Résultats encourageants

Les changements politiques en cours au Myanmar permettront-ils de développer des relations plus profondes avec l’Etat d’Israël ? C’est ce qu’espère Yaron Mayer, l’ambassadeur sur place Yaron Mayer est l’ambassadeur d’Israël au Myanmar - ancienne Birmanie.

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(photo credit: Knue Imai Weinstein)
Yaron Mayer est l’ambassadeur d’Israël au Myanmar - ancienne Birmanie.Nous le rencontrons peu avant Shabbat, dans un coin calme de la Moussmeah Yeshouah, synagogue sépharade du 19e siècle, située au coeur de la fièvre du centre-ville de Yangon - ancienne Rangoon, la plus grande ville du pays, forte de ses 4 millions d’habitants.
“J’ai de la chance de servir pendant cette période de transition cruciale.” Mayer fait référence aux élections tenues il y a quelques mois, qui ont porté l’actuel gouvernement civil au pouvoir. Ainsi qu’au récent enregistrement de la Ligue nationale pour la démocratie, comme parti politique, dirigé par la Prix Nobel, Aung San Su Kye.
Mayer en est à sa quatrième année de mandat au Myanmar. “Je suis le vingtième ambassadeur israélien ici et nos relations bilatérales ont toujours été fortes”, avance-t-il. “Les deux pays ont obtenu leur indépendance en 1948 et le Myanmar a été l’un des premiers à reconnaître l’Etat d’Israël.”
Depuis, un nombre non négligeable de hautsresponsables des deux nations, dont le premier chef de gouvernement birman U Nu, David Ben Gourion, ou encore Golda Méir, Moshé Dayan, Itzhak Ben- Zvi et Shimon Peres, ont effectué des visites officielles.
Mais à partir de 1962, avec la prise de pouvoir de la junte militaire emmenée par le général Ne Win, les échanges bilatéraux ont diminué. Pour autant, les relations n’ont jamais été tendues. Au cours de ces dernières années, toutefois, le climat politique au Myanmar a commencé à se modifier pour plus de démocratie, explique l’ambassadeur. “Et notre relation a alors été réactivée.”
Coexistence pacifique
Environ 150 ingénieurs, hommes d’affaires, fonctionnaires et étudiants birmans visitent Israël chaque année dans le cadre de différents programmes, à l’image de MASHAV, un programme de coopération du ministère des Affaires étrangères. Parmi les développements les plus récents : un projet d’échanges d’étudiants en archéologie et la vente de techniques israéliennes d’hydrothérapie. Si les touristes israéliens visitent le pays pour ses pagodes dorées et ses paysages naturels, le Myanmar est également “riche en ressources naturelles”. “Il dispose d’un grand potentiel, alors qu’il n’a que très peu d’investisseurs pour le moment”, commente Mayer qui s’attend à un développement des relations avec Israël dans les prochaines années, au vu des évolutions positives du régime. “Les Birmans veulent vraiment apprendre et affichent une attitude positive”, s’enthousiasme l’ambassadeur.Pour preuve, le taux d’alphabétisation, du Myanmar de 90 % pour les femmes et de 95 % pour les hommes, en 2009, selon des statistiques des Nations unies.
18 heures. Le soleil se couche sur le fleuve Yangon. Moses Samuels, un habitant qui s’occupe de l’entretien de la synagogue, l’ambassadeur et moi-même allumons les bougies de Shabbat. La construction de Moussmeah Yeshouah remonte à 1854, une oeuvre de Juifs originaires de Bagdad. Au temps de la domination britannique, pas moins de 2 500 à 3 000 Juifs, essentiellement des hommes d’affaires, vivaient en Birmanie. Ils ne sont plus que 20 aujourd’hui. “Il n’y a pas d’antisémitisme ici, mais les Juifs sont partis après la Seconde Guerre mondiale de leur plein gré”, raconte Samuels.
Près de 85 % des habitants du Myanmar sont bouddhistes, mais les minorités religieuses coexistent en bonne entente. Ainsi, la synagogue est située au coeur d’un quartier musulman et emploie essentiellement des personnes de confession islamique. “Quand on évite la politique, les Juifs et les Musulmans peuvent vivre ensemble”, commente Samuels malicieusement.
Avoir minyan est un problème
 Il est impossible de suivre strictement la casherout au Myanmar, même si Samuels et sa famille se considèrent comme des Juifs orthodoxes. Samuels est né à Yangon, issu d’une famille de marchants irakiens. La viande la plus proche des exigences halakhiques étant la viande hallal, Samuels se fournit auprès de ses voisins bouchers musulmans. Pourtant, à l’occasion du passage de 40 touristes orthodoxes new-yorkais, Samuels s’est engagé à faire venir de la viande casher par avion depuis Bangkok.
Quand il ne s’occupe pas de la synagogue, Samuels dirige une agence de voyages, Myanmar Shalom, qui tente de relier les touristes juifs du monde entier à leurs coreligionnaires birmans.
Cela fait des années que la synagogue n’a pas de rabbin à plein-temps, même si l’envoyé Loubavitch de Bangkok visite Yangon plusieurs fois par an. Le simple fait de rassembler un minyan est un défi, puisque seuls 20 Juifs vivent à Yagon, si on compte le personnel de l’ambassade d’Israël. Mais la famille Samuels ne désespère pas de pouvoir rester et faire survivre cette microcommunauté juive.
A la question du fort risque de mariages mixtes, Samuels, père d’un fils et de deux filles, répond : “J’arrangerai les mariages des filles. Leurs maris ne doivent pas être nécessairement orthodoxes mais juifs.”
Moussmeah Yeshouah sert également de lieu de découverte du judaïsme et d’Israël pour des audiences birmanes, que Mayer accompagne régulièrement. La synagogue est l’un des 188 sites de la liste du patrimoine du Conseil pour le développement de la municipalité de Yangon. Une cérémonie commémorative de la Shoah se tient également, tous les ans, en partenariat avec l’antenne locale de l’ONU et les ambassades française et allemande.
Israël ne fournit pas d’aide financière à la communauté, sauf en cas de désastre, comme les cyclones récurrents. Mais les Juifs de Yangon reçoivent de l’argent d’organisations privées, et l’ambassade d’Israël, qui reste en contact étroit avec la communauté juive locale, peut demander une aide gouvernementale si besoin.