Sur un pont étroit. Sans peur

Le sort des yeshivot Hesder ne tient qu’à un fil, depuis l’annulation de la loi Tal. Leurs défenseurs ont jusqu’au 1er août pour trouver une solution

religieux (photo credit: Reuters)
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(photo credit: Reuters)
 Quand la loi Tal a été annulée, le mois dernier, les yeshivot Hesder ont été les premières à en pâtir. Ces institutions sionistes-religieuses, qui combinent étude de la Torah et service sous les drapeaux, ont fait les frais de cette initiative qui les rendra illégales dès le premier août prochain. Sauf si elles s’ancrent dans une nouvelle législation.
Le programme Hesder est généralement considéré comme un succès ; et a même remporté le Prix Israël pour sa contribution à la société. De sorte que le président de la commission parlementaire constitution, droit et justice, David Rotem (Israël Beiteinou), et le député Zevouloun Orlev (Habayit Hayehoudi) étaient certains que leurs propositions à ce sujet ne rencontreraient pas de difficulté.
Des irrégularités se sont toutefois dressées sur la route législative du programme Hesder. Certains - comme Orlev - se sont sentis menacés, tandis que d’autres - comme Rotem - restent persuadés qu’avec un doigt de perspicacité politique, le Hesder survivra.
Si Tal tombe, quid du Hesder ? La loi Tal 2002 visait à encourager les étudiants de yeshivot ultra-orthodoxes à s’enrôler dans l’armée israélienne. Mais les clauses du texte ont été déclarées anticonstitutionnelles par la Cour suprême le mois dernier. Une décision qui a fait ricochet sur le programme Hesder. Ce dernier était réglementé par le ministère de la Défense, jusqu’à l’ajout de l’article 9 à la version finale de la loi Tal, il y a près de dix ans, qui légifère officiellement son statut. Les institutions sionistes-religieuses vivraient donc leurs derniers mois d’existence, après 59 ans de présence.
Les rabbins des yeshivot Hesder - soit quelques-uns des dirigeants les plus influents de la communauté sioniste religieuse - ont échoué à exprimer leur indignation ou à démarrer une campagne pour sauver leurs établissements. “Il n’y a pas de risque réel que le programme disparaisse”, précise cependant le directeur de l’Association des yeshivot Hesder, Eitan Ozeri, qui représente actuellement plus de 8 500 soldats-étudiants, de 68 centres d’études religieuses.
“Il s’agit d’une question entièrement politique, qui sera résolue politiquement”, a précisé de son côté le rabbin Youval Cherlow, doyen de la yeshiva Hesder de Petah Tikva. “Personne ne s’oppose au programme Hesder : ni les ultra-orthodoxes, ni la communauté laïque.”
Zevouloun Orlev, député Habayit Hayehoudi, qui a soumis l’un des deux projets de loi en attente de l’aval de la commission ministérielle, est inquiet. “Je suis dos au mur”, a-t-il déploré. “Les sionistes-religieux devraient s’inquiéter.”
Après tout, Orlev et le président de la commission parlementaire constitution, droit et justice, David Rotem (Israël Beiteinou), qui a proposé le premier projet de loi sur la question, étaient certains que leurs positions respectives obtiendraient le feu vert des ministres. Le porte-parole de Rotem avait même préparé un communiqué de presse annonçant l’adoption de la mesure.
Les ministres ont pourtant complètement effacé le sujet de leur ordre du jour, dimanche dernier, et tous les doigts se sont pointés en direction de la faction Judaïsme unifié de la Torah. En particulier vers le président de la commission parlementaire des finances, Moshé Gafni, au regard de sa décision de report.
Parallèle avec les yeshivot orthodoxes Conformément à la loi Tal, les yeshivot ultra-orthodoxes et Hesder sont tombées sous la rubrique “Torato Oumanato” (La Torah est sa profession). En vertu de ce paragraphe, le ministre de la Défense peut permettre à un homme qui étudie à temps plein la Torah de reporter son service militaire.
D’après Gafni, les yeshivot Hesder doivent rester dans la même catégorie législative que les yeshivot harediot, toutes deux des institutions d’étude de la Torah.
Quoi qu’il en soit, a-t-il ajouté avec un sourire, la loi Tal a été annulée en raison de l’inégalité qu’elle représente. Et les étudiants Hesder sont concernés par cette inégalité, parce qu’ils passent moins de temps que leurs pairs laïcs sous les drapeaux. “C’est inégal dans la mesure où vous ne pensez pas qu’étudier la Torah protège Israël”, a plaisanté Gafni.
D’après Cherlow, les partis ultra-orthodoxes veulent recouper sous une même législation leurs institutions et les yeshivot Hesder, pour ne pas endosser le mauvais rôle. Si “Torato Oumanouto” s’applique aux yeshivot Hesder, perçues favorablement par l’ensemble des Israéliens, l’opinion publique sera moins virulente face au faible taux d’enrôlement des haredim.
Et c’est cette vision ultra-orthodoxe que redoute précisément Orlev. Son parti a toujours représenté la communauté nationale religieuse, et en permettant aux établissements d’études qui encouragent les élèves à servir dans l’armée à tomber sous “Torato Oumanouto”, au même titre que les yeshivot harediot, les sionistes donneraient le feu vert au gouvernement pour “leur tirer le tapis sous les pieds”.
“Nous ne pouvons pas soutenir une loi qui légitime le fait de ne pas servir dans l’armée !”, s’est exclamé Orlev cette semaine.
Le pire scénario ? Que la loi Hesder ne passe pas parce que le Premier ministre veut apaiser les membres de la coalition ultra-orthodoxe, estime le député Habayit Hayehoudi. Dès lors, explique Orlev, “les religieux de 18 ans recevront des avis d’enrôlement.
Les rabbins ultra-orthodoxes indiqueront à leurs élèves de rester à la yeshiva, et ne vous inquiétez pas, il n’y a pas suffisamment de place en prison pour eux. La grande majorité des étudiants des yeshivot sionistes, de leur côté, rejoindront les rangs de Tsahal parce que leur idéologie leur dicte d’obéir aux lois de l’Etat hébreu”.
Quelle alternative ? Faute de solution de rechange à la loi Tal, il faudra trouver des arrangements, a souligné Orlev. Mais même une extension de la loi actuelle nécessitera une majorité à la Knesset. Israël Beiteinou votera contre, en accord avec son chef de parti - et ministre des Affaires étrangères - Avigdor Lieberman.
Car ce dernier a déclaré publiquement à plusieurs reprises s’opposer à la loi Tal. Et la majorité de l’opposition partage son avis, ce qui fait de l’extension de la loi, une option irréaliste. Finalement, la seule façon de conserver les yeshivot Hesder dans le climat politique actuel sera de les distinguer juridiquement de leurs homologues ultraorthodoxes, et d’adopter une loi en ce sens au plus vite. Le cas échéant, Orlev tenterait d’obtenir des députés de l’opposition qu’ils adoptent une loi protégeant les yeshivot. Au risque de causer des difficultés à la coalition.
Rotem semble cependant beaucoup plus optimiste quant aux perspectives de son projet de loi et au futur de la coalition. Peutêtre parce que sa faction est cinq fois plus importante que celle d’Orlev, et porte un poids politique plus lourd. Le député d’Israël Beiteinou a souligné que la Haute Cour de justice, Hanan Meltzer, avait déclaré dans son verdict sur la loi Tal que les yeshivot Hesder ne devraient pas être interdites.
“La question est entre mes mains”, a déclaré Rotem. “Et mes mains sont excellentes !”, a-t-il plaisanté, convaincu que son projet de loi serait adopté. “Après tout, a-til expliqué, les étudiants des yeshivot Hesder illustrent l’idéologie d’Israël Beiteinou : ils servent dans l’armée, sont sionistes et vont généralement travailler et payer des impôts. Le projet de loi va certainement renouveler le programme Hesder, parce qu’il a fait ses preuves et prouvé son efficacité.” Son regard sur le statut juridique des yeshivot Hesder se résume finalement par une citation célèbre du rabbin Nachman de Breslev : “Le monde entier est un pont étroit. Et le plus important : ne pas avoir peur” (Kol haolam koulo guesher tsar meod).
De fait, malgré l’étroite passerelle législative sur laquelle les yeshivot nationales religieuses stationnent, Rotem reste sans peur.