La voiture électrique en bonne voie

Israël rentre dans l’ère électrique : les premières voitures à batterie rechargeable sont déjà arrivées.

voiture (photo credit: Reuters)
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(photo credit: Reuters)
Shaï Agassi, le fondateur de Better Place, société aujourd’hui estimée à 2,25 milliards de dollars, prédit à bel avenir à sa technologie Matthew Kalman Shaï Agassi est dans les startingblocks et il adore ça. Il y a quatre ans, il promettait de lancer un jour en Israël le premier réseau national du monde pour voitures 100 % électriques. Aujourd’hui, Better Place, son entreprise, se trouve en pole position sur la grille de départ dans ce qui semble toutefois être une course pour concurrent unique.
En janvier dernier, la première livraison de 100 berlines familiales Renault Fluence ZE (comme “zéro” émission) est enfin arrivée en Israël. Et fin 2012, des centaines d’Israéliens devraient déjà rouler dans des voitures uniquement alimentées par batterie électrique et fournies par Better Place. Plusieurs milliers de bornes de rechargement les attendent dans tout le pays : les conducteurs pourront recharger leur véhicule plusieurs heures à leur bureau, dans les rues des grandes villes, dans les parkings publics ou à leur domicile durant la nuit.
Une batterie pleine permet de parcourir quelque 150 km. Pour les distances plus longues, il sera possible d’utiliser un réseau national de stations d’échanges, où les batteries vides seront remplacées par des batteries rechargées selon un processus automatique qui prendra moins de temps qu’un plein d’essence.
Agassi, l’enfant-prodige qui a vendu sa première entreprise 400 millions de dollars alors qu’il n’avait guère plus de trente ans, affirme ne pas comprendre qu’au bout de quatre ans, alors que le réseau israélien sera bientôt fonctionnel et que d’autres sont en préparation au Danemark et en Australie, et à l’heure où des programmes pilotes sont installés au Canada, en Californie et à Hawaï, Better Place n’ait pas encore de concurrents sérieux.
“Jamais on n’a vu un bouleversement de cette amplitude se préparer sans que d’autres entreprises se lancent dans la compétition au cours des quatre premières années”, affirme-t-il. “Cela paraît très étonnant. C’est comme si une personne avait laissé Apple construire son empire MP3 pendant quatre ans et espérait ensuite le rattraper. En matière de technologie, une année suffit souvent à créer un avantage et il est ensuite très difficile de combler le retard. Nous étions tous persuadés que l’industrie automobile chercherait par tous les moyens à nous rattraper et nous découvrons au contraire qu’elle se montre très conservatrice.”
Quand il habitait à Palo Alto, Agassi allait chaque jour au bureau en voiture électrique. En revenant vivre en Israël, où il est né, il a lancé Better Place. Pour lui, la voiture électrique n’a rien d’une simple mode : c’est au contraire un phénomène de marché de très grande diffusion qui va balayer toute l’industrie automobile. Il ne doute pas que la Renault Fluence ZE 100 % électrique deviendra l’une des voitures les plus vendues, tant en Israël qu’au Danemark, où sera installé le deuxième réseau Better Place.
La voiture électrique : plus par économie que par altruisme
Le programme qu’Agassi avait annoncé en 2008 est donc sur les rails : “Nous avons respecté quasiment à la lettre toutes nos prévisions”, se félicite-t-il. “Finalement, nous aurons besoin de moins de bornes de rechargement que prévu, car les gens ont plutôt tendance à recharger chez eux qu’à l’extérieur.”
Autre surprise : les adeptes de voitures électriques ne sont pas nécessairement des gens qui roulent peu. Certains parcourent jusqu’à 50 000 km par an. Ces derniers mois, Better Place a signé des contrats avec trois des principaux loueurs de voitures d’Israël et 400 entreprises qui fournissent des véhicules à leurs employés. Parmi ces dernières, figurent de grandes sociétés de téléphonie, dont les employés sont en permanence sur les routes, couvrant des milliers de kilomètres chaque année.
La Fluence ZE est commercialisée au prix de 122 900 shekels (25 000 euros environ), soit à un prix comparable à celui de modèles à essence. Les clients doivent ensuite acquérir chez Better Place un kit kilométrage comprenant la batterie, qu’ils pourront soit recharger, soit échanger, en choisissant un kilométrage annuel, comme pour les forfaits de téléphonie mobile. Pour 20 000 km par an (kilométrage de base), il leur en coûtera 1 090 shekels (220 euros) par mois, tandis que pour 30 000 km, ils débourseront 1 599 shekels (320 euros) mensuels. Selon Better Place, cela représente une économie d’environ 15 % par rapport aux voitures à essence, mais aussi un entretien moins coûteux et une assurance meilleur marché.
Un forfait spécial de 157 500 shekels (environ 32 000 euros) donne droit à la Fluence ZE assortie d’un service tout compris pendant trois ans pour des conducteurs parcourant jusqu’à 25 000 km par an ; soit une économie de 35 % par rapport à un modèle similaire de voiture à essence.
“Aujourd’hui”, affirme Agassi, “c’est plus par souci d’économie que par altruisme que l’on vient vers la voiture électrique. Quand vous proposez une voiture moins chère que son équivalente à essence, vous ouvrez un marché bien plus large que la niche qui a attiré les tout premiers adeptes.”
En lançant son projet en 2008, Agassi voulait débarrasser le monde de sa dépendance vis-à-vis du pétrole, mais aussi réduire la pollution générée par la circulation. D’autant qu’il prédisait une hausse continue des prix du pétrole.
“Dans dix ans”, disait-il, “une seule année de pleins d’essence pour une voiture à combustion coûtera plus cher que l’énergie à fournir pour toute la durée de vie d’un véhicule électrique, même en prenant en considération le coût de la batterie.”
Aujourd’hui, il est encore plus convaincu de la validité de ce calcul. “Avec tout ce qui se passe autour de nous, je ne miserais pas sur une baisse des prix du pétrole. Ceux qui espèrent encore que le prix du baril reviendra à un nombre à deux chiffres ont, soit trouvé un moyen de faire la paix dans le monde, soit découvert une façon de faire surgir du pétrole dans des régions où il n’y en a jamais eu”, conclut-il. “Rien n’indique qu’à court, moyen ou long terme, le pétrole pourra descendre en dessous de 100 dollars le baril.”
Une histoire de cellules
C’est en Chine que l’entreprise Better Place se fournit en batteries, et les Chinois s’intéressent de très près à la voiture électrique que l’entreprise produit. Si le véhicule fait ses preuves en Israël et au Danemark, ils pourraient bien lancer un réseau concurrent. “Une croissance de 7 à 8 % en Chine au cours des cinq prochaines années seulement”, explique Agassi, “représenterait pour la Chine près du double des voitures roulant en Europe occidentale d’ici cinq ans.”
Une confiance partagée par certains des investisseurs les plus avisés du marché. Ainsi, Renault-Nissan a investi plus d’un demi-milliard de dollars dans la mise au point de la nouvelle berline et il estime à 70 000 le nombre de voitures électriques que vendra Better Place en Israël au cours des trois prochaines années. De gros investisseurs ont répondu à l’appel pour financer Better Place, de sorte qu’Agassi a reçu plus de fonds que prévu.
L’an dernier, la société a récolté 200 millions de dollars d’investissements, faisant passer le montant total des investissements à 750 millions de dollars. De nouveaux investisseurs, dont l’Américain General Electric et le groupe bancaire suisse UBS, se sont joints à l’aventure et la compagnie est désormais évaluée à 2,25 milliards de dollars.
“De toutes les technologies liées à l’énergie propre dans le domaine des transports, rien n’est comparable à Better Place. Ce modèle d’entreprise est extrêmement séduisant”, affirme Anthony Bernbaum, directeur mondial des investissements directs de HSBC. Cette banque britannique internationale qui a déjà investi 150 millions de dollars dans Better Place.
Ces nouveaux investisseurs vont donc permettre à Better Place de commencer à se développer ailleurs. “Les prochains grands réseaux seront surtout situés en Europe de l’Ouest”, explique Agassi.
Toutefois, Better Place regarde déjà plus loin. Tout dépendra du succès des trois premiers réseaux. “Il faut regarder le réseau israélien comme un organisme indépendant à une cellule, intégré et couvrant l’intégralité du territoire”, précise Agassi. “Et c’est à peu près la même chose au Danemark. En revanche, on peut considérer l’Australie comme un organisme à trois cellules et demie, reliées en réseau. Melbourne est une première cellule, à peu près de la taille d’Israël, Sydney en est une seconde et Brisbane une troisième. Canberra est une demi-cellule, reliée par 2000 km d’autoroute.
“Une fois que nous aurons prouvé que nous pouvons gérer une cellule, il ne sera pas difficile d’étendre nos compétences à de multi-cellules. Et quand on gère des multi-cellules, cela prouve que l’on peut gérer des territoires aussi vastes que les Etats-Unis”, affirme-t-il.