L’audacieux Dôme de fer

Un an après sa mise en service, le Dôme de fer est sur le point de changer la manière dont Israël envisage la guerre

dome de fer (photo credit: © Marc Israël Sellem )
dome de fer
(photo credit: © Marc Israël Sellem )

Uzi était en randonnée au Chili avec des amis pendant sescongés. Meir, qui vient de passer 40 ans au sein de l’entreprise, travaillaitaux dernières améliorations d’une nouvelle génération de missile air-to-air.Salva a présenté un programme informatique révolutionnaire au coeur del’ensemble du système.

Tous trois, qui pour des raisons de sécurité ne peuvent être nommés que parleurs prénoms, font partie de l’une des équipes des technologies de pointe enIsraël : les concepteurs du Dôme de fer.
Pour un grand nombre d’Israéliens, l’année qui s’est écoulée a été l’année Dômede fer. La batterie a été activée avec succès pour la première fois en avril2011. Et les dernières séries de violence avec la bande de Gaza, en mars dernier, ont révélé desperformances que même les concepteurs ne soupçonnaient pas.
Conçu par Rafael, le Dôme de fer est l’unique système au monde capable dedétecter, suivre et intercepter roquettes Katiousha et autres Kassam de courteportée. Comme celles qui constituent l’ossature de l’arsenal grandissant duHamas, du Djihad islamiste et du Hezbollah.
A titre d’exemple, en mars dernier, trois batteries du Dôme de fer ont étédéployées dans le sud d’Israël et ont intercepté 60 roquettes en provenance dela bande gazaouie, permettant ainsi d’atteindre un taux d’interception prochedes 90 %. En 2011, le taux s’élevait à 75 %.
Conçue pour neutraliser les roquettes d’une portée de 4 à 70 kilomètres, une batteriedu Dôme de fer se compose d’un radar aux missions multiples fabriqué parl’industrie aérospatiale israélienne et de trois lance-missiles, chacun équipéde 20 intercepteurs, appelés Tamirs. Le radar permet aux opérateurs du Dôme defer de prévoir quel site sera visé par l’ennemi, et ainsi de décider ou nond’intercepter la roquette dans le cas où elle toucherait une zone dégagée.


L’ouverture d’un “champ de manoeuvre diplomatique”

Les institutions duministère de la Défense espèrent que le Dôme de fer, associé à d’autressystèmes de défense qu’Israël est en train de développer, va permettre auxennemis d’Israël de comprendre que l’investissement budgétaire dans desmissiles et des roquettes n’est à présent plus rentable. Si tel était le cas,le Dôme de fer pourrait un jour s’octroyer le mérite d’avoir modifiécomplètement la stratégie d’Israël au Moyen Orient. Pour l’heure, il a déjà unimpact sur la façon dont Israël conçoit sa manière de faire la guerre.

Imaginez que les 60 roquettes tirées sur Beersheva, Ashdodet Ashkelon en mars et interceptées par leDôme de fer aient atteint leurs cibles. L’ampleur des dégâts aurait pu êtretrès lourde, de même que le nombre de victimes potentielles.
Et si cela était arrivé, le gouvernement se serait confronté à une pressionmassive de la part du public pour que Tsahal lance une offensive terrestrecontre Gaza, afin d’arrêter les tirs de roquettes, comme cela avait été le casla veille de l’opération Plomb durci, fin 2008. Mais le Dôme de fer a permisd’éviter une telle situation.
En clair : le Dôme de fer offre au gouvernement ce qu’on pourrait appeler “unchamp de manoeuvre diplomatique”.
C’est-à-dire la possibilité de réfléchir avant d’agir et de passer en revuetoutes les options, avant de lancer des opérations à large échelle quiprovoqueraient immanquablement des pertes humaines.
Uzi, manager du projet Dôme de fer, se souvient de l’appel qu’il a reçu auChili alors qu’il prévoyait de partir pour une autre randonnée. L’appelprovenait des quartiers généraux de Rafael dans le nord. A l’autre bout du fil,il entend son responsable : “Rentre. On a besoin de toi”.


Genèse d’un système unique

Il avoue qu’au début, il n’était pas complètementconvaincu de la création d’un tel système.

“A première vue, cela représentait un défi majeur”, explique-t-il lors d’uneinterview cette semaine. “Mais dernièrement, le mot ‘impossible’ ne fait pluspartie de mon vocabulaire”.
D’après Meir, qui prendra sa retraite la semaine prochaine après plus de quatredécennies en tant que concepteur de missile, une des clés du succès provient dutravail fait précédemment sur les missiles air-to-air, comme Python, par denombreux membres de l’équipe.
“Il existe des missiles qui ont besoin à la fois de voler et d’atteindre leurcible”, explique-t-il. “Dans un cas, c’est un avion. Dans l’autre, c’est unautre projectile”.
Pourtant, alors même que le travail allait bon train, il y avait toujourscertains membres de l’équipe ou des représentants des institutions de laDéfense qui n’étaient pas complètement convaincus. Roni, l’un des managers enchef du projet, qui vit dans le nord et qui a passé, avec sa famille, une largepartie de son temps dans un abri contre les bombardements lors de la secondeguerre du Liban en 2006, déclare que le plus grand succès pour les concepteursdu Dôme de fer a été de créer un système en partant de zéro et cela en à peinetrois ans.
“En fait, tant que vous ne le voyez pas, vous avez du mal à croire que c’estpossible”, explique-t-il.
Après le succès du premier test d’interception, l’équipe a compris qu’elleétait dans la bonne voie, mais qu’il y aurait encore du travail avant depouvoir fournir une batterie opérationnelle à la division de l’armée de l’airisraélienne.
Cela a finalement été possible en 2010. Après avoir reçu 4 batteries, l’IAF ena commandées plusieurs autres grâce à des aides financières qu’Israël avaitreçues des Etats-Unis.
Dernièrement, l’IAF a indiqué qu’environ 13 batteries seraient nécessaires pourfournir une défense efficace contre les roquettes à courte portée venant duLiban et de Gaza.
Le jour de la première interception opérationnelle en avril 2011, l’équipeprenait un jour de congé exceptionnel dans un centre de Kart à Haïfa. Dans lecomplexe, aucun réseau téléphonique. Alors quand certains membres sortis dehorsont commencé à sauter de joie, ceux restés à l’intérieur n’ont pas compris d’oùvenait toute cette agitation.
“Au début, on arrivait pas à y croire”, indique Amir, un membre de l’équipe encharge des tests. “Finalement, nous avons compris de quoi il s’agissait, de ceque nous étions en train de faire et combien cela était critique et important”.

Relever les défis technologiques

Amir se souvient lorsqu’ils ont commencé àtravailler sur le projet. Les responsables de Rafael leur avaient alorsconseillé d’en parler à leurs proches et leurs familles.

Objectif : essayer de conférer aux employés un sentiment de fierté pour leuraction. Une fierté chère payée pour l’équipe. Nombreux sont les membres qui ontdû travailler six jours sur sept, venant même parfois au bureau le samedi soir.
“Nous n’avons pas vu nos familles pendant cette période, mais au moins, ilssavaient ce que nous étions en train de faire”, ajoute Amir. Pour lui, c’étaitla première fois dans sa carrière que son chef l’encourageait à parler de cequi couramment est considéré comme top secret.
Les principaux défis technologiques étaient plutôt évidents. Le premier   problème : comment créer un petit missile comme le Tamir pour intercepter despetites roquettes comme la Katiousha en à peine quelques secondes. Le second :comment fabriquer un système susceptible de faire la distinction entre lescibles de différentes natures et de décider lesquelles intercepter en moins detemps que les quelques secondes mentionnées précédemment.
“Tout était très nouveau. Rien de cela n’avait été fait auparavant”, préciseSlava qui a aidé à la création du cerveau informatique du Dôme de fer, lequelpermet l’exécution de calculs incroyables.
Alors, qu’est-ce qui a permis à cette équipe de réussir là où aucune autren’était parvenue avant ? Etaient-ils plus intelligents que d’autres, ailleursdans le monde ? “Non”, répond Meir, manager en chef du projet. “Nous avions unecontrainte et nous avons su comment l’appréhender afin de faire en sorte que leprojet se réalise”, indique-t-il. “Dans ce cas, l’attitude israélienne du“fais-moi confiance” a réellement fonctionné, ce qui nous a conduits à prendredes risques et en fin de compte, à réussir”.
Amir ajoute deux autres caractéristiques : le courage et l’audace.
“Nous osons davantage et nous avons plus d’audace dans notre manière de faireque d’autres pays et corporations de masse”, dit-il. “C’est en cela queconsiste le secret de notre succès”.