La Ville blanche se met au vert

Le respect de l’environnement semble avoir fait son chemin dans les consciences.

P16 JFR 370 (photo credit: Abra Cohen)
P16 JFR 370
(photo credit: Abra Cohen)

Tel-Aviv n’est sans doute pas la première ville à laquelle on pensequand on parle de villes vertes.
Cependant, un mouvement croissant vers le développement durable etl’utilisation de bacs de recyclage, pistes cyclables et autres panneaux solairessont autant d’avancées notoires pour cette jeune centenaire surgie du désert,bâtie sur des dunes de sable au tournant du siècle dernier.
Connue historiquement comme la « Ville blanche » en raison de son imposantearchitecture Bauhaus aux murs blancs se découpant sur le bleu de laMéditerranée, Tel-Aviv s’emploie à devenir plus respectueuse de l’environnementet dispose d’un certain nombre de personnes d’influence qui se sont attelées àla tâche pour rendre la ville plus « verte ». Pour autant les efforts sont-ilspayants et Tel-Aviv peut-elle être présentée comme la cité plus écolo de larégion ? Les professionnels de l’environnement soulèvent diverses questions quidoivent être prises en compte quand on se préoccupe d’urbanisme vert : laplanification urbaine, les transports, le recyclage, la qualité de l’air et lesréserves naturelles au sein du paysage urbain (comme Central Park ou le Bois deVincennes) – autant d’indicateurs significatifs de la bonne santé d’une ville.
Certes on peut constater de réels progrès sur le plan des initiatives prises àTel-Aviv en matière d’écologie urbaine, mais, selon certains, la ville est à latraîne par rapport au niveau qu’elle aurait déjà dû atteindre.
Plus d’autos, mais des vélos 
En flânant le long du boulevard Rothschild, bordéd’arbres, dans le centre de Tel-Aviv, avec ses flots de verdure ombrageant lapromenade et ses multiples stations de location de vélos Tel-O-Fun, on pourraitpresque oublier que l’on se trouve au Moyen-Orient. Mais comme le remarque leProfesseur Alon Tal de l’université Ben-Gourion du Néguev, alors qu’il y a unmouvement réel vers des pratiques plus écologiques à Tel-Aviv, le bilan desanté de la ville reste mitigé.
Il attribue cela à « un manque général d’imagination » et à un programme dedéveloppement fort peu ambitieux. Tal, qui est à la tête des Verts, se base,dans son évaluation, sur des facteurs comme la qualité de l’air et lestransports.
Il cite par exemple le réseau cyclable qui, selon lui, pourrait être grandementamélioré. Si les locations de vélo Tel-O-Fun représentent un pas dans la bonnedirection, il estime qu’il faudrait deux fois plus de pistes cyclables si Tel-Aviv veut s’aligner sur le modèle européen.
« Le système de transport dans son ensemble obtient une très mauvaise note »,ajoute-t-il. Avec les autobus diesel polluants, le taux de pollution de l’airest très élevé par rapport aux grandes villes européennes et, un jour surtrois, la qualité de l’air est vraiment très mauvaise. Ajoutez à cela la «ligne rouge » de métro léger qui est encore loin d’être achevée et lesperspectives semblent plutôt sombres.
Malgré tout, les urbanistes disent travailler d’arrachepied pour adopter denouvelles réglementations visant à affermir la réputation de Tel-Aviv en tantque métropole verte.
Recycler, c’est gagner 
Gil Aroyo, directeur de l’assainissement à lamunicipalité de Tel-Aviv, rappelle qu’en 2010 Tel-Aviv était l’une despremières villes israéliennes à créer une usine de recyclage et à décider où etcomment recycler les déchets dans la région. « Ce n’était pas facile », préciseGil Aroyo, car il est absolument impératif de convaincre les résidents de lanécessité du recyclage.
« Une nouvelle génération voit le jour à Tel-Aviv et en Israël.
On constate ce qui se passe en dehors du pays et on se rend compte des effetsnocifs des déchets sur l’environnement. » Avec plus de cent récupérateurs àbouteilles en plastique sur les trottoirs de la ville et un comptoir de retourde bouteilles en verre, les telaviviens commencent visiblement à se mettre aurecyclage, bien qu’à un rythme assez lent. Alors que les bacs de recyclage sontignorés quotidiennement, la municipalité affirme que 15 % de tous les déchetssont aujourd’hui recyclés. Cependant de nombreux objets, recyclables dansd’autres pays, prennent encore le chemin de la poubelle au lieu d’êtrerécupérés.
Selon Hagar Spiro-Tal, directrice de l’antenne telavivienne de la Société pourla protection de la nature en Israël (SPNI), si l’on compare les statistiquesde recyclage de Tel-Aviv à celles du monde occidental, « nous sommes très enretard. Nous n’avons pas de poubelles de tri sélectif pour des matériaux commele verre et les canettes. » Et d’expliquer que pour un recyclage efficace, ilfaut pouvoir en faciliter l’accès. « Les gens ne veulent pas avoir d’efforts àfaire. S’ils doivent se mettre à la recherche des bacs de recyclage, ils vonttrès vite y renoncer », dit-elle.
La qualité de la vie étant directement liée aux questions environnementales, ils’agit là d’un sujet brûlant, puisque 90 % de la population israélienne résidedans des zones urbaines, selon la SPNI. Les initiatives écologiques et lesprogrammes de recyclage en Europe et en Amérique du Nord sont souvent perçuscomme leaders dans les domaines de la protection de l’environnement. Ainsi denombreux modèles occidentaux, qui ont retenu l’attention de la communautéinternationale au sens large en matière de recyclage et de développementdurable, sont-ils testés et mis en oeuvre à Tel-Aviv.
Cara Abrams-Simonton s’affiche comme la reine du recyclage et de laréutilisation. Pour cette Américaine de naissance, même si les stations derecyclage de quartier autour de Tel- Aviv sont extraordinaires, elles neprennent pas en compte de nombreux matériaux qui pourraient être recyclés,comme par exemple l’aluminium et le verre.
« Je trouve absolument merveilleux le fait qu’il existe aujourd’hui desconteneurs de récupération dans tous les quartiers à la disposition deshabitants », dit-elle. « Les gens semblent s’être habitués au recyclage desbouteilles, mais je me demande combien jettent encore leurs papiers et autresproduits recyclables à la poubelle. » qui habite Tel-Aviv depuis deux ans,estime que les bacs de collecte sélective sont certes importants, mais qu’ils devraientêtre installés à côté de chaque poubelle à Tel-Aviv, car les gens seraient plusà même de les utiliser. La jeune femme admet que parfois elle jette elle-mêmedes produits recyclables à la poubelle, parce qu’elle ne peut trouver unconteneur à proximité et qu’elle n’a pas toujours envie de se mettre à enchercher un.
Pour elle cependant, la collecte sélective concerne plus que les seulesbouteilles en plastique. « Chaque fois que j’ai quelque chose à donner, je lemets dehors sur un banc et je suis sûre que quelqu’un va le ramasser et enfaire bon usage. » Responsables de l’environnement et représentants municipauxsont convaincus que les articles déposés dans des bacs de recyclage sonteffectivement recyclés, bien que les infrastructures de recyclage soient ennombre limité, ce qui est pourtant un facteur important dans le développementdurable. « Nous sommes un petit pays et n’avons pas la place de stocker lesdéchets », déclare Gil Aroyo.
Côté jardins 
Pour Hagar Spiro-Tal, de nombreux petits pas sont faits dansplusieurs directions en termes de pratiques écologiques, le recyclage neconstituant pas une exception. « Les intentions sont bonnes, mais cela pourraitêtre beaucoup mieux », déclare-t-elle. Pourtant, par rapport à d’autres villesisraéliennes, elle estime que Tel-Aviv a pris de nombreuses initiatives enmatière d’environnement et que la demande des habitants qui souhaitent vivredans une ville plus verte est très importante. Elle met en avant deux exemplesqui prouvent que la cité travaille à un modèle plus durable : les projets dejardins communautaires et les bacs de compostage subventionnés.
Le premier projet concerne la mise en place de sept espaces verts à traversdifférentes villes du pays, le but essentiel étant de permettre aux quartiersdéfavorisés de s’impliquer dans la vie de la communauté.
Les trois jardins de Tel-Aviv sont situés dans la partie sud de la ville. Ilsont opté pour une approche populaire visant à responsabiliser les habitants enleur permettant de « se salir les mains ». Financé par la municipalité et laSPNI, le projet prévoit un programme parascolaire pour les jeunes à risque. Leshabitants constatent non seulement les résultats au niveau du jardincommunautaire, mais ils pratiquent en plus le jardinage durable et produisentune bonne partie de leur nourriture.
« La nature fait partie intégrante de la ville et avec un développement aussirapide, nous devons faire en sorte qu’elle y conserve toute sa place », préciseHagar Spiro-Tal.
Et d’ajouter que d’importantes initiatives ont été lancées ces dernières annéespour favoriser la prise de conscience des habitants en matière de pratiquesplus durables.
Mais les efforts doivent se poursuivre concrètement. Il est essentiel deveiller à ce que les zones urbaines possèdent des espaces de calme et detranquillité, déclare-t-elle, en soulignant les réussites de la région deTel-Aviv dans ce domaine avec le parc Ariel Sharon et le parc Yarkon.
Sous les pavés, la plage 
Un projet qui a retenu l’attention du grand public àTel- Aviv est le prolongement de la promenade Lahat qui relie la promenadeinférieure à celle du haut. Le littoral est une destination prisée destouristes comme des habitants, et la construction, qui a déjà commencé, alittéralement morcelé la plage, en rendant l’accès difficile. Cela faitvraiment peine à voir ! Pour le leader des Verts, ce projet montre une fois deplus que la ville privilégie les intérêts commerciaux à l’environnement. « Lacôte de Tel-Aviv est en train de se transformer en plage à péage »,déclare-t-il, non sans une pointe d’amertume.
Dan Lahat, conseiller dont le père a construit la promenade il y a 30 ans, suitle projet de près et se rend sur place tous les jours. Bien qu’il ait voté enfaveur de l’initiative, il souhaitait que la construction se fasse en deuxtemps, afin d’évaluer le projet à mi-chemin et d’examiner les résultats avantd’aller plus loin.
Selon lui, ce sont 6 % de la plage qui devraient disparaître au profit de lapromenade, mais sur sa partie arrière, la moins fréquentée.
Hagar Spiro-Tal, pour sa part, aime l’idée de relier les deux promenades, maisconstruire sur le sable est tout à fait contraire aux principes de la SPNI.Selon les statistiques, les Israéliens auraient aujourd’hui à peine quelquescentimètres de plage par personne.
Tandis que d’aucuns crient au scandale devant le grignotage du littoral si cheraux résidents, la ville s’emploie à réduire les émissions de dioxyde de carboneet à créer un modèle durable pour les normes de construction. Uriel Babczyk,directeur municipal de la construction écologique et du développement durable,note que les urbanistes collaborent pour réduire l’empreinte carbone dansdivers lieux. La ville s’est dotée de directives d’écoconstructionobligatoires, adoptées en 2011, qui affectent bâtiments publics et privés,hôtels, écoles et immeubles de bureaux inclus.
Développer les quartiers durables 
En plus des 600 000 m2 de bâtiments vertsdéjà achevés ou en cours de construction, la ville a signé une conventionvisant à réduire ses émissions de dioxyde de carbone de 20 % d’ici 2020. PourBabczyk, 67 % des émissions de carbone en Israël sont produites par laconsommation d’énergie dans les bâtiments. Respecter les normesd’écoconstruction permettra d’améliorer grandement les chances d’atteindre cetobjectif.
Les urbanistes préparent également le terrain pour l’établissement de quartiersdurables. En collaboration avec le centre Heschel pour la conception durable,la municipalité envisage un projet pilote à Bitzaron. Objectif : éduquer etresponsabiliser les habitants en créant un leadership au sein de la communautépour lancer des projets prônant une meilleure qualité de l’environnement.
Point positif : les enquêtes sur la consommation d’énergie illustrentadmirablement les efforts de la ville qui s’emploie à sensibiliser lescommunautés aux problèmes de consommation. « Nous créons un nouveau type delieu en collaboration avec le secteur privé, la municipalité et aussi leshabitants.
Jusqu’à présent cela fonctionne plutôt bien », se félicite Babczyk.
Si écologistes, urbanistes et membres du Conseil ont des idées différentes surce qui est nécessaire pour propulser Tel-Aviv vers un modèle écologique, touss’accordent cependant pour mettre l’accent sur l’éducation. Encourager la durabilité,les pratiques écologiques et un mode de vie basé sur le respect del’environnement : c’est assurément quelque chose que tout le monde doitapprendre. Comme le dit Hagar Spiro-Tal : « Tel-Aviv possède tout ce qu’il fautpour être la première ville verte du bassin méditerranéen ».