Israël et l’Inde partageraient-ils plus qu’il n’y paraît ?

Plaidoyer pour un renforcement des liens stratégiques entre les deux pays

inde (photo credit: © Reuters)
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(photo credit: © Reuters)

Certains antagonismes entre les situations indienne etisraélienne sont indéniables. De prime abord, tout semble même les opposer,mais est-ce vraiment le cas ? Car de troublantes similitudes peuvent êtreétablies.

Le paradoxe veut qu’en étudiant d’un peu plus près cet axiome, le vernis commenceà se craqueler.
Tout d’abord, le monde indien et Israël ont en commun de faire partie des plusanciennes civilisations du monde, plusieurs fois millénaires. Avec, cependant,une différence notable pour le peuple d’Israël. Celui-ci a vécu un retour auxsources vers “le site de son ancienne grandeur”.
L’Etat d’Israël et l’Inde moderne se sont émancipés en même temps du joug del’empire britannique qui colonisait leurs pays respectifs. Chacun d’eux vit dessituations géopolitiques et géostratégiques inextricables et complexes, dont larésolution semble, pour l’un comme pour l’autre, insoluble.
L’Israël biblique a engendré la première des trois religions monothéistes.L’hindouisme est l’une des plus anciennes religions polythéistes du monde.
La Terre d’Israël possède l’un des territoires les plus exigus de la planèteavec environ 20 000 km2. L’Inde, avec ses 3,3 millions de km2, est le 7e pays,en termes de superficie au monde.
L’Etat d’Israël compte moins de 8 millions de citoyens.
L’Inde a la deuxième plus importante population du monde avec 1,2 milliardd’habitants.
Israël et l’Inde se sont tous deux offerts le luxe d’avoir donné naissance àdeux des principales religions du monde, puis de s’en être aussitôt dissociées.Certes, la religion catholique ne s’est véritablement développée que longtempsaprès la mort de Jésus, mais celui-ci a fondé la plus importante religion aumonde avec pas loin de deux milliards de fidèles sur terre. Les Juifs eux,choisirent de rester fidèles à leur foi, ne voyant pas en Jésus un véritableprophète.
L’Inde a quant à elle vu naître le prince Siddhârta Gautama, qui deviendra leBouddha. Mais alors que l’Inde est restée hindouiste, le bouddhisme s’estdéveloppé dans toute l’Asie. Il représente encore aujourd’hui une des plusimportantes religions et philosophies du monde.
Les populations musulmanes d’Israël et de l’Inde sont extrêmement importantesavec environ 1,5 million de Musulmans en Israël, et pas loin de 150 millions enInde.
La bombe à retardement démographique et le péril islamiste sont simultanémentperçus comme un danger systémique.
On trouve aussi l’idée commune que la frange la plus radicale de cespopulations pourrait former dans un avenir proche une 5e colonne.
Les amis de mes ennemis...
Dès la création de leurs nations respectives en 1947 et 1948, l’Inde et Israëlont organisé un système parlementaire et démocratique. Un fait rarissime parmiles autres nations qui s’émancipaient à la même période du colonialismeeuropéen, en Afrique, au Moyen-Orient ou en Extrême-Orient.
Les deux Etats ont instantanément dû faire face à des voisins surarmés, etlutter dans un environnement hostile.
Ils ont dû faire preuve de beaucoup d’ingéniosité pour obtenir “l’armesuprême”. Cette arme (qui possède un effet dissuasif incontestable) reste plusque jamais d’actualité dans ce Moyen-Orient où un Iran nucléarisé engendrerait, defacto, un effet domino.
La communauté internationale, l’AIEA, et les monarchies sunnites du Golfepersique s’inquiètent donc, légitimement, d’une éventuelle proliférationnucléaire dans une région en perpétuelle ébullition, au cas où le régime desmollahs franchirait définitivement le seuil du nucléaire militaire.
Précisons que le “dogme militaire” d’Israël, concernant sa politique nucléaire,reste intangible : jamais l’Etat hébreu n’infirme, ni ne confirme. L’Inde quantà elle voit dans son ennemi juré un éternel rival. Islamabad, qui possède ladite “bombeislamique”, est soutenu en même temps par son puissant allié chinois, et parles Américains. Mais pour combien de temps encore en ce qui concerne les USA ?La source de conflit frontalier jamais résolue entre l’Inde et la Chine, et lesrivalités d’ordre hégémonique en Asie du Sud-Est entre ces deux futuressuperpuissances, ne sont évidemment pas étrangères au soutien jamais démenti dePékin envers son encombrant allié pakistanais, celui-ci restant une épine dansle pied de New Delhi. L’Inde quant à elle s’inquiète que de trop nombreuxsignes laissent penser que l’ISI (les services secrets pakistanais), ou tout dumoins une partie d’entre eux, soient infestés par les islamistes.
Le légendaire double-jeu mêlé d’opacité des services spéciaux avec lesTalibans, dans la région sensible du Waziristan, reste une source de conflitlarvé permanent avec Washington.De surcroît, l’Inde ne digère toujours pas l’épineuse question du Cachemire,revendiqué conjointement par l’Inde et le Pakistan, et qui lui est toujoursresté en travers de la gorge.
C’est le statu quo, mais il fut un temps pas si lointain où ces deux puissancesrégionales sont passées à un cheveu de l’apocalypse nucléaire.
Cette étrange planète qu’est le Pakistan...
La Maison Blanche s’interroge fortement, depuis l’opération Geronimo, qui ascellé le destin du leader d’Al- Qaïda. Comment est-il possible, sans appuisgouvernementaux, que Ben Laden ait pu se terrer tant d’années dans une zoneaussi sensible que celled’Abbottabad ? Les Américains restent persuadés que le terroriste a été protégé“officiellement” au plus haut niveau.
L’Amérique a perdu confiance, s’impatiente du manque total de transparence desautorités pakistanaises, et choisit dorénavant, invariablement, de frapper pardrones interposés dans les zones tribales. Ces frappes “chirurgicales”s’effectuent d’ailleurs le plus souvent sans même choisir d’en référer augouvernement pakistanais.
Les Américains, qui financent à coup de milliards de dollars chaque annéel’armée pakistanaise, commencent à trouver que tout cela sent le soufre, ets’inquiètent de cette véritable poudrière islamique nucléarisée située à lafrontière afghane. Il est grand temps pour nos amis américains d’ouvrir enfinles yeux, d’intensifier les pressions sur cette étrange planète qu’est le Pakistan,et de s’arrêter longuement sur le message délivré aux étudiants en théologie,les Talibans, dans les nombreuses madrasas du pays.
Un rapprochement politique, militaire, et technologique, s’est engagé depuisplusieurs années entre les démocraties indienne et israélienne. Gageonsqu’Israël continuera d’intensifier ses relations bilatérales.
N’oublions pas la lutte antiterroriste. Souvenons-nous des attentats contre lecentre communautaire juif de Bombay, etrappelons que l’Inde a, elle aussi, souvent été touchée par des vagues deterrorisme aveugle, dans lesquelles l’implication du Pakistan reste une probabilitémajeure.
Israël se doit de garder d’excellentes relations avec l’Inde, sans pour autantfroisser le géant chinois, partenaire désormais quasi-incontournable de toutesles nations du monde. C’est une partie diplomatique serrée qui se joue.
L’Etat hébreu doit nécessairement conserver sa supériorité militaire (aérienneet navale en particulier) sur ses voisins. Il en va de sa sécurité et de sasurvie. L’Inde a des aspirations identiques.
L’aspect social et les revendications de cette jeunesse qui s’inquiète de laformidable disparité des salaires (l’une des plus importantes du mondeoccidental, et des pays de L’OCDE), et qui craint une paupérisation qui iraitencore en s’accélérant, sont parfaitement légitimes et compréhensibles.
Cela dit, la priorité des priorités sur laquelle Israël doit se concentrer, etfocaliser la majeure partie de son attention, doit rester la politiquesécuritaire du pays. Dans cette région tumultueuse du monde où on nage en eauxtroubles, on n’est décidément pas sur le lac Léman.