Légalement une et indivisible

Selon le droit international, Israël aurait toute légitimité sur Jérusalem, dans son intégralité. Explications.

jerusalem (photo credit: Reuters)
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(photo credit: Reuters)

Jacques Gauthierest fondateur de l’Alliance internationale pour la justice à Jérusalem (AIJJ),association à but non lucratif basée à Toronto. Les 11 et 12 juin dernier, ilest venu s’exprimer sur le statut juridique de la ville trois fois sainte, lorsd’un cycle de conférences au King David, organisé par l’AIJJ. Parmi lesprotagonistes présents à ses côtés : le maire de Jérusalem, Nir Barkat, etplusieurs membres de la Knesset.

Ce Canadien, non-Juif, et avocat en droit international public, étudie depuisprès de 28 ans la question particulièrement épineuse du droit à la souverainetésur Jérusalem. Après une licence de droit et la poursuite de ses études en droitinternational à Genève, il décide d’entamer un doctorat. Passionné par lesquestions de souveraineté et par Jérusalem, il se lance dans une titanesqueentreprise : déterminer qui, au cours de l’histoire du droit international, ahérité de Jérusalem. Pendant près de 25 ans, en marge de ses responsabilitésfamiliales et professionnelles, Gauthier poursuit patiemment ses recherches.
Son travail, qui constitue sa thèse de doctorat, se centre plusparticulièrement sur la Vieille Ville.
Celle que l’on appelle “vieille” aujourd’hui a longtemps été la seuleJérusalem, et ce n’est que vers la fin du XIXe siècle que la Ville sainte acommencé son expansion hors des murailles. Centre de tous les débats, lieusaint des trois grandes religions monothéistes, le Mont du Temple est dans tousles esprits quand se pose la question du droit à la souveraineté sur la VieilleVille.
Selon Gauthier, qui montre une confiance absolue en la crédibilité de sontravail, les Juifs ont un droit inaliénable à la souveraineté sur tout leterritoire de Jérusalem (et particulièrement sur toute la Vieille Ville), qui,en aucune circonstance, ne pourrait se voir divisée. Cette réponse, bien quecatégorique, n’en est pas moins fondée. Influencé par un directeur de thèsetrès porté sur la scientificité, Gauthier a tout fait pour que sa thèse soitinattaquable. Le document final, comme il se plaît à le rappeler, consiste enun livre de 1 300 pages, agrémenté de plus de 3 000 notes.
L’angle d’attaque du travail de Gauthier se drape dans une objectivitédifficile à remettre en question : celle de la légalité pure. Sa thèse analysequels instruments de droit international (traités, accords) ont répondu à laquestion de la souveraineté sur Jérusalem. Lui-même chrétien, Jacques Gauthiercomprend bien la volonté systématique des journalistes de l’amener sur leterrain religieux et politique.
Mais il ne s’égare pas de sa ligne directrice concernant la légalité. Cettedernière ne saurait s’encombrer de considérations affectives ou sacrées.
A l’origine ? Le Traité de San Remo
D’où vient doncce droit qu’auraient les Juifs sur Jérusalem ? Pour Gauthier, il faut remonterà 1920, avec la Conférence de San Remo, Italie. A l’issue de la Première Guerremondiale, les grandes puissances (Japon, Grande Bretagne, France, Italie,États-Unis) sont libres de distribuer les territoires acquis pendant la guerre,sur lesquels elles ont alors, en termes de droit international, toutelégitimité.

Une légitimité qui émane notamment des traités de Versailles et de Neuilly, oùles vaincus de la guerre renoncent à leurs droits sur les territoires nonnationaux qu’ils administrent. Parmi ces territoires : les terres de l’Empireottoman.
Face aux demandes de souveraineté à la fois des Juifs et des Arabes, les cinqGrands décident d’octroyer la Syrie, le Liban et l’Irak (et plus tard laJordanie) aux Arabes, et la Palestine aux Juifs ; à travers les mandatsfrançais et britannique.
L’accord final conclut ainsi que les puissances sont en faveur del’établissement d’un État pour les Juifs en Palestine, conformément au souhaitde la déclaration Balfour de 1917, tout en rappelant que cela ne doit pasporter préjudice aux droits des non-Juifs présents sur ces terres.
Le Traité de Sèvres, signé deux mois plus tard, confirme la responsabilitébritannique d’implémenter en Palestine la déclaration Balfour, et donc d’aiderà la création d’un foyer national juif.
Ces différents accords ayant été pris par des autorités compétentes, et dans lerespect du droit international, il en émane donc une complète légalité.
Les documents font foi quant aux droits des Juifs sur cette terre, dontJérusalem faisait partie intégrante aux yeux des grandes puissances.
Une légalité que le monde refuse d’entendre
Mais cet argumentlégal n’est pas reçu avec un grand enthousiasme hors d’Israël et de lacommunauté juive.

Par exemple, comment sont accueillis les travaux de Gauthier au sein desnations arabes ? Le chercheur se contente de sourire et d’ajouter un lapidaire: “Ils ne veulent pas savoir”. Et de continuer en expliquant que même lorsquedes “pro-palestiniens” assistent à ses conférences, ils finissent souvent parréfuter, non pas l’argument de Gauthier, mais l’importance même de la questionlégale.
En ce qui concerne la communauté internationale, même les pays “amis” d’Israëlne cachent qu’à peine leur désapprobation quant à l’idée d’une Jérusalemuniquement juive. En 2007, les ambassadeurs des pays européens et desEtats-Unis avaient ainsi boycotté une session plénière de la Knesset organisée pourYom Yeroushalayim (le jour de Jérusalem), et qui commémorait les 40 ans de lalibération de la ville.
Plus significatif encore : alors que l’État d’Israël affirme sans concessionque sa capitale est Jérusalem, la grande majorité des ambassades étrangèressont situées à Tel-Aviv.
L’importance donnée par la communauté internationale à la Ligne verte estrévélatrice aussi. Pour les pays européens, la Ligne verte (représentative del’armistice qui a mis fin à la guerre des Six-Jours) est considérée comme unefrontière. Sous la médiation des Etats-Unis, cette ligne est aussi la base detoute négociation entre le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne.Pour ceux des Palestiniens qui souhaitent une solution à deux etats, cetteligne fait office de condition sine qua non en termes de division desterritoires.
Une dimension que Jacques Gauthier ne laisse pas de côté. Cette ligne ne peutêtre un point de départ des négociations, car elle ne bénéficie d’aucune réellelégalité en termes de droit international. Elle ne représente que lesconséquences d’un armistice, décision militaire et non légale. Les armisticessignés avec la Jordanie, la Syrie et le Liban en 1949, stipulent expressémentque les accords passés n’entament en rien les droits ou les positions desparties aux accords. La Ligne verte ne peut donc pas être considérée comme uneremise en cause du droit à la souveraineté sur Jérusalem.
Idem pour le plan de partition onusien de 1947, voté par l’Assemblée généraledes Nations unies le 29 novembre 1947. Assemblée qui n’a qu’un rôleconsultatif. Donc ce plan n’a pas de valeur légale, et ne porte pas préjudiceau droit à la souveraineté des Juifs sur Jérusalem.
Pourtant, encore aujourd’hui, la Ligne verte et le plan de partition onusiensont constamment remis sur la table par la communauté internationale.
Plan réaliste ou douce utopie ?
Même au sein d’Israël, la question de Jérusalem divise. Certains leadersont renoncé à l’idée d’une Jérusalem juive, éternelle et indivisible, par désirde relancer le processus de paix. Et ce malgré la loi de Jérusalem, adoptée en1980, qui affirme l’unité et indivisibilité de la capitale israélienne.
Ehoud Barak a été le premier à ouvrir la brèche.
Lors des discussions à Camp David en 2000, il propose à Yasser Arafat lasouveraineté sur le quartier musulman de la Vieille Ville et tout JérusalemEst, hormis les quartiers juifs.
Puis Ehoud Olmert, Premier ministre de 2006 à 2009, lui emboîte le pas, lors denégociations secrètes avec les Palestiniens. L’ancienne secrétaire d’etataméricaine Condoleezza Rice affirme dans ses mémoires qu’Olmert comptaitproposer une partition de Jérusalem, l’Est devenant la capitale d’un nouveletat palestinien. La Vieille Ville aurait été administrée par un “comité desSages” comprenant entre autres la Jordanie et les Etats-Unis.
Récemment, Binyamin Netanyahou a quelque peu dépoussiéré les positions duLikoud en étant le premier Premier ministre de droite à parler de la solution àdeux etats. Ceci fait craindre à l’aile droite de son parti une division deJérusalem, à laquelle les plus sionistes sont fermement opposés.
Quoi qu’il en soit, quelles seraient les implications de la thèse de Gauthier ?Les Arabes de Jérusalem- Est auraient-ils le droit de vivre sur ces terres ?Bien entendu, répond Gauthier. Selon lui, droit à la souveraineté et droit à lapropriété ne doivent pas être confondus. Dans l’éventualité d’une souverainetéde l’etat juif sur tout Jérusalem, les Arabes y résidant devraient bénéficierau même titre que les Juifs d’une protection de la part d’Israël.
Mais le plan de Gauthier, qui semble capable d’apporter enfin une réponsedéfinitive à l’éternelle question du droit à Jérusalem, apparaît difficile àmettre en oeuvre. Abandonner au contrôle des Israéliens l’administration duMont du Temple, lieu saint de l’islam, serait absolument impensable pour lesPalestiniens, qui bénéficieraient sans nul doute du soutien absolu de lacommunauté internationale.
Le statut de Jérusalem, toujours au coeur des négociations de paix, est unsujet bien trop délicat pour qu’une réponse aussi brutale puisse être présentéedevant les délégations de l’Autorité palestinienne ou des Etats-Unis, éternelsmédiateurs dans ce conflit.
Mais résoudre le conflit ou apporter une solution miracle ne fait pas partiedes objectifs de Gauthier.
Le réel apport de son travail est autre : selon lui, hors de toute tractationpolitique ou religieuse, et n’en déplaise à beaucoup, Jérusalem revient dedroit aux Juifs.