le ministre de la Culture et de la Communication français Frédéric Mitterrand en décembre dernier lors de la soirée de gala 2011 des amis français du Musée d’Israël.
De fait, pour rétablir l’image de la France dégradée par la montée de l’antisémitisme et suite à la gestion du conflit israélo-palestinien, le gouvernement propose “des projets de coopération bilatérale qui puissent concerner l’ensemble des facteurs économiques et culturels français et israéliens.” Un accord de coproduction est ainsi signé en 2002. Il tombe à pic, le gouvernement israélien a voté de son côté une nouvelle loi (2001) pour promouvoir son cinéma.
Cela fait donc plus de dix ans qu’a émergé cette coopération prolifique. Le ministère des Finances israélien mettait alors sur pied une commission pour réfléchir aux façons d’encourager les coproductions. Et instaurait le fonds de soutien Israel Film Fund qui distribue chaque année au moins 12 millions d’euros.
L’Etat hébreu facilite les coproductions internationales en baissant les taxes pour les sociétés cinématographiques étrangères, en même temps qu’il favorise le recours à des sociétés israéliennes.
2001 est également l’année où Charles Zrihen a créé en France le Festival du film israélien qui a permis aux réalisateurs français et israéliens de se rencontrer et d’échanger.
Ainsi, un tiers des films israéliens étaient des coproductions franco-israéliennes en 2010 selon Marek Rosenbaum, président de l’Académie du cinéma israélien de l’époque. Afin de renforcer la complicité cinématographique entre la France et Israël, Frédéric Mitterrand et son homologue israélienne, Limor Livnat, ont signé un partenariat en cette fin d’année 2010. Qui permet notamment à Israël d’accéder au Fonds Sud, géré par le CNC (Centre national du Cinéma et de l’image animée).
Mieux qu’au cinéma
Selon Xavier Merlin, ancien directeur des Affaires européennes et internationales du CNC, la France produit aujourd’hui environ 220 films par an et un tiers sont des coproductions internationales. En 2008, Israël arrivait en sixième position. Derrière la Belgique, pays frontalier et francophone, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni. Merlin parle donc de “dynamique extrêmement positive”. Et insiste sur le succès de ces films récompensés dans les festivals internationaux.
Depuis 2002, ce sont 72 coproductions franco-israéliennes qui ont été tournées selon les chiffres d’UniFrance Films, l’organisme chargé de la promotion du cinéma français dans le monde. Des films qui ont séduit le public mais aussi les critiques et les professionnels du cinéma. Par exemple, Valse avec Bachir d’Ari Folman (2008), Oscar du meilleur film étranger en 2009, ou Lebanon de Samuel Maoz, Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2009.
Arte est certainement un acteur privilégié dans la coproduction avec Israël. La chaîne s’est très vite intéressée au cinéma israélien et a “davantage investi dans [son] cinéma que l’ensemble des chaînes de télévision israéliennes” selon Rosenbaum. L’ancien PDG de la chaîne franco-allemande, Jérôme Clément a ainsi collaboré avec des réalisateurs comme Eran Ricklis (Les Citronniers), Ari Folman ou encore Etgar Keret (Les Méduses). Fin 2010, la chaîne pouvait se targuer d’avoir coproduit 19 longs métrages avec l’Etat hébreu.
La dernière coproduction franco-israélienne, prévue pour 2012, est un film d’Ami Livne, Sharqiya, présentée par EZ Films.
David Libkind, directeur de l’Israel Film Fund en 2008, l’équivalent du CNC français, explique que si “la coproduction avec la France est si importante, c’est selon moi pour deux raisons : tout d’abord, il y a une proximité certaine entre ces deux pays, et deuxièmement, notre région est au centre des conflits qui secouent le monde et le public mondial a envie de comprendre ce qui s’y passe à travers le cinéma aussi et non seulement à travers les médias. Par ailleurs, notre façon de faire des films en Israël ressemble beaucoup à celle de la France : on pourrait presque dire que nous avons copié ce qu’on appelle le ‘cinéma d’auteur’.”
Recette de la réussite donc : financements publics, cinéma d’auteur, intérêt culturel mutuel. Prochaine étape : le développement de partenariats audiovisuels