Et ils se marièrent... en Israël !

Rares ne sont pas les jeunes couples qui font le choix de se marier à l’étranger par principe antireligieux

Mariage (photo credit: DR)
Mariage
(photo credit: DR)

Quand Michelle Rojas-Tal,immigrante de New York, s’est fiancée à Oran Tal, un Sabra, le couple s’est misen quête d’une façon de célébrer le mariage conformément à ses besoinsreligieux et spirituels. Sionistes convaincus vivant à Jérusalem, ils sontallés ouvrir un dossier au rabbinat local et ont constaté qu’on leur assignaitun rabbin non sioniste. Furieux, ils se sont alors tournés vers Tzohar,association fondée en 1996 et basée à Lod, qui propose aux couples, quelles quesoient leurs convictions religieuses, une cérémonie légale et conforme à laHalakha, et qui prendra leurs demandes spécifiques en considération. Nachman Rosenberg, vice-président de l’association, présente Tzohar comme unorganisme qui s’est donné pour mission de préserver le caractère juif de l’Etatd’Israël en rapprochant les sociétés religieuses et laïques, d’enrichir laculture israélienne de valeurs juives et de plaider pour un Grand Rabbinat plusouvert et plus efficace qui accepterait l’intervention de rabbins issus dumilieu sioniste religieux.

Grâce aux 1 000 rabbins bénévoles de Tzohar, se félicite Rosenberg, plus de 3000 couples par an, dont la plupart se définissent comme laïcs, choisissent decélébrer leur mariage par une cérémonie juive et en Israël, au lieu decontracter un mariage civil à l’étranger. Certes, le phénomène existe toujours (plus de 5 000 Israéliens s’envolentchaque année vers Chypre ou Prague pour se marier civilement), mais de plus enplus de couples se tournent désormais vers Tzohar en vue de faire l’expérienced’un vrai mariage juif traditionnel. Le principal problème que posent les mariages civils à l’étranger, explique lerabbin David Stav, président et cofondateur de Tzohar, c’est que, si l’Etatd’Israël les reconnaît pour des raisons juridiques, il ne les reconnaît pas dupoint de vue de la Halakha. De sorte que 20 ans plus tard, quand les enfants deces couples veulent se marier, ils ne peuvent pas présenter la Ketouba de leursparents et ne sont donc pas considérés comme juifs par Israël. “En d’autres termes”,conclut Stav, “Israël est en train de perdre de plus en plus de Juifs parassimilation juste sous son nez !” Stav ne dispose pas des chiffres exacts,mais selon lui, le nombre d’enfants qui rencontreront des difficultés le jouroù ils voudront se marier à leur tour est en train de croître “dans desproportions astronomiques.”
Ne pas ouvrir la boîte de Pandore 
“Au cours des 20 dernières années”, renchéritRosenberg, “le Grand Rabbinat a été pris d’assaut par des segments nonsionistes de la population qui n’ont pas une approche tolérante de la Halakha.A sa création, le Grand Rabbinat avait pour mission d’établir un pont entre lesdifférentes communautés, et non d’imposer les convictions d’une branche extrêmeà toute la société, dont la majeure partie n’est pas pratiquante. C’est ungrave problème dans un pays comme Israël, où il n’y a pas de séparation entrela religion et l’Etat.” L’approche de Tzohar est très différente, explique Stav. “Nous ne voyons pas les gens qui viennent frapper à notre porte comme des êtressoumis qui entrent dans une administration, mais comme des clients. Notretravail consiste à les inciter à maintenir un lien avec leur héritage juif.Notre objectif est de convaincre chaque homme et chaque femme qui franchit leseuil de nos bureaux.” Pour Avi Blumenthal, porte-parole du Grand Rabbin ashkénaze Yona Metzger,l’action de Tzohar “part d’une bonne intention et son travail est louable.” Etd’ajouter que, parfois, le problème ne vient pas de l’intention, mais de laméthode.
“Laisser le champ libre à Tzohar en dehors du rabbinat, c’est ouvrir une boîtede Pandore”, proclame-t-il. “Si Tzohar est autorisé à assurer l’enregistrementdes mariages - même si le rabbinat reconnaît que la plupart des rabbins qui luisont affiliés sont de grands érudits en matière de Torah - qu’est-ce quiempêchera par la suite d’autres groupes de venir affirmer qu’ils sont eux aussiqualifiés pour célébrer leurs propres mariages ?” Blumenthal estime cynique lafaçon dont Tzohar utilise ce qu’il appelle la presse laïque et son système derelations publiques pour donner une mauvaise réputation au Grand Rabbinat, cequ’il considère comme non moins qu’une désacralisation du nom de Dieu. “Tzohar opère dans le cadre légal et selon les directives du rabbinat”, protesteRosenberg, “et il ne doit pas être traité différemment des nombreusesorganisations haredi d’Israël.”
La seule alternative au mariage civil 
Il ajoute que, pour beaucoup de couples,Tzohar est la seule alternative au mariage civil. Ces 15 dernières années, sesbénévoles ont uni plus de 7 000 jeunes hommes et femmes laïcs et ont fait plusque toute autre organisation en Israël pour promouvoir le mariage juif etempêcher l’assimilation. “Nous sommes très reconnaissants à la société israélienne pour le chaleureuxsoutien qu’elle nous accorde, par l’intermédiaire des médias nationaux, et nousespérons pouvoir continuer à servir loyalement la nation et l’Etat d’Israël”,conclut-il. Einav Zucman et Ira Peled viennent de se marier par l’intermédiaire de Tzohar.Ils vivent à Tel-Aviv. Ce sont des Juifs laïcs très éloignés de la religion,qui ont grandi dans des kibboutzim du Nord. Avant de découvrir l’existence deTzohar, ils envisageaient de partir se marier à l’étranger. “Nous avons trouvécette association sur Internet et décidé de tenter le coup”, explique Einav.
“Nous y sommes allés et nous avons rencontré des gens amicaux, accueillants etouverts, qui nous ont écoutés et ont veillé à être en phase avec ce que nousvoulions pour la cérémonie. Dès lors, nous avons été sûrs de notre décision. Le rabbin que l’on nous aattribué nous a expliqué le déroulement de la cérémonie et l’importance de laHouppa [le dais nuptial] et nous avons pu comprendre de quoi il étaitquestion.” Einav a eu droit, en outre, à des cours pour jeunes mariées, où elle a apprisles lois et les coutumes associées au mariage, comme le mikvé [bain rituel] etla pureté rituelle qui précèdent la cérémonie. Depuis, elle a transmis lescoordonnées de Tzohar à plusieurs couples d’amis laïcs qui avaient le projet dese marier à l’étranger.
Petits arrangements entre ennemis S’il est évident que l’organisation répond àune réelle demande du public, cela n’a pas empêché un groupe de rabbinsreprésentant des conseils religieux régionaux de lancer une initiative pour lacontraindre à fermer ses portes. “Cette animosité envers Tzohar et, par la mêmeoccasion, envers tous les rabbins sionistes religieux qui célèbrent desmariages, existe en fait depuis de nombreuses années”, explique Stav. “Quand uncouple arrivait dans son rabbinat local, celui de Tel-Aviv par exemple, pourfaire enregistrer son mariage, on lui demandait qui était son rabbin et quiavait donné les cours de préparation à la jeune mariée. Chaque fois qu’ilsrépondaient qu’ils étaient passés par Tzohar, le rabbinat local fulminait etrecommençait à solliciter le Grand Rabbinat du pays pour qu’il restreigne nosactivités.”
Il y a sept ans, le Grand Rabbinat a publié une liste de critères détaillantqui était habilité à célébrer les mariages. “Cette liste était ouvertementhostile aux rabbins sionistes”, affirme Stav. “On voulait retirer à la plupart d’entre eux l’autorisation de célébrer desmariages. Ces critères n’ont été appliqués que récemment. Tout à coup, nousavons alors vu le nombre de candidats qui venaient s’inscrire chez nousdiminuer en flèche et nous avons compris que le Rabbinat informait les jeunescouples que tout mariage célébré par Tzohar ne serait pas reconnu.” Toutefois, Stav et son association étant déterminés à poursuivre leur action,ils ont trouvé une faille juridique à ce nouveau règlement. “Nous avonsdécouvert que les rabbinats locaux privés des haredim Badatz avaient conclu desarrangements avec le Grand Rabbinat afin de marier des couples vivant hors deleur juridiction. Les critères du Grand Rabbinat stipulaient qu’un couple doits’inscrire soit dans la zone de résidence de la jeune fille, soit dans celle dujeune homme, mais ces groupes privés ne tenaient pas compte de cette règle.Alors nous nous sommes dit : puisque nous ne pouvons pas les combattre,rejoignons-les !” 
Naissance de la loi Tzohar 
Outre son rôle de président deTzohar, Stav est également Grand Rabbin de Shoham, une ville du centre du pays.Dès lors, il appelle les couples qui souhaitent un mariage de type Tzohar às’inscrire dans sa municipalité, quel que soit leur lieu de résidence. Résultat: plus de 1 000 inscriptions en 2010, et le double en 2011. De quoi déclencher une levée de boucliers dans les rabbinats locaux, qui seplaignent à leur Grand Rabbin, ainsi qu’au ministère des Affaires religieuses,dirigé par Yaacov Mergui (Shas). Très vite, Stav reçoit donc une lettre du ministère. Puisque Tzohar enfreint les règles en inscrivant à Shoham des couples qui nesont pas citoyens de la ville, l’organisation ne recevra plus de certificats demariage, expliquait le courrier. Une menace mise à exécution en dépit desnégociations qui s’ouvrent entre les deux parties. C’est ainsi qu’en novembre2011, Tzohar tient une conférence de presse visant à divulguer le projet duministère de lui faire fermer ses portes.
“Nous n’avons pas nié célébrer des mariages de couples venus de tout le pays”,explique Stav, “mais nous avons expliqué à la presse qu’en fait, la véritableintention des rabbinats locaux était de restreindre le nombre de rabbinssionistes non haredim (y compris des directeurs de grandes yeshivot et deschefs de communautés) autorisés à célébrer des mariages.” 48 heures plus tard,à la suite de gros titres et d’articles parus en une des journaux, depétitions, de milliers d’emails, textes et fax envoyés au ministère pourdéfendre Tzohar, et au coeur d’une campagne médiatique et sociale intense,Mergui annule sa décision de priver Tzohar des certificats de mariage etpropose d’explorer d’autres solutions. Le mois dernier, la Knesset a approuvé une proposition de loi soumiseconjointement par Kadima et Israël Beiteinou. Elle vise à annuler les restrictions géographiques pour les couples quisouhaitent se marier en dehors de leur juridiction. C’est la “loi Tzohar” qui, si elle est approuvée en deuxième et troisièmelectures, autorisera non seulement les couples à choisir leur rabbin, maisentraînera une amélioration de la qualité de service et une diminution desformalités administratives dans les rabbinats locaux.
Aimons-nous, les uns les autres 
Si l’on en croit son porte-parole, le ministredes Affaires religieuses n’a jamais eu l’intention d’interdire Tzohar. Ilaurait même travaillé en collaboration avec le député Kadima Otniel Schnellersur un avant-projet de la loi. Malgré ce qui apparaît jusqu’à présent comme une considérable et inébranlabledivergence d’opinions, des négociations productives semblent avoir eu lieuentre Stav et le Grand Rabbin Metzger. Selon Rosenberg, elles donneront le droitaux rabbins sionistes de célébrer comme les autres des mariages dans leurscommunautés, mettant ainsi fin à une décennie d’interdictions. Elles ont étéengagées à la suite d’une pétition adressée par un groupe d’avocats (et non parTzohar) à la Haute Cour de Justice contre le Grand Rabbinat, qu’elle accusaitd’imposer des restrictions aux activités de Tzohar. “Je sais que, si nous parvenons à nous parler en face, au lieu de laver notrelinge sale en public, nous réussirons à trouver des compromis”, a déclaréBlumenthal, optimiste. Michelle Rojas-Tal voue une immense reconnaissance à Tzohar, qui a rendu sonmariage inoubliable.
“Nous avons pu inclure une prière pour l’Etat d’Israël et une autre pour leretour de Guilad Schalit en bonne santé”, raconte-t-elle. “La cérémonie a étémagnifique, pleine de spiritualité et d’esprit sioniste. Le rabbin de Tzohar avraiment célébré un mariage qui nous ressemblait.” Elle s’interrompt un instant, puis ajoute : “Quand on se marie, la dernièrechose qu’on a envie de faire, c’est de passer son temps à régler des problèmesadministratifs, et Tzohar nous a énormément facilité les choses. Mais plus quecela, j’ai senti que cette organisation était vraiment extraordinaire : ellefaisait son travail sans arrière-pensées, juste pour aider les gens à accomplirdes mitzvot.” “Tzohar va de l’avant”, confirme Rosenberg. “Il cherche à rendre les autorités religieuses plus ouvertes au sionisme, plusefficaces, et à repenser le Rabbinat, afin de servir la vaste majorité du publicisraélien en toute bonne foi. Nous savons que c’est dans l’intérêt de toute la société, tant des haredim quedes religieux et des laïcs.”