Magistral coup de filet

Il aura fallu l’intervention d’un détective druze, de prélèvements d’ADN, de la police et des services de renseignements pour arrêter le violeur de la femme de 83 ans, à Tel-Aviv.

CH.-SUPT. MIRI PELED 300 (photo credit: Ben Hartman)
CH.-SUPT. MIRI PELED 300
(photo credit: Ben Hartman)

Ce 21 décembre, la police de Tel-Avivreçoit un coup de fil inquiétant : un homme déclare que sa soeur a été violéedans son jardin, à proximité de la gare centrale. Le violeur vient de s’enfuirdans une des multiples ruelles de la zone. La police arrive sur les lieux enquelques minutes pour découvrir une femme israélienne de 83 ans, en état dechoc.
Miri Peled, chef du service des renseignements et des investigations, raconteque les forces de l’ordre ont tenté d’en savoir plus sur l’identité del’agresseur, avant l’arrivée de l’ambulance. Sa description ? Un jeunehomme noir, vêtu d’un jean et d’un t-shirt. Un début, certes, mais bieninsuffisant pour les enquêteurs.
En effet, dans ce sud de Tel-Aviv, majoritairement habité par des centaines deréfugiés venus d’Afrique de l’est – d’Erythrée ou du Soudan –, le type africainn’est pas ce qui manque.
« Les policiers ont interrogé les proches de la vieille dame, pour tenter desavoir s’ils pouvaient identifier l’individu lors d’une confrontation. Trèsvite, ils se sont rendus compte qu’ils ne le trouveraient pas de cette manière», rapporte Peled, mercredi 30 janvier.
Pendant ce temps, une brigade spéciale est mise en place avec pour missiond’interroger les résidents du quartier, et d’établir un portait du jeune homme.Deux jours plus tard, première étape de l’enquête : on prévient Peled que l’ADNprélevé sur la victime a été isolé, prêt à être analysé. Le prélèvement estenvoyé au laboratoire de Jérusalem où il est placé en tête des analyses àeffectuer.
Le mardi suivant, à 16 heures, les résultats tombent.
Et établissent le lien avec l’ADN de Rubal Fadul, réfugié érythréen de 19 ans,vivant à Tel-Aviv. Le jeune avait déjà été arrêté l’été dernier, alors qu’iltentait de voler des sacs sur les plages de la Ville Blanche. La police avaitalors prélevé son ADN et l’avait photographié.
Une enquête dernier cri 
La photo de Fadul est alors téléchargée sur le WhatsApp(une application de messagerie pour Smartphones) des forces de l’ordre deTel-Aviv qui peuvent patrouiller avec le visage de l’agresseur sur leurstéléphones.
Peled se souvient : « Nous étions des centaines de policiers du quartieraccompagnés de la police des frontières et de détectives. Nous faisions duporte à porte dans la zone de l’agression. » Et d’ajouter : « Les prostitués etles drogués du quartier n’avaient aucune idée de ce qui se passait. » C’est àce moment-là qu’interviennent les services de renseignements. Nizar Saruf,détective druze arabophone, spécialisé dans la communauté des réfugiésafricains, envoie ses équipes collaborer avec la police. Ensemble, ils vontinterroger les habitants dans les bars, cafés et parcs des alentours.
Les témoignages des réfugiés se révéleront un atout inestimable pour l’enquête.« Ils ont un intérêt à évincer les individus tels que lui de leur communauté.Quand il se passe quelque chose de grave, ils coopèrent beaucoup avec nous, ilsne veulent pas de ces gens-là non plus ! », se félicite Peled.
Quelques heures plus tard, à 22 h 15, la police reçoit un indice d’un membre dela communauté. Fadul serait sur une plage de Tel-Aviv. Les équipes se mettenten route et l’arrestation du violeur se déroule sans incident. Un échantillond’ADN est à nouveau prélevé pour confirmer l’exactitude des résultats.
Quatre jours plus tard, plus d’une semaine après les faits, le terrible faitdivers est enfin relayé par les médias israéliens L’interdiction de publicationavait été décrétée en accord avec les journalistes pour éviter une montée destensions entre les vétérans israéliens et les réfugiés africains du sud deTel-Aviv.
« Si je cherche quelqu’un, chaque article paru dans la presse va le faire fuirencore plus. Nous voulions qu’il baisse sa garde, qu’il ne se sente pas traqué», explique Peled. Avant d’ajouter : « Les gens savaient globalement ce qui sepassait, ils n’avaient pas besoin que la presse le leur confirme… ».
Une arrestation peut en cacher une autre
Cette haut gradée affirme égalementque les équipes supplémentaires de police ont permis de mettre la main sur unindividu de 21 ans, David Gaberzagir, lui aussi érythréen.
Il avait été arrêté une première fois, il y a un an et demi, pour coups ettentative de viol sur une femme de 50 ans dans son appartement de Tel-Aviv.
Il avait toutefois été déclaré « irresponsable » pour motifs psychologiques,épargné de procès et envoyé au Centre psychiatrique Abarbanel de Bat-Yam pourtraitement. En novembre dernier, l’hôpital le libère pour bonne conduite, sansen avertir la police.
Deux jours plus tard, les enquêteurs déposent une nouvelle mise en accusationet apprennent avec stupeur que nul ne sait désormais où se trouve le suspect.L’opération pour retrouver Fadul a permis de faire d’une pierre deux coups.
Le 22 janvier, un proche de la victime de 83 ans est assis dans le jardin decelle-ci, et parle au téléphone. Lentement, il se dirige vers l’endroit del’agression, les mains tremblantes.
Il raconte que depuis un mois, la victime vit chez sa soeur, trop terrifiéepour rentrer chez elle. L’arrestation du coupable pourra peut-être luipermettre de réinvestir son lieu de vie.