Allah est un sioniste

Surprise : le Coran fait explicitement référence à une présence juive en Israël. Les élus israéliens feraient bien de mémoriser ces versets providentiels

P 10 11 150 (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)
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(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)

La plupart des gens ignorent tout de l’existence d’une communauté de cent familles juives sur le mont des Oliviers à Jérusalem.

Au cours de la première année de mon installation à Maale Hazeitim, dans le quartier à dominance arabe de Ras el-Amoud, j’allais faire mes emplettes dans les magasins arabes voisins, avec l’espoir de nouer des relations, de créer des liens.
J’ai grandi à Haïfa dans un quartier mixte juif et arabe, où je jouais avec les gamins arabes et ma mère m’envoyait à la boutique arabe du coin acheter du café ou du sucre avant même l’âge de la maternelle. Mon nouveau quartier, cependant, n’a rien à voir avec le Haïfa des années 1980. Dans le Jérusalem-Est de 2012, au lieu de la coexistence chaleureuse de mon enfance, j’ai été repoussé par les commerçants, qui m’ont fait sentir sans ambiguïté possible que je n’étais pas le bienvenu.
Certains étaient anti-Israël et anti-juifs. D’autres non, mais avaient tout simplement peur des réactions de la société arabe autour d’eux.
Etre arabe n’est pas de tout repos de nos jours : cela implique de vivre dans une société prompte à critiquer vos moindres faits et gestes. Quand je serre la main d’un voisin arabe, je le vois lancer un regard affolé autour de lui pour s’assurer que personne ne l’a vu. Parce qu’ici, fraterniser avec un Juif (en particulier un « colon ») équivaut à une trahison.

La propagande du Fatah et du Hamas, les organisations arabes locales dominantes, répandent toutes les deux des idées selon lesquelles les Israéliens sont des étrangers, qui volent les terres arabes, dépourvus  en sus de toute valeur humaine pour racheter leurs défauts. Tout le monde doit se rallier à ce principe même si, en privé, certains vous diront qu’ils ne sont pas d’accord.

« Allah vous aime beaucoup »
J’ai cependant réussi à marquer des points. Pas en me faisant des amis ou en réalisant des percées importantes, malheureusement, mais plutôt en parvenant à récuser la rhétorique déshumanisante toxique que mes voisins arabes se plaisent à répandre.
Comment suis-je venu à bout de la notion qui considère Israël comme un intrus étranger et les Juifs comme des voleurs de terre ? Je parle à Dieu.
Un jour, je faisais du jogging sur le mont des Oliviers et je me suis arrêté pour prier minha, la prière de l’après-midi, dans un parc donnant sur le mont du Temple, à proximité du campus de l’université Brigham Young.
Je me tenais debout dans un coin isolé, en pleine méditation silencieuse, quand deux jeunes Arabes se sont approchés, menaçants, et ont interrompu ma prière, affirmant tout de go que je n’avais rien à faire ici.
C’était une situation pour le moins dangereuse : ils étaient plus nombreux que moi, nous étions seuls, et une violence sourde perçait sous leurs attitudes. Mais, comme j’ai grandi avec des Arabes pendant une grande part de ma jeunesse, j’ai décidé d’entamer le dialogue. Je leur ai dit que c’était un parc public, administré par la municipalité de Jérusalem, et que j’avais le droit de prier ici comme bon me semble. Ils ont reconnu ce fait à contre-cœur, mais ont insisté : pour eux, je n’avais pas le droit de prier en direction du mont du Temple, car il s’agit d’un site musulman. J’ai répondu que les musulmans prient vers la Mecque, alors que le Haram est le lieu historique de deux Temples juifs et le point de mire de toute prière juive. Rageusement, ils m’ont demandé si j’avais l’intention de tuer des Arabes pour construire le Troisième Temple. Je leur ai rétorqué que nous, les Juifs, ne sommes pas là pour tuer les Arabes, et que s’ils voulaient assister à des assassinats en masse, ils n’avaient qu’à aller visiter un pays arabe tout proche, comme la Syrie. Cela a eu le don de les énerver et j’ai réalisé que c’était le moment de passer à l’offensive.
« Vous savez, Allah vous aime beaucoup ! », ai-je déclaré à ces adolescents soudain perplexes. « Allah vous a donné 22 Etats arabes, gorgés de pétrole. Allah doit vraiment vous aimer ! Et de la même façon qu’Il vous a donné toutes ces terres, Il nous a aussi donné Israël et Jérusalem. Comment pouvez-vous expliquer tout cela autrement ? » D’un geste de la main, j’ai désigné à l’ouest le magnifique panorama de Jérusalem, avec ses nombreuses grues à l’horizon, en pleine construction pour la prochaine génération. « Comment avons-nous pu bâtir tout cela ? Est-ce que nous, les Juifs, sommes meilleurs que vous ? Plus nombreux que vous ? Plus puissants que vos six armées arabes ? Sommes-nous plus riches que vous ? Nous ne sommes rien ! « Koullou min Allah! » C’est la volonté de Dieu que nous, les Juifs, soyons sur cette terre, en dépit du reste du monde. Allah vous a donné beaucoup, mais Al-Qods [Jérusalem] c’est à nous qu’Il l’a donnée ! » Cela a eu un effet étonnant sur mes interlocuteurs arabes. L’expression de leurs visages s’est instantanément transformée : la grimace initiale de colère et d’agressivité a laissé place au calme placide d’un visage enfantin. Sans un mot, ils m’ont tourné le dos et sont partis.
Le sionisme coranique
Depuis, j’ai utilisé ce même argument avec d’autres Arabes, et j’ai toujours observé le même type de réaction. Pourquoi ? Parce qu’au lieu d’être dans l’agressivité, de mettre en avant la supériorité militaire d’Israël par rapport aux faibles armées arabes, je suis parti d’un principe profondément ancré dans la théologie musulmane : la soumission à la volonté de Dieu. Pas la Shoah, pas l’Histoire, pas le droit international, mais seulement la volonté d’Allah.
Plus surprenant encore, un autre principe musulman sous-jacent dans mes propos a le don de fissurer la façade intransigeante de mes cousins : le sionisme coranique.
Oui, vous avez bien lu. Au moins quatre versets du Coran mentionnent l’idée que le peuple juif sera réuni en terre d’Israël « à la fin des temps ». La sourate 17, verset 104 par exemple : « Et puis, Nous [Allah] avons déclaré aux enfants d’Israël : « Vivez en sécurité en Terre Promise. Et quand viendra le dernier avertissement,
Nous vous ferons venir en foule rassemblés du sein de différents pays... »
Un long article Wikipedia intitulé Muslims supporters of Israel (non traduit en français)  mentionne des liens vers les penseurs et religieux du monde musulman qui lisent ces versets littéralement. Voici quelques citations : Tawfik Hadid est un médecin égyptien qui prône un islam pacifique et compréhensif. Dans un article intitulé
Pourquoi j’aime Israël, il affirme que, selon le Coran, Dieu a donné aux Israélites la Terre d’Israël comme leur Terre promise.
Khaleel Mohammed est professeur agrégé de religion à l’université d’Etat de San Diego et membre du corps professoral de son Centre d’études islamiques et arabes. Mohammed met en avant la sourate 5, verset 21 comme preuve qu’Israël appartient aux Juifs. « [Moïse dit] : O mon peuple, entre dans la Terre sainte que Dieu a décrété pour toi, et ne te révolte pas, de peur que tu ne perdes tout. »
Quant à Abdoul Hadi Palazzi,  secrétaire général de l’Assemblée musulmane italienne, et le Khalifat pour l’Europe de l’Ordre Soufi Qadiri, co-fondateur et co-président de l’association Islam-Israël, il écrit : « Le Coran précise que la terre d’Israël est la patrie du peuple juif, que Dieu lui-même lui a donné cette terre en patrimoine et lui a ordonné d’y habiter. Il annonce également que – avant la fin des temps – le peuple juif viendra de différents pays pour reprendre possession de cet héritage qui est le leur. Quiconque nie ce fait nie le Coran lui-même. »
Oser parler théologie
Ces voix sont certes rares, mais elles montrent bien qu’Israël et l’islam ne sont peut-être pas aussi incompatibles que certains religieux iraniens et saoudiens d’aujourd’hui veulent bien nous faire croire. (En fait, lors de la Conférence de paix de Paris en 1919, Chaim Weizmann et l’Emir Fayçal, fils du chérif Hussein de La Mecque et futur roi d’Irak, ont signé un protocole d’accord statuant que les Juifs soutiendraient l’indépendance arabe et que les Arabes soutiendraient un Etat d’Israël juif en Palestine !) Bien sûr, je ne prône pas le laxisme vis-à-vis du Djihad. Pas du tout. Mais, si les porte-parole israéliens mémorisaient ces versets du Coran et s’appuyaient sur les valeurs musulmanes de soumission à Allah, ils auraient en main un outil puissant pour faire du chemin auprès des populations, négociateurs et diplomates arabes. Cela donnerait également aux intellectuels et religieux musulmans la possibilité de commencer à parler en faveur de l’acceptation musulmane d’Israël. Après tout, c’est dans le Coran.
Seul hic, pour parler efficacement de soumission à la volonté d’Allah, il faut sincèrement croire que Dieu a, en effet, donné la terre aux Juifs. Hélas, la plupart des hommes d’Etat israéliens ne se sentent pas à l’aise avec cette idée. Ils sont bloqués dans un état d’esprit laïc occidental et écartent toute trace de pensée théologique de leur discours politique. C’est dommage, car la théologie est la langue officielle du Proche-Orient. En restant muets sur la question, ils laissent les djihadistes libres d’interpréter la parole de Dieu à leur guise. Et, malheureusement, leur Dieu n’est pas sioniste. 
Yishaï Fleisher est un journaliste presse et radio Américano-israélien. Il anime chaque semaine une émission de débat sur Galey Israel.