Sommet Obama-Netanyahou : le Proche-Orient sur la sellette

Obama a posé le pied sur le sol israélien pour 2 jours : le temps pour Israël et les Etats-Unis d’accorder leurs violons pour une stratégie commune.

Uzi Arad 390 (photo credit: REUTERS/Gil Cohen Magen)
Uzi Arad 390
(photo credit: REUTERS/Gil Cohen Magen)
Dans la saga des relations israélo-américaines, ce qui monopolisele plus souvent l’attention, ce sont les turbulences qui agitent le coupleObama- Netanyahou. Les plus tendres parlent de montagnes russes ou d’un manqued’atomes crochus. Pour les plus féroces, c’est-à-dire la plupart des grandsmédias, ils se détestent copieusement. Le blâme en revient unanimement àNetanyahou. Pour avoir soutenu officiellement la candidature de Mitt Romneydans sa course pour la Maison Blanche, lors de la dernière campagne électoraleaméricaine, lui reprochent certains. Or, comme Stephen Colbert, l’humoristepolitique américain, l’a dit à l’ambassadeur israélien Michael Oren, dans uneinterview : « Netanyahou voulait l’autre type. C’est clair. Il faudrait êtreaveugle pour ne pas le voir. Du coup, ça va être chaud pour lui, parce qu’Obamafait encore un tour de piste et peut lui dire : t’as misé sur le mauvaischeval, Bibi ».
Ouzi Arad a assisté aux réunions Obama-Netanyahou, en tant que conseiller à lasécurité nationale les deux premières années du deuxième mandat du Premierministre. Au contraire de l’humoriste, il ne voit dans le soutien deNetanyahou, aucune maladresse propre à invalider les relations entre les deuxhommes. « A quoi reconnaît-on un grand homme d’Etat ? A sa capacité à laisserde côté ses griefs personnels », a-t-il souligné dans une interview, en margede la Conférence de Herzliya, les 11 et 14 mars derniers.
Trahir les secrets d’alcôve, ce n’est pas le genre d’Arad. Lui qui collectionneles casquettes prestigieuses : conseiller à la sécurité nationale de 2009 à2011, conseiller à politique étrangère au cours du premier mandat de Netanyahoudans les années 1990, il a également passé 25 ans au Mossad, à la tête desservices de renseignement. Nul doute qu’il aurait des wagons d’histoiresjuteuses à raconter. Mais ce n’est pas son genre de les partager, justement. Ets’il a pris la peine de prendre la plume, ce n’est pas pour raconter sesmémoires personnelles, mais plutôt pour signer un livre sur l’histoire desgrandes décisions au sommet de l’Etat et son rôle dans l’organisation et lerenforcement du Conseil national de sécurité.
Nécessité fait loi 
Pas du genre à passer aux aveux donc et à étaler au grandjour la teneur des rencontres Obama-Netanyahou. Néanmoins, il confie que nousdevons nous attendre à des surprises, quant à la capacité des deux hommes àsurmonter leur crise conjugale. Pour l’un et l’autre, c’est la politique etl’obligation de résultats qui priment sur tout le reste. Netanyahou vient de leprouver lors du marathon pour former une coalition. Et il n’est que de sesouvenir qu’Obama et Hilary Clinton, eux aussi, ont réussi à établir unerelation de travail fructueuse, après avoir été des adversaires sans pitié,lors des primaires en 2008 avant la course aux présidentielles.
Par la suite, l’intérêt national les a rappelés à l’ordre et ils sont devenusde proches collaborateurs. Nécessité fait loi.
Le message d’Arad est donc simple : il en ira de même entre Obama etNetanyahou. Ils ne seraient pas arrivés là où ils en sont s’ils étaient tropsusceptibles. Pour assumer ses fonctions avec efficacité, tout dirigeant doitêtre capable de laisser ses émotions de côté.
« Dans nos sociétés démocratiques, nos leaders doivent savoir accepter d’êtredans la ligne de mire. Ils ont des comptes à rendre. A la fin d’une session detravail, chacun a de quoi admirer les compétences de l’autre et trouve matièreà le respecter », analyse Arad avant d’ajouter : « Ils viennent tous deux deremporter un nouveau mandat, qui n’était pas gagné d’avance, ni pour l’un nipour l’autre. Et le succès électoral est une donnée qui intime au respect ».
Arad est aujourd’hui chercheur et conférencier au centre interdisciplinaire deHerzliya, plus précisément à l’institut national Lauder, spécialisé dans lesétudes en diplomatie et stratégie. De plus, il vient d’être désigné pourprendre la succession de Shlomo Gazit, l’ancien chef des renseignementsmilitaires, au poste de président d’un département d’études en défensestratégique. Département dédié à l’histoire de la sécurité nationale d’Israël.Très récemment, il s’est également vu proposer de remplacer Ouzi Dayan, ancienconseiller à la défense nationale, pour prendre la tête d’un groupe dediscussion appelé « Conseil à la sécurité et la défense d’Israël ». Conseildestiné à réunir politiques, universitaires et hommes d’affaires pour échangeren matière de sécurité.
Comme si ce n’était pas assez, Arad chapeaute un projet destiné à faire serencontrer les élites du pays. Leur but est de plancher sur les nouveaux défisauxquels le pays doit faire face, pour y répondre avec des idées fraîches :étudier les leçons du passé pour promouvoir l’avenir. Arad a à coeur d’honorerces fonctions, tant il croit en l’importance des stratégies à long terme, dansun pays qui a tendance à gérer les crises au coup par coup.
Sur le terrain de Netanyahou 
Il est crucial pour le sommet Obama-Netanyahou queles deux hommes voient clair dans les divergences d’intérêts qui les animent àpropos du Proche-Orient : « Les Etats-Unis sont concernés par les turbulencesqui secouent la région, mais Israël est dans l’oeil du cyclone », fait-ilremarquer.
Leur cahier des charges comprendra l’Iran, la Syrie, les Palestiniens,l’Egypte, les pays du Golfe, la Turquie, et la Jordanie. Obama et Netanyahoudoivent s’entendre sur une politique et s’accorder sur des actions coordonnées.Leurs stratégies respectives devront être comprises et validées.
Au-delà de la compréhension, il s’agit d’organiser la répartition des tâches :se mettre d’accord sur où et comment agir. Et savoir s’abstenir si besoin. Lespourparlers avec les Palestiniens ont ceci d’unique : ils se déroulent sur leterrain de Netanyahou, sur le sol israélien. Obama est hors de sa routinequotidienne. En tant qu’invité, il n’a pas d’autres obligations qui pourraientlui occuper l’esprit.
Arad doute fort que la priorité sera la question des Palestiniens. Il faut êtrepragmatique et admettre qu’une solution miracle ne va pas pouvoir être tirée duchapeau, ditil.
Et ce, dans la mesure où le Hamas tient Gaza d’une main de fer, avec pourconséquence un durcissement du Fatah, côté Autorité palestinienne.
Les paramètres de l’époque Clinton ont changé, insistet- il. A l’époque,l’ordre du jour était le retrait des territoires disputés à 95 % et le partagede Jérusalem.
Mais au moment des accords d’Oslo, personne ne pouvait imaginer que le Hamas,armé jusqu’aux dents, aurait un jour la mainmise sur Gaza. Une visioncauchemardesque qui est devenue réalité.
Une impasse, selon l’expert. Néanmoins le statu quo est dangereux. Aradpréconise donc « d’explorer la sphère des faisabilités » et recommande « demettre tranquillement un pied devant l’autre, en évitant de faire pression etsur Israël et sur les Palestiniens. » Il met l’accent sur le fait qu’il doit yavoir réciprocité dans toute avancée : « Personne n’est en droit d’attendrequ’Israël fasse un geste, sans qu’en face, il en soit fait un autre en retour.L’unilatéralité a fait son temps.
Nous sommes aujourd’hui plus vieux et plus sages. Nous voulons une route à deuxvoies ».
L’Iran dans le collimateur d’Obama 
D’après Arad, Obama n’a pas l’intention delaisser l’Iran se doter de l’arme nucléaire pour ensuite se trouver dans lasituation où il faudrait l’empêcher de s’en servir. Il a l’intention de stopperl’Iran avant le seuil critique. Et il en a les moyens. Il n’y a aucunindicateur qui laisserait à penser que la politique américaine en la matière achangé. « Obama a des convictions, et il s’y tient. Il est prêt à dégainer,quand bien même cette décision ne ferait pas l’unanimité au sein de l’opinionpublique américaine », déclare-t-il.
Arad reconnaît qu’Israël et les Etats-Unis ne s’accordent pas en tout point surce dossier sensible, mais il minimise les dissonances. Il n’en recommande pasmoins à l’Etat hébreu d’écouter ce que son allié aurait à lui dire sur lesujet, plutôt que de se braquer sur ses positions.
A l’heure qu’il est, il n’est pas dit encore que la diplomatie échouera dans ledossier iranien. Tout n’est pas joué. Ce qui est sûr, c’est que l’Iran avec labombe nucléaire ne sera pas, pense l’expert. A bon entendeur…