Et maintenant ?

L’avenir des relations israélo-palestiniennes semble sombre. Une conférence veut voir les choses autrement.

protestation contre Pilier de défense (photo credit: Omar Ibrahim / Reuters)
protestation contre Pilier de défense
(photo credit: Omar Ibrahim / Reuters)
Les huit jours d’opération militaire à Gaza viennent à peine de s’achever. Et déjà, le Premier ministre Binyamin Netanyahou demande aux militaires et aux réservistes de rester mobilisés en vue d’une prochaine offensive. Quant au Hamas, il se récrie que l’accord n’a jamais porté sur la fin de son réarmement. Israéliens et Palestiniens peuvent-ils vraiment éviter la prochaine manche ? D’aucuns qualifieront la question de naïve, considérant que les deux camps se feront la guerre éternellement. D’autres évoqueront la possibilité de négociations progressives. Le 31 octobre dernier, la 2e Conférence annuelle du Centre Minerva pour les Droits de l’Homme sur la justice transitionnelle présentait une nouvelle façon d’aborder le problème et suggérait de s’attaquer tout de go à la question des réfugiés palestiniens et à la reconnaissance d’Israël comme Etat juif. Des sujets pourtant dans l’impasse depuis des décennies.
Les Palestiniens exigent le droit au retour pour, théoriquement, des millions de refugiés. Aucun Premier ministre israélien, de droite comme de gauche, ne l’accepte, arguant qu’un tel retour détruirait l’Etat juif. De son côté, Israël réclame la reconnaissance de son droit à l’existence (accordé dans le traité d’Oslo) mais également du caractère juif de son Etat. Aucun Palestinien ne l’accepte, arguant que le peuple palestinien a déjà reconnu l’existence d’Israël et qu’ajouter la mention « Etat juif » contreviendrait aux droits du million d’Arabes israéliens et renierait le point de vue historique palestinien.
Des modèles venus d’ailleurs 
Selon les pourfendeurs de la justice transitionnelle, le conflit israélo-palestinien peut être résolu en prenant exemple sur d’autres pays qui sont venus à bout de conflits entre ethnies différentes. Les Palestiniens pourraient donc reconnaître l’importance pour les Juifs du « retour des exilés » : un moyen indirect de reconnaître le récit historique juif, sans avoir à en référer directement à un « Etat juif ». Et Israël pourrait reconnaître la souffrance palestinienne lors de la Nakba (Catastrophe), sans pour autant accepter dans les faits un droit du retour palestinien. Un changement de ton qui pourrait radicalement changer la donne pour d’éventuelles négociations.
La « justice transitionnelle » est un procédé employé par des pays déchirés par la guerre pour aborder des injustices passées entre les belligérants. Elle va des procès individuels aux pardons collectifs sur la base de confessions publiques.
But explicite : réconcilier pour avancer. Selon Hassan Jabareen, avocat des droits de l’Homme arabo-israélien et dirigeant d’Adallah, Centre pour les droits de la minorité arabe en Israël, la méthode permettrait aux Israéliens et aux Palestiniens de prendre exemple sur l’Afrique du Sud ou l’Irlande du Nord. « Aujourd’hui, les deux groupes peuvent admettre que tous deux continueront de vivre ici, pour toujours, et qu’il n’y a aura jamais de défaite totale de l’un ou de l’autre », dit-il, ce qui représente malgré tout un grand écart par rapport aux attentes de certains.
Jabareen insiste : les Israéliens doivent reconnaître la souffrance palestinienne pour avoir perdu des villages dans la guerre d’Indépendance en 1948, soit la Catastrophe.
Une idée repoussoir pour de nombreux Israéliens alors qu’un conflit armé vient à peine de s’achever. Et cette reconnaissance pourrait-elle permettre aux Palestiniens de renoncer à leur droit du retour et de passer à autre chose ? Jabareen se refuse à l’affirmer catégoriquement. Mais propose une analogie tirée de l’histoire sud-africaine. Selon lui, n’importe quel Noir sud-africain dans l’apartheid des années 1980 aurait catégoriquement refusé de pardonner au camp adverse. « Mais une fois qu’ils se sont réconciliés et qu’ils ont reconnu certaines des injustices causées », une nouvelle dynamique s’est créée. Et le juriste d’admettre du bout des lèvres qu’un tel changement pourrait aussi se produire dans la région.
Mais quel dirigeant israélien se risquerait donc à une telle reconnaissance avant que les Palestiniens ne renoncent officiellement à leurs revendications ? (Même en laissant de côté les torts causés aux Juifs pendant la guerre d’Indépendance, ainsi qu’aux centaines de milliers de Juifs réfugiés des pays arabes).
Une souffrance qui remonte à loin 
Sigal Horowitz, juriste et membre du comité d’organisation de la conférence Minerva, souligne qu’une commission parlementaire israélienne l’a déjà fait, « sans que le ciel ne tombe sur la tête de la Knesset ». La commission Or a enquêté sur la mort de 13 Arabes israéliens au cours d’émeutes dans le Nord, en octobre 2000. Au terme de 92 audiences réparties sur plus de deux ans et demi, le groupe a rendu un rapport de 700 pages en 2003. Un travail « courageux » selon Horowitz, parce qu’il reconnaît, entre autres, des points clefs de l’histoire telle qu’elle est présentée par les deux côtés.
D’un côté, il souligne le besoin pour les Arabes de « comprendre que le principe inhérent au retour d’exil pour les Juifs est important ». Mais de l’autre, il exhorte les Juifs à « comprendre que ce même processus a fait passer les Arabes Israéliens au statut de minorité » et leur a fait perdre la guerre, leurs villages et leurs foyers.
Mais comment les Israéliens pourraient-ils reconnaître la défaite palestinienne, alors que l’histoire juive tient essentiellement le conflit de 1948 comme une guerre de survie, face à cinq armées tentant de « jeter les Juifs à la mer » ? 
Réponse limpide d’Horowitz : parce qu’Israël a gagné et récolté les moissons de cette victoire.