L’humanisme en zone Nord : les 100 ans de l’OSE

Cette année, l’OEuvre de Secours aux enfants (OSE) souffle ses 100 bougies. L’association juive qui a survécu à un siècle tourmenté offre une large place à la mémoire. Son refrain a été et reste : l’humanisme et la solidarité, contre toutes épreuves.

OSE (photo credit: Avec l'aimable autorisation de l'OSE)
OSE
(photo credit: Avec l'aimable autorisation de l'OSE)

Si l’OSE estessentiellement connue pour l’assistance qu’elle offre depuis un siècle auxenfants sans ressources, l’association s’illustre aussi par sa participation auréseau de résistance juif pendant la guerre, et sa lutte contre l’occupationallemande et le régime de Vichy. Tout commence le 28 octobre 1912, quand l’OSEvoit le jour sous l’impulsion de médecins juifs à Saint-Pétersbourg. Sous lenom de Obshetsvo Zdravookraneye Yevreyieh (OZE) - Protection sanitaire de lapopulation juive - elle a pour objectif premier de protéger la santé des Juifsen détresse dans la Russie tsariste.

Les années s’écoulent et l’association acquiert une dimension internationaleavec la formation de l’UNION-OSE. Puis survient la montée au pouvoir des nazis. L’OZE s’installe alors à Paris en1933 et prend le nom d’Oeuvre de secours aux enfants.
La filiale française porte secours aux familles juives dans la misère, bloquéespar un système qui vise à les éliminer et les mettre au ban de la société. Apporterun soutien moral et médico-social à la population juive vulnérable estnécessaire. L’association forme son premier dispensaire en 1934, au 35, rue desFranc-Bourgeois. Son projet : créer un centre neuropsychiatrique pour enfantsdéficients, mais aussi pour immigrés et médecins persécutés.
Elle organise des travaux éducatifs, religieux, et des colonies de vacancespour les enfants de familles nécessiteuses.
Des maisons d’accueil voient le jour dès 1936, en Alsace et à Paris, quireçoivent les réfugiés d’Autriche et d’Allemagne en fuite après la Nuit deCristal de 1938. En 1939, l’OSE abrite 300 enfants réfugiés sans parents. Samanière à elle de répondre aux premières persécutions nazies.
La guerre déclarée en septembre 1939 pousse l’OSE à redoubler d’efforts.L’association se concentre autour du sauvetage et de l’évacuation des enfants.Début juin, le bruit des bottes allemandes résonnent sur le pavé parisien.L’OSE continue ses actions dans toute la France : occupée et non occupée. Maisle comité doit évacuer ses centres parisiens et les transférer en province.
Le siège s’installe à Montpellier. L’association en zone Nord est dirigée parEugène Minkowski et le docteur Falk Walk. Ensemble avec l’équipe de l’OSE, ilstentent de conserver la structure d’accueil à Paris. Sous une surveillanceaccrue des autorités françaises et allemandes, ils doivent se limiter à larégion parisienne.
Du “billet vert” au Vel’ d’Hiv’

Les rafles des juifs étrangers en zone occupée,comme celle “du billet vert” au cours de l’année 1941, produisent un effet designal d’alarme au sein des associations juives. En décembre 1941, les premiersJuifs de nationalité française sont arrêtés. Dès lors, l’OSE intervient auprèsde la jeunesse et des familles juives menacées par le nazisme. L’enfance restela préoccupation principale de l’association, qui porte une attentionparticulière aux camps à forte population infantile. Elle dévoue toute sonénergie au sauvetage d’enfants seuls dont les parents ont été déportés, lesenvoyant dans des familles non juives via le réseau de la Rue Amelot.

En zone Sud, l’OSE s’implique dans la sortie d’enfants de moins de quinze ansdes camps de Gurs et Rivesaltes en 1941 et 1942. Elle participe activement à lavie dans les camps en créant des temps récréatifs et des locaux médicaux.Cherchant à sauver la jeunesse déportable, elle s’allie avec les quakers pourobtenir des visas permettant à des jeunes de s’enfuir vers les Etats-Unis.Cette opération mène au sauvetage d’environ 300 orphelins.
La petite équipe de l’OSE agit également auprès des autorités préfectoralespour obtenir des papiers administratifs qui permettront la libérationd’enfants. Une grande partie de la jeunesse est évacuée vers le Sud.
Les violentes arrestations des hommes et la multiplication des mesuresantijuives attisent les rumeurs. Une grande vague d’arrestation doit avoir lieuà Paris.
Confirmation le 16 juillet 1942 à 4 heures du matin. La Rafle du Vel’ d’Hiv’joue un rôle déclencheur dans la future conduite de l’OSE. Car son aspectmassif horrifie. L’arrestation concerne, pour la première fois, les femmes etles enfants (4 051 enfants de moins de 16 ans sont arrêtés) à Paris.
Les possibilités d’action de l’organisation sont limitées, l’association n’estpas habilitée à entrer dans le Vel’ d’Hiv’. Ainsi elle se mobilise avec l’Uniongénérale des Israélites de France (UGIF) et la Rue Amelot - Comité quirassemble des associations juives - pour prendre en charge les enfants.
Eugène Minkoski recourt à des infirmières de la Croix-Rouge française, commeAnnette Monod.
C’est elle qui intervient au Vel’ d’Hiv’ pendant la rafle, lorsque les enfantsrestent seuls après la déportation de leurs mères.
“Sauvons les enfants et dispersons-les”

Enéa Averbouh, grande figure historiqueet héroïque d’origine roumaine, intervient dans le sauvetage des enfants, dès1940. Elle raconte l’impact de la Rafle du Vel’ d’Hiv’ dans une lettre : “Avecle docteur Minkowski, on a décidé de faire des placements individuels. Dans monimmeuble habitait une Russe, le docteur Hesse, elle travaillait aux Allocationsfamiliales, c’était une très bonne amie. Je lui racontai ce qui était arrivé.Aux Allocations familiales, elle put s’entourer de deux ou trois assistantessociales qui voulaient bien nous aider. Alors, elles sont allées en banlieueparisienne, ou même plus loin, chercher des nourrices. Ne disant pas que lesenfants étaient juifs - on donnait de faux noms à tous les enfants - elles lesprésentaient comme des enfants malheureux dont le père était parti à la guerre....”

Travaillant aux côtés de l’OSE, elle se mobilise pour chercher de nombreusesplanques pour les enfants, en région parisienne. Car l’organisation a biencompris qu’il faut intensifier l’évacuation de la jeunesse. Enéa Averbouhrecherche des familles de placements, mais là n’est pas le plus fastidieux. Lerisque le plus important réside dans l’envoi des enfants vers celles-ci. Carils ne sont pas en droit de sortir du grand Paris sans autorisation.
Ils sont donc évacués par camion, train, et même à pied - accompagnés par lesÉclaireurs israélites de France.
Ils passent par des maisons de transit de l’Union générale des Israélites deFrance - UGIF, organisme créé par Vichy pour rassembler l’assistance juive.
Mais le rassemblement des enfants juifs n’est pas une protection suffisante, ilfaut les disperser, selon le mot d’ordre de Minkowski. La période de “fausseidentité” des enfants s’enclenche définitivement. Les membres résistants del’OSE tentent de rassembler des papiers falsifiés et des coupons deravitaillement pour permettre à la jeunesse de survivre.
Finalement, l’existence de l’OSE à travers cette période troublée de l’histoirene s’est jamais détachée de son essence même : constituer un organismemédico-social.
L’OSE était l’une des seules associations qui disposait d’un personnelcompétent dans son dispensaire. Son sous-sol, véritable QG clandestin, abritaitun lieu de réunion et de renseignements pour la population juive. On pouvait yobtenir des informations sur des nourrices, passeurs et autres moyens d’aiderla population juive, victime d’un régime autoritaire et raciste.
Puis, lorsque l’OSE intègre l’UGIF en 1942 comme troisième branche de laDirection Santé, elle obtient alors une vitrine légale. Et poursuit ses actionsphilanthropiques.
Elle devient surtout une association résistante, mobilisée pour la sauvegardedu peuple juif.
A l’annonce de la fin de la guerre, l’OSE accompagne les rescapés de la Shoahet accueille 426 enfants de Buchenwald. A la fin des années 1940, elle s’investitdans le soutien des populations juives d’Afrique du Nord, vivant dans desconditions difficiles. 70 ans après la barbarie nazie, l’OSE reste un symboled’entre-aide et de la solidarité. “L’OSE est là où les besoins, petits ougrands, se font sentir”