Les nouveaux gardiens

L’Hashomer Hahadash s’efforce de promouvoir le sionisme et vient en aide aux fermes aux prises avec le vol et l’absence d’application de la loi.

P18 JFR 370 (photo credit: Hashomer Hahadash)
P18 JFR 370
(photo credit: Hashomer Hahadash)

Un groupe de pionniers se rassemble pour lutter contre les bandesde hors-la-loi qui menacent leurs petites communautés agricoles. Ensemble, ilsdeviennent les défenseurs de la frontière juive. Cela fait penser à un scénariode western spaghetti, mais comme c’est souvent le cas dans l’histoire d’Israël,la vérité est plus étrange encore que la fiction.
Tels ont été les humbles débuts de l’Hashomer (« Le Gardien »), un organismecréé en 1909 pour protéger les fermes juives en Palestine, alors sous lecontrôle des Turcs. Car, à l’époque, le mouvement du Yishouv cherche às’implanter en Terre d’Israël. Mais l’Hashomer a conscience qu’il existe uneseconde moitié à cette équation : protéger ce que l’on a créé.
Les Israéliens actuels et leurs aïeux d’avant la fondation de l’État ne sontpas étrangers à tout ce qui touche à la défense. Ils ont reçu cela en héritage,au moins en partie, de l’Hashomer. En 1913, le mouvement compte environ 400membres, qui opèrent dans treize moshavim.
Après onze ans de service passés à garder les récoltes et les troupeaux desfermes juives naissantes, l’organisation est dissoute en 1920. Ses membresdécident d’unir leurs forces avec la Haganah, afin de présenter un front unidans la défense des communautés juives régionales. Mais l’esprit du mouvementperdure, et va servir d’inspiration à un autre groupe de sionistes près d’unsiècle après sa création.
Aider son père 
En 2007, Yoel Zilberman et On Rifman fondent Hashomer Hahadash(« Le nouveau Gardien »), en grande partie pour les mêmes raisons que leursprédécesseurs : aider éleveurs et agriculteurs des zones reculées de lapériphérie d’Israël.
Comme bien souvent, la nécessité est la mère de l’invention de l’HashomerHahadash.
Bien qu’il ait mûrement réfléchi à son identité personnelle d’Israélien, aurôle du gouvernement dans la société et au bien-être général de la nationpendant un certain nombre d’années, en grande partie en raison de son servicemilitaire lors de la seconde guerre du Liban, il faudra l’attaque contre laferme de sa famille à Tsipori pour que Zilberman réagisse.
Quand des vandales bédouins menacent de tuer son père, incendient ses champs,détruisent ses biens et tuent ou volent une partie de son bétail.
Des dizaines de plaintes auprès de la police s’avèrent totalement inefficacespour arrêter les criminels. Le coup porté à l’entreprise familiale est énorme,à tel point que l’éleveur assailli songe à abandonner sa propriété. MaisZilberman, fraîchement libéré de Tsahal, vole au secours de son père et insistepour que ce dernier ne baisse pas les bras.
Avec un groupe d’amis de l’armée, il met en place un poste de commandementimprovisé sur la propriété, pour défendre la ferme. Si les autorités semontrent réticentes ou incapables de résoudre le problème, il estime que sesamis et lui peuvent s’y atteler eux-mêmes.
Des appels à l’aide arrivent bientôt d’autres agriculteurs en butte aux mêmesdifficultés dans la région, et le réseau de gardes civils voit le jour.
Aujourd’hui, l’organisation compte 700 bénévoles répartis dans une vingtained’endroits. Ils passent généralement une nuit de garde par mois sur une ferme,même si certains effectuent cela plus souvent. Ils réparent également lesclôtures, cueillent les légumes, marquent les terrains et nourrissent lebétail.
Sionisme et amour de la Terre 
Créé au départ sur la base du volontariat,Hashomer Hahadash a évolué et inclut aujourd’hui des programmes pour unir sesmembres autour des « valeurs sur lesquelles l’État d’Israël a été fondé ». Ilcherche à favoriser le sionisme, le bénévolat, le militantisme et le sens duleadership civique chez les jeunes.
« Un de nos objectifs principaux est de leur transmettre l’importance demaintenir un lien avec la terre et d’encourager le dialogue au sujet de nosracines », explique Zilberman.
Les deux autres grandes priorités de l’organisation sont d’aider lesagriculteurs dans le besoin et de promouvoir les valeurs sionistes auprès desjeunes d’aujourd’hui. « Nous voulons les voir devenir des leaders actifs sur leplan familial, communal et national », explique le fondateur de l’HashomerHahadash. L’organisation vise aussi à sensibiliser le public sur lesdifficultés des communautés agricoles dans le Néguev, la Galilée et le Golan.Elle oeuvre à l’instauration d’un climat d’unité nationale où les membres desecteurs très divergents de la société peuvent se rassembler autour d’unobjectif commun : la sécurité des personnes face à l’anarchie qui règne auxnouvelles frontières de notre monde moderne.
Cet accent mis sur la Terre d’Israël se base davantage sur des critèresnationaux, plutôt que religieux, souligne Zilberman. L’organisation compte à la fois des ultraorthodoxes et des laïques parmi sesmembres.
« Nous sommes pour le principe de la responsabilité mutuelle. Nous voulons voirun Israël où chacun peut aller où il veut en toute sécurité, même au milieu denulle part. Et si un Israélien a besoin d’aide, même au milieu de nulle part, qu’il y aittoujours quelqu’un pour lui donner un coup de main », explique-t-il.
Le bon côté d’Israël 
À la base, Hashomer Hahadash représente un idéal universel: aider ceux qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes.
Yehouda Marmor est de ceux-là. À 50 ans, agriculteur au moshav de Yavniel,Marmor se voyait déjà contraint d’avoir à abandonner la ferme d’élevage crééepar son grand-père, après avoir fait face à des problèmes croissants de vol,incendie criminel et vandalisme du fait de la communauté bédouine locale.
Cela se passait en 2009. Marmor s’était fait agresser à plusieurs reprises. Onlui avait même tiré dessus plusieurs fois. Alors qu’il avait déjà entamé leprocessus de mise en vente de sa propriété, il a été contacté par Zilberman,qui lui a demandé de se rétracter et lui a promis qu’Hashomer Hahadashveillerait à le protéger, lui, ses biens et ses moyens de subsistance.
Quatre ans plus tard, cette relation est toujours aussi solide.
Les bénévoles et les jeunes qui participent à des programmes de servicenational viennent à la ferme plusieurs fois par semaine pour monter la garde de10 heures à 17 heures.
« Je n’aurais pas pu survivre sans eux », insiste Marmor.
« Les bénévoles et ceux qui effectuent leur service national montrent le boncôté d’Israël. Il n’y a rien de comparable ! Ils sont la prochaine générationde leaders de notre pays. Je n’ai vraiment pas de mots pour exprimer à quelpoint je les apprécie. » Moshé Har-Shemesh a pris un chemin différent avant dedevenir éleveur. Né aux États-Unis, il a fait son aliya de Californie voilà 30ans. Après son service dans la brigade du Nahal, il travaille dans un kibboutzdu plateau du Golan.
Sept ans après son arrivée au pays, il monte sa propre ferme d’élevage demoutons près de la forêt de Lahav entre Kiryat- Gat et Beersheva.
Comme de nombreuses communautés juives agricoles isolées, Har-Shemesh est victimede vols et de violence. Il est attaqué à plusieurs reprises. Cependant ilreconnaît qu’il est difficile de savoir si ces incidents sont motivés par desmobiles criminels ou nationalistes. Des troupeaux de moutons entiersdisparaissent. Des clôtures sont détruites ou volées. Ces pertes ont eu uneffet dévastateur, surtout quand cela s’ajoute aux autres problèmes auxquelsles agriculteurs sont confrontés, comme les intempéries, les maladies et lesproblèmes bureaucratiques.
Un véritable réseau 
D’autres éleveurs font face aux mêmes difficultés, et dufait de l’anarchie régnante, le nombre de fermes a diminué dans le pays.
Har-Shemesh se souvient d’avoir été « agréablement surpris » quand HashomerHahadash s’est adressé à lui.
Maintenant, deux ou trois fois par semaine, des bénévoles viennent garder saterre et ses brebis.
Hashomer Hahadash apporte une aide sur le plan pratique, mais aussi sur le plansymbolique, psychologique et local.
Ainsi, explique-t-il, « on est présence d’un véritable réseau ici » et leséleveurs ne sont plus seuls à devoir repousser les criminels. L’organisationsensibilise également le public aux difficultés que rencontre la communautéagricole.
Elle favorise l’éclosion d’un sentiment d’unité nationale et contribue « àrenforcer le lien entre Juifs et Israéliens ».
Gil Glaser, un bénévole qui travaille fréquemment avec Har- Shemesh, aégalement fait son aliya depuis les États-Unis, quand il était encore enfant. A47 ans, il sert dans la marine israélienne pendant vingt ans, avant de prendresa retraite il y a six ans. Il étudie aujourd’hui pour être enseignant.
Glaser souligne qu’avec son expérience dans la marine, il avait « les yeuxtournés vers la mer et ne voyait pas les problèmes sur terre ». Pourtant, cesdernières années, Lehavim, la petite ville aux abords de Beersheva où ilréside, doit faire face à de nombreux problèmes liés à l’absence d’ordrepublic. Des histoires de cambriolages et de vols de voitures répétés. Les gens« se sentent moins en sécurité dans la région, tant sur le plan personnel qu’entermes de propriété ».
« Bien que je possède la double nationalité, je ne considère pas mon côtéisraélien pour acquis. Je voulais apporter ma contribution », explique Glaserpour justifier sa réponse aux ennuis rencontrés par la communauté. Par unheureux hasard, il découvre, sur YouTube, une vidéo de Zilberman qui présentel’Hashomer Hahadash. Et décide alors de s’engager comme bénévole.
Votre corps, votre voix et le téléphone 
Au cours de la formation qu’il reçoit,le nouveau membre pénètre les rouages de l’organisation et s’initie auxconditions de la garde mensuelle – dans les granges ou dans les champs. Ilprend également connaissance de la loi « Shaï Dromi ». Celle-ci doit son nom aufermier du Néguev qui avait mortellement touché Khaled el-Atrash, aprèsl’irruption de ce dernier dans sa ferme avec un groupe de pillards pour luivoler son bétail. La loi donne aux propriétaires fonciers une plus grandeliberté de recourir à la force meurtrière contre les maraudeurs.
Il se familiarise aussi aux techniques du langage corporelet au ton de voix à utiliser face à des voleurs ou vandales présumés.
« C’est tout ce dont vous disposez sur le terrain – votre corps, votre voix etle téléphone », explique Glaser, qui souligne que les volontaires ne portentpas d’armes à feu, afin d’éviter toute utilisation abusive. « Quand on porte unmarteau, tout problème ressemble à un clou. Donc on évite de porter le marteau.» Glaser met l’accent sur le caractère positif de l’organisation, qui défendune idée, plutôt que de chercher à se battre contre une entité quelconque.L’Hashomer Hahadash est uniquement et explicitement « anticriminel », et nonpas tourné contre un groupe d’individus en particulier, affirmet- il. « Celan’a aucune importance de savoir si l’assaillant est juif, arabe ou martien.Nous voulons juste nous assurer que les animaux de l’éleveur sont en sécurité.» Un autre aspect louable du travail de l’Hashomer Hahadash recouvre sadimension sociale, poursuit Glaser, en ce qu’il rassemble des gens d’horizonstrès différents. Des habitants de Judée-Samarie côtoient ceux du centre dupays. Des agriculteurs de la Arava donnent de leur temps pour défendre lesterres appartenant aux éleveurs de Beersheva. L’organisation, explique-t-il,facilite le dialogue et la rencontre, et permet d’échanger des idées.
« Nous passons la nuit à discuter [pendant notre tour de garde] sur différentspoints de vue. C’est cent fois mieux qu’une année d’université », déclare-t-il.
Au bon endroit Lorsqu’on l’interroge sur l’origine de l’organisation, Glasers’empresse d’exprimer le profond respect que lui inspirent les premiersgardiens du Yishouv. Il a l’impression de marcher sur leurs traces dans lacontinuité de leur attachement au sionisme.
« Je pense souvent à eux, et j’espère être digne de représenter leur nom, »déclare-t-il avec révérence. Le volontariat est pour lui une façon d’exprimerle point de vue sioniste et l’amour de la terre qu’il partage avec ceux quidéfendaient les communautés juives dans les premiers jours du Yishouv.
Ce même état d’esprit anime également une autre volontaire : Miri Bohbot, 38ans, de la région de Nahariya. Celle-ci travaille comme thérapeute animalièreavec des jeunes à risque de la ville de Talbiye. Bohbot estime que levolontariat s’inscrit parfaitement avec d’autres pans de sa vie. Elle a entenduparler de l’organisation à travers les médias et l’a rejointe en juin, l’annéedernière. Depuis, elle donne de son temps deux fois par semaine, généralementdans une ferme de Lakish.
« Je suis quelqu’un de nostalgique. Je repense à la période d’avant la créationde l’Etat à laquelle j’aurais aimé participer.
Je recherchais ce contact, avec cette période de notre histoire, avec la Terred’Israël, la nature. Il est bon de voir que les valeurs du sionisme d’antan nesont pas complètement parties en fumée. » Pour ce qui est du présent, Bohbotporte son attention sur ses collègues de l’organisation, avec qui elle partageses tours de garde. « C’est vraiment sympa de rencontrer d’autres volontaireset de discuter avec eux, surtout les anciens. Ceux qui ont entre soixante etsoixante-dix ans. Ils sont formidables et très impressionnants »,affirme-t-elle. « J’ai l’impression d’être arrivée au bon endroit, je me sensici tout à fait chez moi ! »