Législatives : un duo de femmes

A l’issue d’un vote peu suivi au premier pour la 8e circonscription des Français de l’étranger, deux femmes se retrouvent au second tour : Daphna Poznanski-Benamou et Valérie Hoffenberg. Le vote partisan l’a donc emporté sur le vote communautaire

Les franco-israeliens au premier tour des legislatives (photo credit: © Valentine Bourrat, Ambassade de France en Israel)
Les franco-israeliens au premier tour des legislatives
(photo credit: © Valentine Bourrat, Ambassade de France en Israel)

Dimanche 3 juin, soirée agitée au consulat général de Franceà Tel-Aviv. Il est 20h. Le premier tour des élections législatives pour lesFrançais de l’étranger vient de se clôturer et commence alors le décompte desvoix. A 22h, les derniers bulletins sont comptabilisés, les procès-verbaux sontdressés et tout a été signé en bonne et due forme par les présidents desbureaux de vote, les secrétaires généraux et autres assesseurs. Le hall se videenfin. Dernier coup d’œil sur la côte illuminée, depuis le 11e étage du 1 rueBen Yehouda. Toute la journée, la plage a nargué le consul et toute l’équipedes volontaires du bureau de vote. A la nuit tombée, ils ne sont pas mécontentsd’en avoir fini. Leurs impressions : la journée a été longue. Peu mouvementée,certes, et justement en cela très longue. En cause, le très faible nombre devotants. Quelque 700 personnes à peine s’étaient déplacées pour déposer leurbulletin dans l’urne, à Tel-Aviv.

Ce n’est pourtant pas faute d’organisation. Tout avait été soigneusementcoordonné à l’avance, par les services consulaires français en Israël. Dans laVille blanche, cinq bureaux de vote avaient été installés au consulat. Dèsvendredi 1er juin, tout était en place. Les votes par correspondance avaientété récoltés, les bulletins électroniques directement soumis à Paris, les derniersdocuments signés : tout était prêt pour le jour J, sous l’égide du consulgénéral Patrice Matton et son adjoint, Damien Laban. Et de fait, alors que lesreprésentants des candidats s’assuraient eux aussi de la bonne tenue duscrutin, presque aucun couac n’a été relevé dimanche pour le premier tour deslégislatives.
Rien qu’à Tel-Aviv, une équipe d’au moins cinquante personnes avait étémobilisée : membres des instances diplomatiques françaises ou tout simplementvolontaires.
Mais au contraire des élections présidentielles du mois dernier, tous ont sentile temps passer. A l’entrée de l’immeuble du consulat de Tel-Aviv, une rangéeentière de volontaires attendait près des listes d’émargement, avidesd’électeurs.
Faible participation en Israël

 Parmi les premiers électeurs de la journée, l’ambassadeur deFrance en Israël Christophe Bigot, venu soutenir le moral des troupes. Arrivétôt le matin au consulat de Tel-Aviv, il a voté en vrai diplomate, visageimpassible, prenant le soin de récolter tous les bulletins avant de pénétrerconfier son choix au secret de l’isoloir.

Enfourchant sa moto, il s’est alors rendu à Ashdod, où il a été acclamé par lesFranco-israéliens présents au bureau de vote. Recueillant les doléances desuns, les compliments des autres, Bigot a fait le tour des bureaux de la villeportuaire du Sud, s’est gentiment prêté au jeu des photos avec certainsbénévoles, avant de s’en retourner à Tel-Aviv, à son un programme encore bienchargé pour la journée.
Interrogé sur la très faible participation en Israël (8,3 % à Tel-Aviv, 9,5 % àJérusalem et 4,8 % seulement à Haïfa) à ces élections, l’ambassadeur a soulignéle fait qu’il s’agissait d’une première pour les Français de l’étranger. Etprécision pour les habitants d’Israël : en Terre sainte, le dimanche n’est pasun jour chômé. Ce qui explique l’âge avancé des électeurs qui ont fait le choixde se déplacer aux urnes, dans l’ensemble de l’État juif. “Nous essuyons lesplâtres en ce premier tour des élections de députés de Français de l’étranger”,a ainsi déclaré l’ambassadeur devant la presse israélienne.
Autre explication : le premier tour pour les Français de métropole se déroulerale 10 juin, une différence de date, qui sème la confusion et à pu perturbercertains Franco-israéliens.
Cet avancement d’une semaine sur la Franceavait pourtant été prévu pour faciliter les délais d’acheminement des résultatsdepuis n’importe quel point de la terre vers Paris et bénéficier d’un temps supplémentaireen cas de problème. “Il reste donc fort à croire qu’au deuxièmetour, les citoyens auront pris note de tout cela et que l’affluence sera aurendez-vous de nouveau”, estime le diplomate.
Cyber-votants, les électeurs de demain

L’ambassadeur a également souligné l’importance des modes descrutin “à distance”. Pour les législatives, les Français de l’étranger ontdésormais la possibilité de voter de quatre façons différentes : se rendre aubureau de vote, faire une procuration, voter par correspondance et surtout, parInternet.

Cette dernière procédure inédite devrait se démocratiser lors de prochainesélections. Pour le premier tour de la 8e circonscription, les électeurs ont pufaire leur choix entre les 23 et 29 mai. Pour le second, ils pourront cliquersur le candidat de leur choix entre le 6 et le 12 juin. Certes, quelquesdysfonctionnements sont à noter pour cette première, avec des logicielsinadaptés ou un retard dans l’arrivée des codes, mais ce nouveau mode descrutin a tout de même attiré un bon nombre de votants. Sur le 1,5 million deFrançais enregistrés à l’étranger, quelque 130 000 ont voté par Internet. Selonle chef de la chancellerie française en Israël, “cela représente à peine 10 %des inscrits, mais sachant que le taux de participation de tous les Français del’étranger n’est que de 40 % habituellement, en réalité cela représente unquart de ces électeurs”.
Très pratique pour d’immenses pays comme la Russie ou les États-Unis, le voteélectronique a également fait ses preuves autour du bassin méditerranéen. Pourla 8e circonscription, les votes électroniques s’élèvent à 7600 voix, soitenviron 7 % des 109 817 citoyens inscrits sur les listes électorales. Auxquelsil faut ajouter 0,3 % de votes par correspondance et 6 % de bulletins dans lesurnes. Au total, la participation électorale s’élève à 13,4 % des inscrits dansla 8e circonscription des Français de l’étranger. Les taux records ont étéenregistrés à Malte (27,3 %) et en Turquie (24 %). Avec sa participation bieninférieure à 10 %, Israël fait donc figure de mauvais élève.
La victoire des partis républicains

 Sur l’ensemble de la circonscription, tous moyens de voteconfondus, ce sont donc deux femmes qui se sont qualifiées pour le second tour: Daphna Poznanski-Benamou (candidate socialiste) avec 30,5 % des suffragesexprimés (4400 voix) et Valérie Hoffenberg (candidate UMP) avec 22,2 % (3202voix). Une victoire qu’elles doivent avant tout, non pas aux ressortissantsd’Israël, mais à ceux des autres pays de la 8e circonscription. Car elles ontsurtout séduit à l’extérieur des frontières de l’Etat juif.

En troisième position, Philippe Karsenty, fort de 2086 voix, soit 14,5 % dessuffrages exprimés. S’il admet sa défaite, il reste fier de sa première placeen Israël et a promis de faire état de consignes de votes pour le second tour,d’ici mercredi 6 juin.
La surprise de ces élections vient surtout du candidat écologiste PierreJestin. S’il n’a recueilli que 78 voix en Israël, le représentant des Verts aobtenu 1515 votes sur l’ensemble de la circonscription, soit 10,5% desscrutins.
Ses armes de prédilection : l’Italie où il réside et surtout le vote parInternet. Jestin devient ainsi un candidat de jeunes européens qui rappelle lessuccès électoraux des Verts au Parlement européen de 2009. Sa victoire confirmeaussi le succès des candidats intronisés par un parti politique.
Enfin, en cinquième position, celui qui a pourtant raflé le plus de voix dansles villes côtières de Tel-Aviv, Ashdodou Haïfa. Avec 84 voix de moins - seulement - que Jestin, Gil Taïeb a manqué devisibilité en dehors d’Israël. Présent au bureau de vote de Tel-Aviv à l’heuredu dépouillement, il s’est dit grandement déçu de la faible participation desFranco-israéliens. Il avait pourtant redoublé d’efforts ces dernières semainespour mobiliser les électeurs à travers les associations francophones d’Ashdodou Netanya.
“Notre objectif, c’était 10 000 participants, puis 5 000, et là nous avons untotal encore plus faible”.
Ironie du sort, seuls les candidats inscrits comme résidents à l’étranger ontpu s’exprimer pour la 8e circonscription.
Par conséquent, des 5 candidats en tête, Daphna Poznanski-Benamou a pu voter enIsraël et Pierre Jestin en Italie, en jetant dans l’urne un bulletinvraisemblablement à leur nom. Les autres grands candidats voteront en France le10 juin.
Pour tous, Français de l’Hexagone ou expatriés, le second tour aura lieu le 17juin. Pour la 8e circonscription tout se jouera donc entre Daphna Poznanski-Benamou et Valérie Hoffenberg.