Quarante ans plus tard, la vérité sur le massacre de Munich de 1972

Révélations. L’ouverture des Archives nationales jette un pavé dans la mare. Selon le chef du Mossad de l’époque, Zvi Zamir, les Allemands n’ont rien fait pour sauver les athlètes israéliens

Munich (photo credit: Reuters)
Munich
(photo credit: Reuters)

Qui a oublié les 11 athlètes Israéliens massacrés lors des JO de Munich,les 5 et 6 septembre 1972 ? Un épisode douloureux ancré dans la mémoirecollective israélienne. Mais le rôle des autorités allemandes était restéjusqu’à ce jour imprécis. Mercredi 29 août, l’ouverture des Archives nationalesont permis d’y voir plus clair avec la classification de 45 documents. Dont uncommentaire du chef du Mossad à l’époque. Selon Zvi Zamir, la police allemanden’a pas “fait le moindre effort pour sauver ces vies humaines”.

Golda Meir, alors Premier ministre, avait qualifié cette nuit de“schizophrénique”, lorsqu’elle avait dû diriger à distance le développement dela prise d’otages, assistée des membres de son cabinet dans sa demeure deJérusalem, tout en suivant le sauvetage opéré par des agents israéliens àl’aérodrome militaire Fürstenfeldbruck, près de Munich. A l’exultation, quandon avait pensé que le secours allemand avait opéré, allait succéder ledésespoir, dès l’annonce de l’échec de l’opération et la mort des neuf otagesisraéliens et d’un officier de police de la RFA. Neuf victimes qui venaients’ajouter aux deux athlètes assassinés par les terroristes quelques minutesplus tôt.

C’est Zvi Zamir qui avait été envoyé en urgence sur les lieux pour piloterl’opération. Moshé Dayan, alors ministre de la Défense, craignait que saprésence ne provoque un déchaînement de violence de la part des terroristes.Zamir décrira un scénario des plus affolants : une inaptitude totale àintervenir de la part des agents allemands, des tireurs d’élite mal armés, unretard de 30 minutes et surtout une nonchalance flagrante dans le déroulementde l’opération. A Golda Meir, il décrit la situation par ces mots : “Ils n’ontpas pris le moindre risque pour les sauver. Ils sont restés à couvert, sansmême prendre la peine de sortir de leur cachette pour attaquer”.

Le débriefing de l’agent du Mossad avait été traduit en anglais et envoyé auxautorités d’Allemagne de l’Ouest. D’autres informations secrètes avaient étéjusqu’à ce jour protégées : comme la publication par le ministère des Affairesétrangères d’une chronique du drame et de ses conséquences immédiates, lesprocès-verbaux des réunions sur le massacre issus des petits papiers de laKnesset et la correspondance officielle entre responsables israéliens etallemands. Mais aussi : la réponse d’Israël à la décision du gouvernementallemand de libérer les hommes armés qui avaient survécu après le détournementde l’avion Lufthansa, ou les décisions de Meir quant aux mesures à prendrecontre le terrorisme. Ces archives sont divisées en neuf sections.

Pas de programme télé de remplacement

Le premier document est daté du 5 septembre 1972. Il s’agit du communiquédiffusé par l’ambassade israélienne à Bonn, quant à l’infiltration dePalestiniens armés dans le carré israélien de la résidence olympique. Lesterroristes exigeaient alors la libération de prisonniers palestiniens enIsraël. La dernière archive découverte date du 8 novembre : un rapport dequelques minutes de la réunion entre Meir et l’ambassadeur allemand, qui faitsuite à la libération par l’Allemagne de trois terroristes du “Septembre noir”après l’attaque de la compagnie Lufthansa en octobre. Alors qu’Israël était surle point d’enterrer la hache de guerre avec l’Allemagne et son chancelier WillyBrandt, cette annonce marquera un point de non-retour - du moins pour un temps- dans les relations israélo-allemandes.

Ces archives constituent un trésor historique, miroir de l’opinion israéliennede l’époque et des agissements secrets des autorités, et révélateur, entreautre de la férocité de Meir, qui écrivait : “Je ne sais pas ce qui va arriverà Brandt, ni comment il sera reçu ici”, déconseillant fortement au chancelierde venir assister aux funérailles des athlètes en Israël.

Le ministre des Affaires étrangères en fonctions lors des événements, AbbaEban, avait lui-même déclaré lors d’un meeting avec le Comité de Défense, qu’ils’inquiétait de la haine née contre le gouvernement allemand, alors qu’elleaurait dû être dirigée contre ces terroristes arabes.

Interrogée sur les prémisses de l’attaque terroriste, Golda Meir avait affirmé: “Vous n’avez pas idée du nombre d’informations qui nous sont parvenues aucours des 24 heures précédant le massacre, à propos de toutes sortes de plansd’ailleurs”. Et de répliquer : “A tout moment et dans le monde entier ons’apprête à réagir en cas d’attaque. Vous n’imaginez pas tout ce qui se préparecontre les Israéliens. Je suis étonnée de voir à quel point nous réussissons àles protéger. Mais le monde est grand, et des Israéliens se promènent un peupartout, et il nous est impossible de fournir une protection absolue”. Cesdocuments révèlent aussi le cynisme des autorités allemandes et du Comitéolympique international, pour qui la demande israélienne d’interrompre les Jeuxpendant les faits avait été considérée comme hors de propos et démesurée.

Le président du Comité olympique, Avery Brundage, et le ministre allemand del’Intérieur, avaient conclu, non sans cynisme : “Nous n’arrêterons pas lesJeux, vous vous demandez pourquoi ? D’une part on pourrait gêner les efforts dela police pendant l’intervention pour sauver les otages, d’autre part, nousn’avions pas prévu de programme télévisé de remplacement en cas debouleversement”.

Les démons de l’Allemagne

L’échec allemand de Munich 1972 : une conséquence directe de la défaite dela Seconde Guerre mondiale

Par Gil Shefler

En 1972, les autorités allemandes étaient aux abois. Selon le professeurMoshe Zimmermann, de l’Université hébraïque, la confusion et la faiblesse de laréponse allemande au massacre de Munich en 1972, douloureusement détaillées àtravers des centaines de documents déclassifiés rendus publics par Israël cemercredi, était une conséquence directe de leur défaite lors de la SecondeGuerre mondiale.

Et le directeur du Centre d’études sur l’histoire allemande Richard KoebnerMinerva va plus loin : les dirigeants favorables à la partie ouest-allemande, àl’époque, cherchaient “la paix à tout prix”, 27 ans seulement après la fin dela guerre. “L’Allemagne avait compris la leçon et penchait nettement plus versla compromission que le conflit”.

Et de préciser : “Quand ils avaient affaire à la menace d’un groupe terroriste,leur façon de gérer cette situation était de reculer”, se référant à ladécision de Bonn de remettre en liberté deux des terroristes moins de deux moisaprès l’attentat.

Ce sont alors deux événements qui vont conduire l’Allemagne de l’Ouest àchanger de politique. En 1977, le vol Lufthansa 181, détourné par desterroristes palestiniens est pris d’assaut par des commandos allemands.L’opération est un succès. Le deuxième événement mémorable aux yeux desautorités allemandes reste le remplacement en 1974 du chancelier allemand WillyBrandt par Helmut Schmidt à la tête du pays. “Brandt était plus proche de l’OLPà travers l’Internationale socialiste,” a indiqué Zimmermann. “A l’arrivée deSchmidt, cette relation a pris fin.”

L’Allemagne n’en finit pas de voir sortir des démons de ses placards. Récemment,de nouvelles preuves des bavures allemandes pendant et à la suite de la tueriedes 11 sportifs israéliens en 1972 ont récemment fait les grands titres. Enrevanche, “espérer l’ouverture d’une nouvelle enquête de quelque forme que cesoit est pratiquement illusoire”, a précisé Zimmerman.