Personnel tout terrain

L’unité de sauvetage Golan, qui vient de célébrer ses 30 ans d’activité, compte 70 volontaires.

P14 JFR 370 (photo credit: DR)
P14 JFR 370
(photo credit: DR)
« Il y a plus de gens qui proposent bénévolement leursservices que nous ne pouvons en recruter », explique Itzik Barak. « Mais ils nese rendent pas compte à quel point il est difficile d’aller secourir unepersonne à midi sous un soleil brûlant. » Le mois dernier, alors que lethermomètre atteignait des sommets, l’unité de sauvetage Golan a été appelée ausecours d’une randonneuse à Banyas. La jeune femme s’était cassé la jambe et nepouvait pas sortir seule du canyon.
Dans les minutes qui ont suivi l’appel, 20 volontaires ont abandonné la tâchequ’ils étaient en train d’accomplir pour courir remplir la mission. Ils ontquitté leur bureau ou trouvé quelqu’un pour garder leurs enfants et ont volé ausecours d’une femme qu’ils n’avaient jamais vue.
« C’est ça, la réalité. Ces volontaires ont l’impression d’avoir été envoyéspar Dieu pour sauver la vie de telle ou telle personne. Cela a plus de sens quetout le reste. C’est un privilège considérable ! » affirme Arik Ben-Haïm, 38ans, l’un des 70 bénévoles de l’unité Golan, qui vient de fêter 30 ansd’activité.
Ben-Haïm habite Bnei Yehouda. Il est manager pour la région nord chez le géantde l’alimentation Strauss. Malgré son emploi du temps surchargé, il a toujoursdans sa voiture son équipement de secouriste. « Il y a 13 ans, j’ai vécu uneexpérience que je n’oublierai jamais : c’était Shabbat, j’avais invité des amisà déjeuner à la maison. Tout à coup, ils ont reçu un message : on avait besoind’eux pour une mission de sauvetage. Ils sont partis sur-le-champ, presque sansdire au revoir. C’est ce jour-là que j’ai décidé de devenir moi aussi bénévole.» « Au début, je n’ai pas compris pourquoi ils partaient. J’ai même été un peuvexé. Mais quand je les ai vus changer d’expression, quand j’ai senti leurénergie et que j’ai remarqué les étincelles dans leurs yeux, je les ai enviés.J’avais envie de participer moi aussi. Depuis ce jour, je fais partie del’unité.
La fatigue, les muscles endoloris, le mal de dos, rien de tout cela ne peutgâcher la satisfaction que l’on ressent quand on sauve une vie. » 
Momentsinoubliables… 
Liat Neeman, 44 ans, abonde dans son sens. Mère célibataire,cette infirmière est l’une des cinq femmes de l’équipe, membre de l’unité Golandepuis 4 ans et demi. « Il est très gratifiant de secourir des blessés gravesdans des lieux difficiles d’accès », assure-t-elle. « On ne regrette pas lesefforts que cela réclame ! » Yerouham Kantman, 64 ans, qui vit dans le moshavKeshet, est bénévole dans l’unité depuis sa création. Il est religieux, maiscela ne l’empêche pas de répondre aux appels au secours le Shabbat. « Rienn’interdit de transporter une personne sur une civière le Shabbat en casd’urgence. Quel plaisir de lire la reconnaissance sur les visages quand lesgens voient arriver des inconnus prêts à prendre des risques pour eux, àconsacrer du temps et de l’énergie pour les aider ! Je me souviens d’une femmeenceinte qui marchait sur le sentier de randonnée inférieur de Zavitan et qui s’étaitdéshydratée. Nous étions les seuls à pouvoir la sortir de là.
C’est un moment que je n’oublierai jamais. » L’unité Golan fait partie de laGarde civile, qui couvre le coût des équipements et la formation de l’équipe.Le reste est financé par le Conseil régional du Golan et par les victimessecourues, qui expriment leur gratitude par des dons. Depuis sa création,l’unité a organisé 2 500 missions et secouru 5 000 personnes. Ces dernièresannées, le nombre de victimes secourues s’est élevé à une centaine par an, avecun taux de réussite de 98 %.
…et souvenirs difficiles 
Le terrain unique que constituent le Golan et laGalilée, avec ses falaises, ses sommets et ses torrents, rend le travailextrêmement difficile. Les randonneurs tombent, se font des fractures ou seperdent sur des pistes non balisées. « Nous avons besoin de brancards pour laplupart des sauvetages », raconte Itzik Barak, 52 ans, bénévole depuis 22 ans.« Nous nous rendons dans des zones très difficiles d’accès et transportonsensuite le blessé ou le malade jusqu’à un lieu accessible pour une ambulance ouun hélicoptère. » L’unité compte plusieurs équipes spécialisées : certaines encours d’eau violents, d’autres en escalade… Le nombre de personnes qui seportent volontaires augmente chaque année.
Hélas, certaines missions se terminent mal. « En 1991, une petite fille de 13ans s’était baignée dans une zone du Jourdain remplie de rochers », sesouvient-il. « Elle a été emportée par le courant.
Le moment où nous avons dû extraire son corps des eaux tumultueuses resteragravé à jamais dans ma mémoire.
Et aujourd’hui, quand je vois des gens mourir, je ne peux pas m’empêcher depenser aux familles qui sont chez elles et qui ne se doutent pas que, dansquelques minutes, elles vont recevoir un coup de téléphone qui détruira leurvie… » « On n’oublie jamais ceux qui sont morts dans nos bras », renchéritKantman, « alors qu’on tentait de les sauver. C’est la pire sensation que l’onpuisse éprouver : savoir que l’on n’est pas arrivé à temps, que l’on n’a pasréussi. » Ainsi, Ben-Haïm n’oubliera pas la petite fille de 2 ans qui s’estnoyée à Banyas, il y a 4 ans. « Nous l’avons cherchée 48 heures dans les eauxdéchaînées. C’est l’une des expériences les plus éprouvantes que j’aie vécuesdans ma vie. Trouver le corps d’une ravissante petite fille de 2 ans quand on asoi-même un enfant de 2 ans, c’est affreux », affirme-t-il. 
Repousser la mort 
Outre les difficultés, les membres de l’équipe ont des raisons d’être fiers deleurs nombreux succès, comme la localisation du corps d’Ira Gorvitz, dukibboutz Ginossar, disparue à l’âge de 20 ans. Au bout de 3 années derecherches infructueuses, le dossier avait été transmis à l’unité de sauvetageGolan, qui a mené son enquête pendant 6 mois, examinant les détails dont ondisposait, enquêtant, posant des questions, revérifiant chaque information. Enfin de compte, l’unité a retrouvé le corps au bord d’une falaise dans le sud duGolan.
Il a été très difficile de parvenir jusqu’à lui, car le terrain était miné etne pouvait être atteint que par des alpinistes.
« Nous n’avons pas sauvé Ira, mais au moins, sa famille a pu l’enterrer etfaire son deuil », dit Barak. « Il était tombé dans une zone où seule uneéquipe comme la nôtre pouvait le retrouver et apporter un peu de paix à sesproches. » Il y a quelques années, une jeune fille de 17 ans a été mordue parune vipère sur le sentier de randonnée Zavitan.
« Il était clair que, si nous ne réussissions pas à parvenir près d’elle àtemps, elle succomberait. Nous sommes partis en courant sur le terrainaccidenté », raconte Golan. « Quand nous sommes arrivés, elle présentait tousles signes d’une morsure de serpent très grave et nous avons craint pour savie. Nous l’avons sauvée, mais c’était moins une ! Il est impossible de décrirele sentiment que l’on éprouve quand on comprend que l’on vient de repousser lamort. » Un autre incident s’est déroulé il y a quelques semaines.
Un groupe de 70 adolescents qui se promenaient le long de la rivière Sion s’estperdu. La nuit, les températures sont glaciales ; il faisait nuit noire, desorte qu’il leur était impossible de sortir du canyon. D’autant qu’ils étaienttout près de la frontière libanaise et qu’ils craignaient de la franchir sanss’en rendre compte.
« Nous avons mis du temps à les localiser. Une fois que nous les avons ramenésà bon port, je leur ai fait la leçon, je leur ai expliqué qu’ils avaient étéinconscients. L’une des adolescentes m’a alors raconté que, durant ces heuresdifficiles où ils souffraient du froid et craignaient pour leur vie, ils seserraient les uns contre les autres et priaient pour que quelqu’un vienne lessecourir. Elle m’a dit : “Quand votre équipe nous a trouvés et que vous nousavez dit, ‘Bonsoir les amis !’ j’ai compris, l’espace d’un instant, ce qu’ontdû ressentir les otages d’Entebbé au moment où ils ont été secourus”. Je saisque tout cela paraît un peu mélodramatique, mais quand on a froid, faim etpeur, l’émotion est immense quand on vient vous chercher. C’est quelque chosede très fort. » 
Mi-anges, mi-gazelles 
Le général de réserve Zvika Fogel dirigel’unité Golan depuis quatre ans. « Ce type de volontariat est inconditionnel »,explique-t-il. « On peut être appelé 365 jours par an, 24 heures/24. Quand onreçoit un avis nous informant qu’il y a des blessés à secourir, tous lesbénévoles disponibles s’empressent d’intervenir. Si les réactions au premiermessage sont insuffisantes, on en expédie un deuxième et là, les membres del’équipe font des efforts considérables pour se libérer. Les habitués desrandonnées dans le Golan ou la Galilée savent qu’il existe une équipe surlaquelle ils peuvent compter en cas de problème. Ils savent que l’unité desecours Golan pourra les atteindre, même dans les zones les plus difficilesd’accès. » Au fil des ans, l’unité Golan est devenue une grande famille. Unefois sur le terrain, ses bénévoles travaillent en harmonie. Quand ils netrouvent personne pour les garder, il n’est pas rare qu’ils emmènent leursenfants avec eux en mission. Ceux-ci restent généralement dans le centre decommandement, mais dès qu’ils ont l’âge, ils sont ravis de participer etd’aider à porter le brancard.
« Il y a une vie avant et une vie après », affirme Efrat Ofek, professeure de38 ans, secourue alors qu’elle était en randonnée avec ses élèves sur le montArbel. « Pendant la promenade, j’ai commencé à me sentir mal. Tout à coup, jeme suis mise à vomir, à vomir sans arrêt. Apparemment, je faisais une crisecardiaque. J’avais les yeux et le cerveau en feu et je ne maîtrisais plus moncorps, je ne pouvais même pas me redresser. Et en plus, je me trouvais au bordd’une falaise. Je me disais qu’il serait impossible de sortir d’une tellesituation. Cela a été le pire moment de ma vie. Je mourais de douleur, j’étaisau bord d’une falaise, l’endroit le plus terrible pour se retrouver coincé,d’un point de vue topographique. Et puis, tout à coup, je les ai vus arriver.Ils escaladaient la falaise comme des gazelles. Ils étaient 15. Ils m’ont poséesur un brancard et m’ont transportée sous un soleil de plomb. C’étaitextrêmement difficile pour eux, mais ils étaient très professionnels. Ils ontfait ça vite et avec le sourire, sans rien attendre en retour ! » « Je nesavais pas qu’il existait des gens comme ça… Des personnes que je ne connaissaismême pas ont quitté leur travail au beau milieu de la journée pour voler à monsecours ! Cela peut paraître inconcevable. Ce sont des anges.
Il ne se passe pas un jour sans que je pense à eux. Cette expérience atransformé ma vie. Elle m’a aidée à relativiser les choses et m’a donnébeaucoup de force. »