C’était donc les élections !

La bataille électorale aux Etats-Unis joue un rôle déterminant dans le dossier iranien. Analyse politique

Iran - US I (photo credit: Jason Reed/Reuters)
Iran - US I
(photo credit: Jason Reed/Reuters)

Voilà enfin pourquoi les négociations sur l’Iran n’aboutissent pas. Le journal israélien Yediot Aharonot en a même fait sa une, lundi 3 septembre : les Etats-Unis auraient fait passer des messages secrets à Téhéran, via les Européens, pour leur promettre qu’ils ne soutiendraient pas Israël en cas d’attaque de la part de Jérusalem. Et le rapport de citer anonymement de hauts gradés israéliens affirmant que les relations entre le président américain Barack Obama et le Premier ministre Binyamin Netanyahou n’ont jamais été aussi mauvaises. L’Oncle Sam ne souhaiterait pas être entraîné dans une guerre par son allié et s’attendrait, en échange de la promesse faite à l’Iran, ne pas voir ses cibles stratégiques dans le Golfe persique attaquées par l’armée iranienne.

Outre-Atlantique, The New York Times publie, lui, un article affirmant tout le contraire. L’administration Obama ferait “tout ce qui est en son pouvoir, à part la guerre, pour devancer l’attaque israélienne. Tout en forçant les Iraniens à prendre plus au sérieux les négociations qui ne sont absolument pas dans l’impasse”.

Selon le quotidien, le président américain envisagerait des nouvelles déclarations concernant ce qui pourrait conduire à une action militaire des Etats- Unis - la fameuse “ligne rouge” exigée par Netanyahou - “ ainsi que des activités secrètes, qui ont été envisagées puis rejetées auparavant”.

Alors, qui, du New York Times ou de Yediot Aharonot, a raison ? Seule certitude : à quelque 60 jours du scrutin, les élections américaines sont dans leur dernière ligne droite. Et, en ce qui concerne l’Iran, le plus tôt sera le mieux.

De l’eau dans le gaz ?

L’article américain a été envoyé de Washington, ce qui signifie très probablement que les sources du journaliste se trouvent à la Maison Blanche. A deux mois des élections, alors que le candidat républicain Mitt Romney attaque Obama sur le manque d’action en Iran, et que la bataille pour gagner les voix pro-juives et pro-Israël est à son sommet entre les deux camps, ces sources cherchent donc avant tout à dépeindre l’attitude du candidat démocrate comme de plus en plus ferme sur l’Iran.

A contrario, l’article israélien a été écrit ici et décrit les relations entre les deux nations comme au plus bas depuis plusieurs années. Il dépeint une administration cherchant avant tout à se protéger - une image que les pro-Romney ont tout intérêt à voir se propager. Les motivations des deux journaux sont limpides : le New York Times soutient fortement Obama tandis que Yediyot joue le jeu de Netanyahou. Mais en attendant ce sont les Iraniens qui doivent être contents.

Retour en 2010. En mars, l’annonce d’un nouveau projet immobilier dans le quartier de Ramat Shlomo, à Jérusalem, crée du rififi avec l’administration américaine. L’ambassadeur israélien aux Etats- Unis, Michael Oren, dira alors que les relations entre les deux pays n’ont jamais été aussi mauvaises depuis près de 35 ans. Le diplomate niera ensuite le commentaire, mais tous les signes pointent dans la même direction : Washington et Jérusalem ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Et le monde entier est au courant.

Le ton change à l’été 2010, peu avant les élections du Congrès américain. Obama se lance dans une opération séduction à l’égard de la communauté juive, et les problèmes se règlent désormais en coulisses.

Aujourd’hui, les choses ont de nouveau changé. Les différences, exposées en plein jour. Alors qu’Israël et les Etats-Unis devraient apparaître comme plus unis que jamais, de continuelles fausses nouvelles viennent semer la discorde. Témoin, le récent couac avec le général des armées américaines Martin Dempsey (voir article en page 5). Alors que le général a affirmé qu’il ne souhaitait pas être “complice” d’une attaque israélienne, le gouvernement Netanyahou a réagi en qualifiant ces propos “d’étranges” et en se disant inquiet de la coopération des Etats-Unis, que la Maison Blanche qualifie pourtant de plus haute que jamais.

A vrai dire, c’est plutôt la réaction de Jérusalem qui est “étrange”. Quel est donc l’intérêt pour Israël de se mettre mal avec le plus haut gradé américain, alors qu’il est bien évident qu’il obéira aux ordres de son président en fin de compte ? Les différends israélo-américains sur la question du timing en Iran étaient déjà connus de tous.

Y a-t-il donc vraiment une crise de confiance entre Jérusalem et Washington ? La réponse est non. Mais plutôt une élection américaine des plus serrées qui approche. Tant et si bien que deux journaux peuvent écrire deux articles radicalement opposés le même jour.