Après Dagan : Diskin

L'ancien chef du Shin Bet houspille Netanyahou et à Barak à propos de l'Iran. Des sources proches du ministre de la Défense dénoncent une manoeuvre politique

Youval Diskin et Meir Dagan (photo credit: © Marc Israël Sellem et Reuters)
Youval Diskin et Meir Dagan
(photo credit: © Marc Israël Sellem et Reuters)

Violente attaque de la part d’un ancien subordonné. L’ex-directeurdu Shin Bet (Agence israélienne de sécurité), Youval Diskin, s’en est pris àBinyamin Netanyahou et à Ehoud Barak, vendredi 25 avril. Selon lui, le Premierministre et le ministre de la Défense mentent quant à l’efficacité d’une frappeisraélienne sur l’Iran. Et il va même plus loin, leur prêtant des impulsions“messianiques”. “On présente au public une fausse image et c’est ce qui medérange”, a asséné Diskin en petit comité, à Kfar Saba.

“Netanyahou et Barak donnent le sentiment que si Israël n’agit pas, l’Iran sedotera de l’arme nucléaire.
La première partie de la phrase possède en apparence un élément de vérité. Maisdans la seconde, ils prennent le public pour, pardonnez-moi l’expression, “desimbéciles” ou des profanes... Ils font croire que si Israël agit, alors leprogramme nucléaire n’existera pas. Et ceci est la partie incorrecte de laphrase”, a déclaré Diskin.
Et de citer “de nombreux experts” stipulant que l’attaque militaire israéliennesur les sites nucléaires de l’Iran se traduirait par une accélération duprogramme iranien.
“Ce qu’aujourd’hui les Iraniens préfèrent faire lentement et calmement, ils leferont... rapidement et en moins de temps, après une attaque aérienne”, a-t-ilpoursuivi.
Diskin devient ainsi le deuxième personnage le plus éminent pour la Défense àquestionner publiquement la nécessité d’une frappe militaire israélienne, sejoignant à l’ancien chef du Mossad, Meir Dagan.
Lequel a déjà décrit une telle proposition, en ces temps qui courent, commerelevant d’une idée téméraire et insensé. Mais, l’ancien chef desrenseignements est allé plus loin que Dagan en indiquant vendredi : “Monprincipal problème sur cette question, c’est que je n’ai pas foi en ladirection actuelle de l’Etat d’Israël, qui va nous conduire à un événementaussi grand qu’une guerre avec l’Iran ou qu’une guerre régionale. Je ne croispas au Premier ministre ou au ministre de la Défense. Je ne crois vraiment pasen des dirigeants qui prennent des décisions basées sur des sentimentsmessianiques”.
Diskin a alors sorti de sa poche un texte contenant une citation biblique duProphète Zacharie, traitant des caractéristiques du Messie. Levant les yeux, ila demandé au public : “Est-ce ainsi que vous voyez nos deux messies ? L’unvenant d’Akirov (résidence de luxe à Tel-Aviv, où vit Barak) et l’autre deCésarée (où Netanyahou a une maison de vacances). Est-ce que ces deux-là sontvraiment des messies ?”.
Et de continuer sur sa lancée : “Je vous le dis, je les ai vus de près, et ilsne sont pas des messies. Ce sont des gens en qui je n’ai pas confiance pourdiriger Israël lors d’un événement d’une telle ampleur”. Vers la fin de sonintervention, Diskin a déclaré ne pas croire qu’une attaque sur l’Iran était,par définition, une “décision illégitime”. Il a ajouté : “Je suis juste trèspréoccupé car ce n’est pas eux que j’aimerais voir aux commandes à l’aube de cegenre de manoeuvres”.

La question palestinienne

Diskin a pris la tête du Shin Bet en 2005. En 2009,Netanyahou avait demandé que son mandat soit prolongé. Puis Diskin adémissionné en 2011, avant d’être remplacé par Yoram Cohen. Dans son discours,il a également blâmé le gouvernement de Netanyahou pour l’impasse actuelle danslaquelle se trouve le processus de paix avec l’Autorité palestinienne.

“Laissez tomber toutes les histoires que nous vendent les médias. Je vous ledis : nous ne parlons pas aux Palestiniens parce que ce gouvernement ne le veutpas.
J’étais là il y a encore un an, je connais ce dossier de près”.
Diskin a en outre accusé le gouvernement de n’avoir “aucun intérêt à résoudrequoi que ce soit avec les Palestiniens. “Le gouvernement sait que s’il fait leplus petit pas dans cette direction, sa base du pouvoir actuel et la fortecoalition vont s’écrouler. C’est aussi simple que cela”.
Il a ajouté qu’il ne défendait pas les Palestiniens et indiqué qu’Abbas “avaitfait des erreurs, mais que cela était moins important aujourd’hui”.
“En tant que peuple, nous avons un intérêt à faire la paix, le gouvernement,lui, n’en a pas”, a-t-il lancé.
Plus tôt, il avait déclaré que l’idée de parvenir à un règlement complet duconflit était utopique et irréaliste, et avait proposé de trouver une solution,dans les limites de la situation actuelle, passant par la mise en place de deuxEtats.

Réactions au sein du Likoud

Les dirigeants politiques ont vertement réagi auxcommentaires de Diskin. La parlementaire Carmel Shama-Hacohen (Likoud) a laisséentendre que les commentaires de l’ancien chef de la Sécurité intérieureétaient motivés politiquement, puisqu’ils coïncident avec une électionapprochante. “Si telles sont vraiment ses opinions sur le Premier ministre etministre de la Défense, nous aurions aimé que le chef du Shin Bet les énonce etagisse en conséquence en temps réel.

Et non pas qu’il attende l’année électorale”, a noté Shama-Hacohen.
Et pour le ministre des Transports Israël Katz (Likoud), les propos de l’ancienchef des renseignements intérieurs sont “brutaux et inappropriés”. En outre,a-t-il poursuivi : “Si ce sont ses opinions, il aurait dû les énoncer lors desforums appropriés, alors qu’il était encore en fonctions”. “Je pense que Diskina eu tort de faire de telles déclarations. Quand il reconsidèrera ce qu’il adit, il se rendra compte qu’il a fait une erreur”, a déclaré vendredi levice-Premier ministre Silvan Shalom (Likoud). Quant à la ministre de la Cultureet des Sports, Limor Livnat (Likoud), elle a jugé les propos de Diskin “inappropriés”, ajoutant qu’ils pourraient “endommager la réputation du pays”.Ni Barak, ni Netanyahou n’ont fait de commentaires sur les remarques del’ancien chef du Shin Bet, bien que des sources proches du ministre de laDéfense aient déclaré ironiquement samedi : “Nous le félicitons de son entréeen politique”.
Par ailleurs, un haut responsable a rappelé que Diskin avait travaillé avecBarak et Netanyahou, lequel avait demandé la prolongation de son mandat. “SiDiskin considère que Barak et Netanyahou sont si peu fiables, pourquoi a-t-ilvoulu travailler avec eux”, at- il questionné.