La recherche de la paix en héritage

Tekoa, communauté orpheline, pleure son leader spirituel. Visite d’une implantation en deuil.

1303JFR09 521 (photo credit: Ronen Zevulun/ Reuters)
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(photo credit: Ronen Zevulun/ Reuters)
Au coeur du Goush Etzion se niche la petite villede Tekoa. Il faut une heure depuis Jérusalem pour se rendre dans cettecommunauté au milieu de nulle part, située entre deux villages arabes.
Sur le chemin : d’autres implantations, mais aussi des panneauxd’avertissement, prévenant les citoyens israéliens du danger à pénétrer dansles zones palestiniennes aux alentours.
Pour entrer à Tekoa, il faut ensuite franchir le portail électrique de sécurité.Il n’y a pas grand monde dans la rue principale. Ici, pas de rues piétonnes oude centre-ville ; quand on leur pose la question, les habitants ne peuvents’empêcher de sourire. Et désignent alors une petite supérette où certains fontleurs courses pour la semaine.
Les enfants sortent de l’école, courent vers la petite épicerie et font leplein de bonbons avant de rentrer chez eux. Certains portent la kippa, d’autresnon. Les fillettes arborent de jolis cartables roses. Tous, religieux ou non,se tiennent par la main. Aucun adulte à l’horizon. Les enfants sont ensécurité, libres de déambuler sur les routes de la ville. Il fait bon vivre àTekoa. Interrogée, la communauté évoquera un soutien et une entraide mutuelle.
La ville est plongée dans le calme, les véhicules sont rares et les habitantssilencieux. Les funérailles du rabbin Frouman ont eu lieu la veille. Unevoiture s’arrête, une femme nous demande si nous cherchons la demeure du rav.
Les virages s’enchaînent et la végétation se fait plus dense : le « centreville » s’éloigne pour laisser place à un aspect un peu plus sauvage de Tekoa.La maison apparaît enfin, entourée d’arbres, de plantes, d’enfants qui courent,les kippot mal ajustées. La porte s’ouvre : « Entrez, soyez les bienvenues ! »La shiva bat son plein.
La famille du rabbin est là, ainsi que ses élèves les plus proches. On nousinvite à nous asseoir pour discuter. Les photos sont cachées, le temps s’estarrêté dans cette maison en deuil. La porte qui donne sur le jardin est grandeouverte, un vent léger souffle dans le salon.
« On ne fait pas la paix, on la reçoit ! » 
Mordechaï, un élève du rabbindisparu, s’approche. A 30 ans, il habite dans un kibboutz au nord d’Israël, nonloin de Tibériade. Et évoque son maître à penser avec une vraie tendresse : «Je l’ai rencontré dans une autre ville de Judée-Samarie, dans une yeshiva où ilvenait enseigner quelques jours par semaine. Je l’ai ensuite suivi à Tekoa pourêtre encore plus proche de lui. C’était un homme aimé de tous, juifs ou laïcs. Desmusiciens de Tel-Aviv venaient à ses cours pour jouer et chanter avec lui,c’était des moments magiques… ». Et de poursuivre : « J’ai été son chauffeurpendant plusieurs années, je l’ai accompagné un peu partout dans lesterritoires pour qu’il rencontre des représentants de l’Autorité palestinienne.Et les gens nous accueillaient toujours avec tellement de gentillesse. Nousétions escortés par la police palestinienne à travers la ville ! ».
Le rav Frouman avait pour habitude de dire que l’Homme ne peut rien faire, ilne peut que recevoir d’en-haut, raconte encore son élève Quand Mordechaï luidemande un jour pourquoi on ne fait pas la paix, il lui répond : « Enfin, on nefait pas la paix, on la reçoit ! » Concernant Israël et les enjeux politiquesdu pays, le leader spirituel était avant tout pragmatique. A qui appartient laterre ? Cela ne fait pas grande différence, il importe avant tout de larespecter, répondait Frouman. Il ne voulait pas savoir quelles parcellesappartenaient qui aux Juifs, qui aux Palestiniens. Et se déclarait tout à faitd’accord pour que l’implantation de Tekoa soit restituée comme telle auxPalestiniens, si cela était un jour décidé.
« Il y a avait de l’amour partout autour de lui.
Il enseignait parfois dans les yeshivot, mais c’est chez lui qu’il donnaitvraiment ses cours.
On s’asseyait tous autour de la table basse et on apprenait à ses côtés.
Dimanche encore, alors qu’il était inconscient, les élèves se sont réunis etont étudié ensemble », conclut Mordechaï. 
Que reste-t-il aujourd’hui de sonenseignement ? Son fils aîné a l’intention de prendre le relais.