Djihad, salafisme et conséquences

Les djihadistes en ligne encouragent leurs supporters à agir seuls et à attaquer à proximité de chez eux

djihad (photo credit: Reuters)
djihad
(photo credit: Reuters)
Il semblerait que l’homme suspecté des meurtres de Toulouse et Montauban, Mohamed Merah, ait pris la décision de s’embarquer dans une campagne djihadiste en solitaire à proximité de son lieu de résidence. Ce faisant, il a agi en accord avec les recommandations téléchargées sur Internet par les idéologues d’Al-Qaïda ces dernières années.
Merah, 23 ans, était surveillé par les forces de sécurité françaises après avoir voyagé en Afghanistan et au Pakistan. Et après avoir apparemment été entraîné par des djihadistes, selon les autorités françaises. A son retour en France, Merah s’est procuré des documents djihadistes en ligne, qui montraient des scènes de violence brutale, affirme le procureur de Paris.
Le monde du djihad sur Internet est parsemé d’appels aux supporters occidentaux à agir par eux-mêmes. Et à attaquer des cibles proches de leur lieu de résidence. L’argument derrière ces appels : les chances de fuite vers les services secrets de tels actes terroristes sont minimes.
On retrouve ces recommandations dans Inspire, le magazine en ligne d’Anwar al-Awlaki, un membre d’Al-Qaïda américano-yéménite et de son complice américano-pakistanais Samir Khan. Tous deux ont été assassinés par une attaque de drone américain au Yémen, l’année dernière.
Inspire expliquait alors aux Musulmans occidentaux qu’ils avaient une obligation religieuse : perpétrer le djihad. Et leur recommandait vivement et à de nombreuses reprises, d’agir seul, de choisir une cible proche géographiquement et de garder leurs desseins secrets.
“Choisissez votre cible [dans votre voisinage], selon vos capacités. Votre périmètre d’action est large, faites donc en sorte de réfléchir à toutes les options disponibles. Un exemple local, simple et efficace : attaquer un centre d’entraînement de l’armée, une discothèque, une autoroute ou un centre commercial bondé”, relatait le premier numéro du magazine en ligne, disponible auprès de l’Institut de Recherche sur les Médias au Moyen-Orient.
L’année dernière, à un lecteur qui s’interrogeait sur la meilleure manière de servir le djihad, Inspire lui conseillait de s’attaquer lui-même aux civils. Et déconseillait de se rendre sur un terrain de bataille plus éloigné.
Aujourd’hui, le doute n’est plus permis. Les forces de sécurité occidentales devront consacrer d’importantes ressources à la chasse aux “djihadistes individuels” afin de les arrêter avant qu’ils n’agissent.
La récente proposition de Nicolas Sarkozy va dans ce sens : “Désormais, quiconque a l’habitude de consulter des sites vantant le terrorisme sera sanctionné pénalement. La France ne tolérera pas le recrutement forcé ou l’endoctrinement idéologique sur son sol.” Et le président français d’ajouter qu’une enquête sera menée pour examiner le rôle des prisons dans la propagation de l’extrémisme en France.
Salafisme vs. djihad
On a vite fait de confondre salafisme et djihad. Le salafisme est une pratique religieuse fondamentaliste qui revendique une interprétation stricte et littérale du Coran. Ses fidèles imitent les “salafs”, “ancêtres pieux” parmi lesquels Mahomet et ses compagnons. Ces fondamentalistes sunnites portent notamment une longue barbe pour les hommes et le niqab pour les femmes. Le salafisme possède trois courants : le salafisme piétiste (95 % des salafistes), le salafisme politique et le salafisme révolutionnaire, qui prône le djihad (la guerre sainte) comme moyen d’action. Et comme obligation religieuse. On dénombre entre 12 000 et 15 000 salafistes en France, dont une ultraminorité se revendique djihadiste. De l’ordre d’une dizaine selon le sociologue Samir Amghar.
En 2010, Le Monde rapportait qu’une douzaine de djihadistes avaient été interpellés en France. Ils seraient 80 en Europe. De nombreux réseaux ayant été démantelés, notamment les branches liées à Al-Qaïda suite au 11 septembre, il est difficile de comptabiliser les salafistes révolutionnaires. S’ils se réclament d’appartenir à des groupes djihadistes, ils agissent souvent seuls.
Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, expliquait sur France Info qu’une personne soupçonnée d’activité terroriste est placée sous surveillance, mais pas constamment. Et Jean-Louis Bruguière, ex-chef du pôle antiterroriste parisien, d’ajouter qu’il faut des “éléments tangibles” pour arrêter un individu.
Ce n’est qu’en 2011 que Merah est interrogé par le service régional de renseignement intérieur, intrigué par ses voyages en Afghanistan et au Pakistan. Les renseignements américains avaient déjà signalé l’individu qu’ils avaient arrêté sur place. Mohamed leur raconte, photo à l’appui, ses voyages. Un séjour touristique, devenu un entraînement militaire par Al-Qaïda dans ses confessions au RAID lors de la partie de cache-cache de trente-deux heures qui a pris fin le 22 mars.
Les forces d’élite du RAID s’étaient retrouvées dans l’impasse avec Merah très tôt mercredi 21 mars. Ils ont tiré et fait détonner de petits explosifs jusqu’à jeudi midi afin de fatiguer le tueur et de le capturer vivant. Au total, cinq policiers ont été blessés et le tueur a été mortellement touché après son refus de se rendre.
Autre question qui se pose, et que beaucoup considèrent légitime : pourquoi aura-t-il fallu attendre une dizaine de jours pour que les enquêteurs remontent jusqu’à la mère de Merah. Le tueur aurait-il pu être appréhendé plus tôt ? A moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle, le thème de la sécurité revient en force sur le devant de la scène.