Et c’est reparti !

Des élections anticipées sont de nouveau à l’ordre du jour. Mais pourquoi Netanyahou choisit-il finalement de ne pas achever son mandat ?

Bibi P6 287269 (photo credit: Gali Tibbon Reuters)
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(photo credit: Gali Tibbon Reuters)
30 avril 2012, funérailles du professeur Benzion Netanyahou. Le président Shimon Peres déclare au Premier ministre en deuil que tandis que son père écrivait sur l’Histoire, lui la fait.
Une semaine plus tard, Benyamin Netanyahou mettait brutalement fin à l’idée d’élections anticipées pour donner une chance à son gouvernement d’être le premier à arriver à terme de son mandat, tel que fixé par la loi : le 22 octobre 2013.
Quel est le dernier dirigeant à pouvoir se targuer d’un tel exploit ? Difficile à dire. La dernière élection à s’être tenue en temps et en heure remonte au 1er novembre 1988, après plus de 4 ans d’une Knesset inchangée. Mais le gouvernement lui-même connut deux Premiers ministres, grâce à l’alternance, un accord de rotation entre Itzhak Shamir et Shimon Peres. Le premier mandat de Menahem Begin avait duré 4 ans, mais les élections de 1981, fixées au mois de novembre avaient finalement été avancées à 6 mois plus tôt. Golda Méïr en 1973 ? Son mandat a été prolongé à cause de la guerre de Kippour. En 1969, les élections se sont déroulées comme prévu le 28 octobre, mais le mandat précédent a vu se succéder deux Premiers ministres, suite au décès de Levi Eshkol puis son remplacement par Méïr.
Lors de la cadence précédente, Eshkol et Ben Gourion s’étaient partagé le pouvoir.
Ben Gourion a bien été le seul dirigeant de la 3e Knesset, qui a duré plus de 4 ans et les élections se sont tenues en novembre 1959.
Mais l’homme d’Etat a démissionné en 1957. Bien que ce soit pour reformer la même coalition une semaine plus tard, techniquement le gouvernement n’était plus le même.
Ainsi, la surprenante réponse à la question est donc : aucun. Aucun Premier ministre israélien n’a passé quatre années complètes à la tête du pays. Netanyahou, lui, en est potentiellement capable. Tout ce qu’il a à faire pour cela est de faire voter le budget 2013 et il pourrait alors entrer dans l’Histoire comme le chef de gouvernement le plus stable d’entre tous.
Laisser passer une occasion historique Mais il semble que Bibi se soit malgré tout de nouveau décidé à anticiper les élections.
Sauf changement de dernière minute, à la rentrée de la Knesset le 15 octobre, il devrait initier un scrutin pour février. Pourquoi donc Netanyahou, qui a pourtant un fort sens de l’Histoire, abandonnerait une si belle occasion d’y entrer ? Dans sa garde rapprochée au Likoud, on comprend les raisons du dirigeant. Mais la longue liste des échecs historiques à tenir un gouvernement jusqu’à sa date butoir est bien la seule raison, dit-on, de ne pas aller aux urnes plus vite que prévu.
Netanyahou devrait dévoiler les causes de la campagne anticipée lors d’un discours devant le cabinet ministériel le 14 octobre, ou encore lors d’une réunion du Likoud le lendemain. En attendant, voici les dix raisons avancées par son entourage.
Netanyahou devrait dévoiler les raisons de procéder à des élections anticipées lors d’un discours devant le cabinet ministériel le 14 octobre, ou encore lors d’une réunion du Likoud le lendemain.
1. L’Iran est toujours la première des préoccupations de Netanyahou. Et le Premier ministre voudrait se débarrasser des élections avant de s’attaquer au sujet proprement dit. Dans son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU, Bibi a prolongé la date butoir de la nucléarisation de Téhéran, l’avançant jusqu’au printemps ou l’été prochain. Ce qui lui donne le temps de gérer sa politique intérieure d’ici là. En mai dernier, lorsque les élections semblaient imminentes, Netanyahou avait expliqué qu’il le faisait pour “mener Israël face aux grands défis qui nous attendent”. Dans le cas où, toutes les autres options restées vaines, le Premier ministre devra lancer une guerre contre l’Iran, ses conseillers ne veulent surtout pas prendre le risque d’attaquer avant un scrutin. Car, de deux choses l’une : l’offensive sur les enceintes nucléaires de Téhéran peut faire de Bibi un héros, mais tout autant mettre un terme à sa carrière.
2. L’opinion du ministre de la Défense Ehoud Barak sur l’Iran a changé avec le temps. Les Américains, échouant à convaincre Netanyahou, ont réussi à persuader Barak de prendre davantage de précautions. Le Premier ministre n’avait pas voulu initier l’élection en septembre entre autres pour ne pas perdre son ministre de la Défense. Il avait peur en effet qu’un scrutin mette un point final à la carrière politique du si peu populaire Barak. Mais aujourd’hui, cela l’inquiète moins.
3. Netanyahou n’aime pas qu’on le contredise.
Le président Shimon Peres en a fait les frais récemment : Bibi n’a pas hésité à le tancer publiquement lorsqu’il a estimé que le chef de l’Etat avait franchi les limites, même si se mettre à mal avec celui qui choisira le prochain Premier ministre puisse sembler imprudent. Mais aller aux urnes maintenant tout en pointant du doigt le manque de loyauté de Barak pourrait dissuader les élus de lui tenir tête lors de son prochain mandat. Car même si Barak parvient malgré tout à se faire élire à la prochaine Knesset et redevenir ministre, il devrait se montrer plus discipliné dans ses contacts avec l’administration américaine.
Cet effet de dissuasion est important pour Netanyahou qui craint que Barak et le président Obama ne conspirent contre lui sur le dossier palestinien.
4. Dans le communiqué publié par son bureau de presse évoquant la possibilité d’élections anticipées, Netanyahou met un point d’honneur à rappeler qu’il irait aux urnes après quatre années complètes aux responsabilités. Il a été élu le 10 février 2009 et si le scrutin se tenait le 12 février 2013, ce serait sans conteste un beau succès. Ce n’est pas la faute de Netanyahou si la loi suit le calendrier juif, fixant son mandat actuel à une durée de 4 ans et 9 mois (jusqu’en octobre 2013).
5. Les sondages sont bons. Selon une enquête Dialog pour le journal Haaretz publié avant Souccot, le Likoud obtiendrait 28 sièges (contre 27 actuels) et le bloc de centre-droit passerait de 65 à 66 mandats.
Ce sondage indique que la popularité de Bibi s’est remise des décisions mal perçues cet été sur l’enrôlement des étudiants de yeshiva et le gouvernement d’unité nationale avec Kadima. Mais comment être sûrs que cette cote reste stable jusqu’à l’année prochaine? 6. Le bon score de Netanyahou s’explique en partie parce qu’aucun leader du centregauche ne lui fait vraiment d’ombre. Et le Premier ministre craint que les 4 partis du bloc ne se réunissent pour lui porter l’estocade.
C’est pourquoi il souhaite tenir le scrutin tant que ses concurrents restent divisés.
7. Certains membres influents du Likoud tendent à penser que l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert sera toujours en procès en octobre prochain, mais pourquoi en prendre le risque ? L’entourage de Netanyahou a beau répéter qu’Olmert n’est pas un sujet de préoccupations, son retour potentiel pourrait fort bien changer la donne. Il serait donc sage de faire campagne alors que le scandale de corruption Holyland est en cours de jugement et que le bureau du procureur s’apprête à faire appel dans l’affaire Talansky, où Olmert a été acquitté.
8. Ah oui, bien sûr ! Le budget. C’est la raison officiellement avancée pour anticiper les élections. Elle est moins importante que les 7 autres citées ci-dessus, mais c’est un facteur. D’aucuns diront que repousser les élections est mauvais pour l’économie car le budget 2010 resterait en vigueur pendant 2 ans et demi. Mais, au ministère des Finances, les hauts responsables ne perdent pas le nord. L’augmentation de la TVA a déjà eu lieu, ce qui fera entrer des millions de shekels dans le coffre du gouvernement.
Mais les mesures promises par le ministère aux différents corps de métiers n’entreront en vigueur que lorsque le prochain budget sera voté. C’est ce que les économistes appellent “la responsabilité fiscale”.
9. En mai dernier, lorsque les élections devaient déjà être avancées, Netanyahou avait expliqué qu’il ne pouvait plus gérer les menaces de ses partenaires de coalition de violer la discipline parlementaire et d’agir indépendamment. C’est toujours d’actualité et pas seulement pour Shas et le parti de Barak sur les questions de budget. Bibi craint qu’Israël Beiteinou ne se fâche avec le parti Judaïsme unifié de la Torah (JUT) sur l’enrôlement des étudiants de yeshiva. Et peu importe qui en sera le vainqueur, les primaires du parti religieux, prévues le 6 novembre, vont encourager les candidats à montrer les crocs. En particulier du côté de Naftali Bennett, que Sara Netanyahou déteste cordialement. Mieux vaut donc aller aux urnes dès à présent, et éviter de tels débordements.
10. Le Premier ministre regrette d’avoir formé un gouvernement d’union nationale en mai. S’il avait lancé un scrutin pour le 4 septembre, il aurait d’ores et déjà été plébiscité par l’électorat. Et aurait pu débarquer à l’ONU auréolé de popularité. Or, Bibi fait toujours très attention à ne pas répéter deux fois les mêmes erreurs. C’est, après tout, l’une des plus grandes leçons de l’Histoire.