Dessiner l’horreur

Helga a 12 ans lorsqu’elle est déportée avec ses parents dans le camp de Terezin. Elle consigne tout dans ses cahiers, sous forme de dessins

P23 JFR 370 (photo credit: screenshot)
P23 JFR 370
(photo credit: screenshot)

Le camp de Terezin ouvre ses portes le 24 novembre 1941 dans la ville de Theresienstadt. Les conditions de vie dans le ghetto sont extrêmement difficiles. Sur une surface qui pouvait accueillir jusqu’à 7 000 personnes, environ 50 000 Juifs sont rassemblés en 1942. La nourriture y est rare, environ 16 000 personnes meurent de faim. Parmi elles : Esther Adolphine, une des sœurs de Sigmund Freud, qui décède le 29 septembre 1942. De nombreuses personnalités passent par le camp de Terezin et beaucoup y trouvent la mort : des écrivains, des peintres, des scientifiques, des juristes, des musiciens, des universitaires ou des diplomates. Comme Robert Desnos. Parmi les 140 000 Juifs déportés à Terezin, 90 000 sont ensuite déportés vers les camps de la mort. 33 000 meurent dans le ghetto à cause de la famine, du typhus, ou d’autres maladies.

En 1943, 500 Juifs du Danemark sont emmenés à Theresienstadt, et cette déportation aura une conséquence importante : le gouvernement danois, à l’inverse des autres gouvernements européens, insiste pour que la Croix-Rouge ait accès au ghetto. Les nazis autorisent. De faux magasins et cafés sont construits. Une partie de la population du ghetto est déportée, pour éviter une surpopulation. Les Danois sont installés dans des pièces fraîchement repeintes. La supercherie des nazis est un vrai succès, si bien que ceux-ci décident même d’y tourner un film de propagande sous la direction de Kurt Geron. Bien sûr, le réalisateur, ainsi que tous les membres de l’équipe du film, sont déportés à Auschwitz. Le film n’a jamais été diffusé à l’époque, mais découpé en plusieurs morceaux destinés à la propagande, dont seuls quelques fragments subsistent aujourd’hui.

Les enfants de Terezin

La communauté de Terezin veille à ce que tous les enfants poursuivent leur scolarité. Des cours y sont organisés, ainsi que des pièces de théâtre. 15 000 enfants en bénéficient, et environ 150 survivent. Parmi eux, Helga.

Certains pourraient penser : encore un journal de jeune fille, comme celui d’Anne Frank. Toutes deux sont nées la même année, en 1929. Toutes les deux ont écrit et décrit leur calvaire. Mais la différence s’arrête là. Anne Frank était cachée, Helga déportée. Anne n’est pas rentrée, Helga oui.
Helga a huit ans lorsqu’elle commence son journal. Nous sommes en 1938 et les nazis ont envahi Prague, les écoles ont fermé, son père alors employé de banque perd son travail, et toute sa famille est confinée dans un appartement. Les déportations commencent et, un par un, les amis d’Helga sont déportés. Les convocations arrivent, tous se préparent. Ils avaient droit à 50 kilos de bagages, et trois jours pour tout préparer. « Allez, ça y est, mais n’ayez pas peur, c’est seulement Terezin ». Vite prévenir la famille, les amis, laver le linge, préparer les valises…
Le 5 décembre 1941, Helga et ses parents arrivent au camp. Ils y resteront trois ans. Et Helga raconte. La faim, la maladie, le travail, les souffrances, mais également les moments de joie, l’espoir. La séparation d’avec ses parents, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, et enfin les enfants par tranche d’âge. Les cours pour les enfants, les pièces de théâtre, les différents ateliers, le travail… Helga écrit et dessine pour obéir à la prière de son père : « Dis-leur ce que tu vois ».
Le 30 septembre 1944, son père fait partie de la « deuxième tournée ». Mais il y a trop d’hommes, alors il retourne au ghetto. On « invite 500 femmes à se porter volontaires pour partir avec les mille hommes restants ». Il n’a pas voulu emmener sa femme et sa fille, qui finalement l’accompagnent le 1er octobre 1944 vers son convoi. C’est la dernière fois qu’Helga verra son père. Le 4 octobre, c’est au tour d’Helga et de sa mère de partir, vers Auschwitz cette fois.
Avant son départ vers l’est, Helga confie ses cahiers à son oncle, qui avait la chance d’avoir un travail « tellement particulier qu’il en devenait réellement indispensable : c’était lui qui tenait les registres des effectifs ». Après la guerre, il retourne à Terezin, il sait où sont cachés les cahiers, et les remet à Helga.
Le 21 mai 1945, Helga vêtue d’une robe propre « cousue main dans un drap SS », retourne à Prague, en compagnie de sa mère.
Un livre vérité, un livre authentique rempli d’émotion. A recommander. Attendez-vous à le voir un jour au cinéma. Il mérite autant de succès que le journal d’Anne Frank. 

Le journal d’Helga, Helga Weissova, éditions Belfond

© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite