De Tel-Aviv à Toulouse : hommage unanime aux victimes

Des rassemblements ont été organisés en Israël et en France. La tragédie du Sud-Ouest laisse entrevoir l’émergence de la haine raciste et antisémite, et la montée de l’extrémisme, en France et ailleurs

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(photo credit: reuters)
Le rendez-vous était fixé au jeudi 22 mars, à 18h30, sur la place de la cinémathèque de Tel-Aviv. Une foule de Français ou francophiles d’Israël ont répondu présent pour manifester leur solidarité avec les victimes de Montauban et Toulouse.
Les organisateurs de l’événement, Nicolas Lang et David Lahmi, voulaient délivrer un message de soutien aux familles.
“Et surtout montrer à nos ennemis que la vraie force du peuple juif est son unité”, a indiqué Lang. Une minute de silence a été observée après sa prise de parole. Il a ensuite entamé La Marseillaise, reprise par la foule, suivie par la Hatikva qui a clôturé le rassemblement.
Les 200 personnes présentes - on a pu noter la présence de l’ambassadeur de France en Israël, Christophe Bigot - se sont alors dispersées en silence.
“La haine n’a pas de limite, notre soutien non plus”, pouvait-on lire sur les banderoles. Dans la foule, un homme déambule et brandit un panneau blanc où est inscrit en larges lettres noires : “Juifs de France en danger. Votre place est en Israël”.
Les tragédies de Montauban et Toulouse ouvrent à nouveau le chapitre de la place des religions au sein de la société française, de la haine manifeste exprimée à l’égard de certaines et de la radicalisation alarmante d’autres.
Jeudi soir, Nicolas Lang se déclarait : “Touché au plus profond de moi en tant que père, juif, israélien et français. Devant la douleur la plus atroce, face à l’indicible, nous nous devons d’être solidaires et unis”. Une solidarité incontestablement partagée par tous les Français, notamment par les représentants des diverses religions de France. Dès le 21 mars, Richard Prasquier, responsable du Conseil représentatif des institutions juives de France, et Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman, se sont exprimés d’une même voix pour appeler à ne pas faire d’“amalgames” entre “la mouvance islamiste djihadiste, al-qaïdiste que Mohamed Merah représente, et l’islam de France”.
Reconnaître les dérives
Il ne s’agit donc pas de diaboliser l’Islam, mais d’accepter de lever les tabous sur la réalité du message de haine véhiculé par une mouvance de cette religion. D’après Karim Amellal, écrivain et conférencier à l’institut de sciences politiques de Paris, “certains interprètent de façon excessive, extrémiste voire erronée les textes, souvent en contre-sens avec l’esprit même du Coran. L’Islam, comme les autres, n’échappe pas à cet axiome qui veut que toute religion engendre ses fanatiques. L’Islam (sunnite) n’ayant cependant pas de clergé et chacun pouvant, en vertu de ce que l’on appelle l’Ijtihad, interpréter les textes, il n’y a pas vraiment d’autorité supérieure légitime en dernier ressort pour dire ce qu’est la loi et ce qu’elle signifie.”
Et d’ajouter : “De ce point de vue, l’absence de clergé en islam favorise l’auto-légitimation de certains ‘fondamentalismes’. Mais, encore une fois, ne faisons pas de ces interprétations extrémistes la règle : l’écrasante majorité des Musulmans de France (et du monde) ont une pratique saine de l’Islam, en conformité avec les règles du pays dans lequel ils vivent”.
Néanmoins, le phénomène d’islamophobie associé à la manifestation d’un antisémitisme flagrant depuis de nombreuses années est représentatif d’une crise sociale et morale à l’échelle européenne. A titre indicatif, il n’y a pas qu’en France que l’extrême droite prospère.
Partout en Europe, ces partis gagnent du terrain. Le Danemark, par exemple, est gouverné depuis 2001 par une formation appuyée par le parti populaire danois (Dansk Folkeparti) nationaliste et populiste connu pour ses prises de positions très dures en matière d’immigration.
En Hongrie par ailleurs, le Parti de la justice et de la vie hongroise (MIEP), dont l’un de ses dirigeants a déjà été condamné en 2002 pour propos antisémites, fait alliance avec la droite hongroise de Viktor Orban sur les “problèmes” des minorités juives et tziganes.
En France, l’extrême droite se manifeste au travers d’actes antisémites récurrents. Depuis la nuit du 8 au 9 mais 1990, où 34 sépultures juives avaient été profanées à Carpentras dans le Vaucluse, on ne cesse de dénombrer des actes similaires. En 2010, 27 tombes avaient été vandalisées dans le cimetière juif de Wolfisheim près de Strasbourg. Sans pour autant préciser si l’action était d’inspiration néonazie ou djihadiste, la police a annoncé, vendredi 23 mars, une nouvelle profanation d’un cimetière juif dans le sud de l’Hexagone. Une trentaine de tombes ont été dégradées dans un cimetière de l’est de Nice. Entre autres, les étoiles de David ornant les lanternes de métal scellées à 22 tombes ont été arrachées.
Ne pas se tromper de victime
Par ailleurs, une professeure d’anglais dans le nord de la France a été suspendue de ses fonctions par le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, pour avoir demandé à ses élèves de Terminale de respecter une minute de silence à la mémoire du tueur en série, Mohamed Merah. Les élèves de cette classe de Rouen ont alors écrit au principal de l’établissement pour indiquer que l’enseignante avait qualifié le tueur de “victime” et argué que ces liens avec Al-Qaïda avaient été fabriqués de toute pièce par les médias et le président français Nicolas Sarkozy. Enfin, samedi 24 mars, une trentaine de personnes s’étaient rassemblées dans le quartier toulousain des Izards, là aussi en l’honneur du tueur.
Le lendemain, toute la France affichait pourtant sa solidarité lors de grands rassemblements à Paris et à Toulouse. Plusieurs milliers de personnes ont participé dimanche après-midi à la “marche républicaine” organisée à Paris “contre le racisme, l’antisémitisme et le terrorisme” et en hommage aux victimes du “tueur au scooter”. A Toulouse, une marche multiconfessionnelle dans le quartier de la Roseraie a rassemblé 6 000 personnes, selon la police. Des élèves de l’école Ozar Hatorah ont conduit la marche silencieuse, bouquet de roses blanches dans les mains, à la mémoire de ceux qui resteront gravés dans l’esprit et le coeur de toute la communauté juive.