Investisseur cherche hôtels désespérément

Développer la capitale israélienne dans le domaine de l’hôtellerie. Telle est la tâche que s’est fixée un millionnaire australien

Hotel (photo credit: Avec l’aimable autorisation de Jérusalem 5800)
Hotel
(photo credit: Avec l’aimable autorisation de Jérusalem 5800)

L’Australien Kevin Bermeister a créé le logiciel de partage de fichiers dela compagnie Kazaa. Il a surtout été l’un des premiers investisseurs dulogiciel Skype. Ce magnat de la technologie numérique est tombé amoureux deJérusalem dès sa première visite, en arpentant les ruelles historiques,rencontrant des habitants et des dirigeants de la ville. “ Jérusalem est trèscomplexe, et cela me fascine”, s’enthousiasme Bermeister. La dernièreentreprise du millionnaire australien est l’acquisition d’un fondsd’investissement qui augmentera le parc hôtelier de Jérusalem de 400 % au coursdes 28 prochaines années.

Le premier séjour de l’homme d’affaires en Israël date de 2004. Depuis, ilvient environ six fois par an : une escale au cours des six ou sept “tours dumonde” qu’il effectue chaque année dans un but professionnel.

Mais s’il est subjugué par les vieilles pierres de la capitale trois foismillénaire, l’homme se déclare surtout frappé par le fort niveau de pauvretérégnant et les petits boulots dont doivent se satisfaire bon nombre de seshabitants. “Je deviens de plus en plus habitué à la ville, j’ai commencé àcomprendre ses centres d’intérêts, la richesse de l’archéologie, de l’histoire,de la religion, de la spiritualité, mais le tourisme souffre”, explique le millionnaire.“Il y a un blocage anormal pour le développement touristique dans Jérusalem, etj’essaie de trouver pourquoi”, poursuit Bermeister, confortablement installédans le lobby du Leonardo Inn. Un hôtel qu’il vient d’acquérir pour la modiquesomme de 70 millions de shekels. “Cette industrie n’est pas exploitée commeelle pourrait l’être”.

Si quelqu’un partage son point de vue, c’est bien le maire actuel de Jérusalem.Nir Barkat attend des projets depuis des années. Son objectif est clair : fairegrimper le nombre annuel de visiteurs à Jérusalem de 3 à 10 millions en dixans. Pour ce faire, il compte sur la publicité, une amélioration desinfrastructures et une meilleure sensibilisation du reste du monde.

Mais Bermeister n’est pas un politicien, et s’exprime en homme d’affaires. “Finalementj’en arrive à la conclusion que l’absence d’hôtels a freiné la ville dans ledéveloppement de ses services”, confie-t-il.

Bermeister souligne qu’au cours des dix dernières années, Jérusalem s’est dotéede seulement 300 chambres d’hôtels supplémentaires, portant le nombre total à10 000. La faute à l’“effet de recul” qui a suivi la seconde Intifada,expliquet- il, le tourisme en Israël a chuté, rendant les investisseurs trèsfrileux pour s’engager dans des projets touristiques.

Dans 27 ans...

La municipalité reconnaît la pénurie d’hôtels. Dès 2010, elle a commencé àtravailler avec le ministère du Tourisme. Objectif : débloquer 400 millions deshekels pour aider les hôtels à se développer dans la capitale, sous formed’avantages et d’allégements fiscaux. Mais Bermeister vise haut. Pas questionde se contenter de doubler la capacité hôtelière de la ville. Il n’ambitionnerien de moins qu’un parc de 40 000 à 50 000 chambres.

Le millionnaire est conscient de l’ampleur des problèmes de Jérusalem. Plus tôtdans l’année, il s’est lancé dans un nouveau projet pour la ville, baptisé“Jérusalem 5800”, l’année hébraïque qui correspondra pour le calendrier romainà 2039. Son plan s’inspire de projets déjà existants de la municipalité et dela Knesset, associés à de nouvelles idées.

Parmi les idées évoquées avec une équipe d’experts israéliens - dontl’architecte Shlomo Gertner - Bermeister envisage de doter la ville d’un métroqui deviendrait un modèle pour le tourisme mondial. D’autres, comme la mise enplace d’un chemin de fer de Beyrouth à Damas, ne semblent pas vraimentréalisables. Mais Bermeister explique que l’objectif majeur du projet est deservir deux causes.

D’abord, permettre à son équipe de comprendre Jérusalem en rencontrant lesorganes du gouvernement et membres de l’establishment israélien. Mais aussi,aider les leaders de la ville à adopter un regard à long terme, et à son groupede présenter de nouvelles idées avec l’espoir de forcer les dirigeants à yrépondre.

Bermeister est déjà connu à Jérusalem pour faire partie des investisseurs juifsqui a acheté Nof Zion, un complexe d’appartements juifs du quartier de JeblMukaber, en 2011, dans la partie est de Jérusalem. Nof Zion était sur le pointd’être acquis par un homme d’affaires palestinien, Basher Al Masri, qui souhaitaitdévelopper les 300 appartements restants pour des familles arabes. MaisBermeister et le magnat des supermarchés, Rami Levy, sont intervenus avec uneoffre qui a davantage intéressé la banque Leumi.

Entre commerce et philanthropie

Parmi ses conseillers, Bermeister compte l’activiste de droite Aryeh King,d’Israel Land Fund. Et au sein de son équipe, aucun Arabe. Pour autant, lemilliardaire soutient que son projet est apolitique.

Bermeister n’a pas attendu que les politiciens se penchent sur sa vision de laville, il a déjà mis son projet en action. Le 16 août dernier, un grouped’investisseurs dont il est à la tête, a fait l’acquisition de son premierhôtel israélien (et premier hôtel tout court pour l’Australien), le LeonardoInn, pour 70 millions de shekels. C’est le premier achat du groupe, baptisé leFonds de développement touristique de Jérusalem, dont le but consiste à acheterdes hôtels, les rénover, puis les vendre avec un bon profit.

Loin de Bermeister, inexpérimenté dans l’hôtellerie, l’idée de se transformeren gestionnaire d’établissements, mais simplement de les revendre après lesavoir développés à leur meilleur potentiel. “Il y a une pure motivationéconomique derrière tout cela”, note l’homme d’affaires. “C’est géré comme uneentreprise commerciale, même si, à la fin, le résultat a aussi un effetphilanthropique”.

L’Australien considère que le développement de l’hôtellerie et du tourismepeuvent générer des centaines d’emplois dans une ville où la population estnombreuse à pointer au chômage ou à exercer des métiers non qualifiés, surtouten ce qui concerne la population arabe. Le Fonds de développement touristiquede Jérusalem est désormais en bonne voie pour l’acquisition d’un autre hôtel,et en négociation pour quatre autres complexes hôteliers de la ville.

Le Leonardo Inn, situé dans le prolongement des grands hôtels à l’entrée deJérusalem, était un produit attractif pour le Fonds d’investissement deBermeister. Les règlements de la zone viennent tout juste de changer, suite àl’approbation par la municipalité d’un nouveau projet : un centre d’affaires de12 gratte-ciel. Le Leonardo Inn, actuellement fort de 150 chambres, vient d’êtreautorisé à s’étendre à 400.

Bermeister, issu du monde de la technologie et du virtuel, se dit prêt àrelever le défi. Et ce, quelle que soit la dure réalité de Jérusalem. “C’estimportant de se mettre au service des pauvres à travers des opportunitésd’emploi dans le tourisme”, confie l’homme d’affaires. “Ce qui me frustre plusque tout, c’est que la ville pourrait se développer si les bons investissementsétaient faits”.