De père en fils

Sur les traces de son père. Ronny Basson a en héritage le talent culinaire de son père Moshé. Mais il veut désormais se faire un prénom.

P22 JFR 370 (photo credit: Marc Israel Sellem)
P22 JFR 370
(photo credit: Marc Israel Sellem)

Enfant, RonnyBasson avait en horreur le couscous de son père, qu’il avait ainsi rebaptisé« nourriture pour oiseau ». Aujourd’hui, à 27 ans, il est à son tourdevenu chef. Et comble du paradoxe, il a bâti sa renommée à partir del’innovant couscous au boulgour et de l’héritage culinaire du célèbre MoshéBasson, qu’on ne présente plus.

Originaire deJérusalem, Basson a remporté pour la seconde fois une compétitioninternationale qui a pour vocation de sacrer le meilleur couscous. Sonsecret ? Un mélange d’ingrédients qui sortent de l’ordinaire – lavande,sirop d’hibiscus et de sauge, ou encore ricotta – le tout combiné dans unerecette dérivée du couscous au boulgour de son père. Résultat : un platsavoureux au nom évocateur, « Harmonie » qu’il a concocté avec sonacolyte des fourneaux, Boaz Cohen.

La compétition,légitimement baptisée le Festival du Cous Cous de San Vito Lo Capo en Italie, arassemblé des équipes issues de neuf pays du 24 au 29 septembre dernier.Aux côtés d’Israël, concouraient donc l’Italie, l’Egypte, le Maroc, laPalestine, le Sénégal, la Tunisie, la Côte d’Ivoire et les Etats-Unis.

Basson détaillesa recette. La lavande, un arôme pourtant fort, explique-t-il, assure aucouscous toute sa fraîcheur et légèreté. Un ingrédient qu’il considère commeprimordial. Le sirop de sauge et d’hibiscus, lui, engage les papillesgustatives.

Quant à laricotta, étalée sur un poisson blanc d’accompagnement, elle constitue la touchefinale qui allie les héritages culinaires siciliens et israéliens. En Italie,elle est généralement utilisée pour les desserts. Son mélange italo-israélien,qui, dit-il, a surpris les palais italiens en particulier, a été loué par lejury du concours. Les membres ont déclaré avoir été séduits par l’allianceharmonieuse des textures et saveurs, chacune d’elle se révélant à sa justevaleur.

Dans le respect dela tradition

Avec soncouscous, Basson prolonge la tradition initiée par son père. Peu de temps aprèsavoir remporté lui-même le Festival du Cous Cous en 1999 en utilisant unféculent, la semoule de couscous, Moshé Basson commence à utiliser du boulgourtrès fin. Ingrédient, qui, pour les deux chefs père et fils, a pour avantaged’être plus granuleux et d’apporter un goût relevé.

Si Moshé, réputépour ses plats qui allient cuisine moderne et traditions bibliques, a décidé depasser au boulgour, c’est qu’il s’agit, selon lui d’un ingrédient local, déjàutilisé pour le couscous à Jérusalem à l’époque du Second Temple.

C’est à partir duplat créé par son père que Ronny a poussé l’innovation un grain plus loin, enconcevant son « couscous du roi Salomon », qui lui a permis deremporter son premier Festival du Cous Cous, en 2007. Outre le boulgour, Bassonutilise d’autres ingrédients ruraux et anciens, comme notamment la purée depotiron et les pois chiches. Sa marque de fabrique qu’il continue de servirdans le restaurant familial du clan Basson à Jérusalem, Eucalyptus.

Mais aujourd’hui,Basson fils aspire à s’affranchir des coutumes paternelles qui consistent àrevisiter d’anciennes recettes bibliques. Il aspire à innover à partir de platsissus de la cuisine traditionnelle.

Son succès auFestival du Cous Cous confirme qu’il est sur la bonne voie. Les jurés ontdécrété qu’il avait préparé là quelque chose de « nouveau » et« original », très loin du classique couscous aux légumes, viande oupoisson, qui a fait le tour du monde.

Après avoirouvert un établissement au Canada, à Halifax, qu’il a géré pendant 6 mois, cequi lui a permis de « se jeter à l’eau », Basson fils est revenu enTerre sainte. Et salue les capacités créatrices de son père plus que jamais.

S’il veut volerde ses propres ailes, il sait qu’il a aussi beaucoup à apprendre de songéniteur, aussi baptisé « l’archéologue culinaire ».

Certes, père etfils affichent parfois des vues divergentes quant à l’avenir de leursrestaurants. Si Moshé se concentre sur la cuisine biblique et des plats qu’ilpioche dans les textes juifs sacrés, Ronny, lui s’intéresse à mixer lagastronomie traditionnelle avec la cuisine moléculaire. Mais tous deux ont uneambition commune : préserver le passé.

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