L’arbre qui cachait la forêt

Le député d’Israël Beiteinou demande haut et fort une réforme du système sous peine de débâcle annoncée

arbre (photo credit: Reuters)
arbre
(photo credit: Reuters)

La récente abrogation de la loi Tal par la Cour suprême estla chute bienvenue d’un état de fait injuste. La loi Tal n’était que lesymptôme d’une maladie beaucoup plus grave dont souffre Israël : une rapidedétérioration de son système politique.

Le système électoral et gouvernemental israélien s’avère un échec qui nous mènetout droit vers une paralysie politique. La catastrophe est imminente, et ilsera bientôt trop tard pour effectuer les changements nécessaires. Au cours desjeunes années de notre Etat, le système était jugé convenable au regard de laconjoncture particulière à laquelle il était confronté, mais depuis de tropnombreuses années, le système est, reconnaissons- le, moins utile et efficace.
En Israël, il n’y a pas de séparation suffisante des pouvoirs. Environ un tiers des membres de la Knesset sont ministres ou viceministres etont donc interdiction de proposer des lois ou de participer aux commissions.Résultat : peu de contrôles ou de contrepoids. En fait, c’est plutôt l’inverse.En tant que membre de la Knesset, je suis censé surveiller ma propre fonctionde viceministre des Affaires étrangères.
Autre caractéristique : le seuil électoral est parmi les plus bas mondiaux, cequi permet aux partis représentant des intérêts réduits de contrebalancer ceuxau pouvoir. Selon les enquêtes, près des trois quarts des décisionsgouvernementales ne sont pas appliquées. Nos structure et culture politiquesmanquent cruellement de crédibilité et de responsabilisation.
Conséquence de ce système pesant, nous avons changé de gouvernement, enmoyenne, tous les deux ans depuis la création de l’Etat. Un état de fait quiempêche tout libellé approprié et application d’une politique sur le longterme.
Ce ne sont là que quelques-uns des inconvénients qui conduisent le systèmepolitique vers la stagnation et même l’effondrement. Nous devons examiner les défis et crises rencontrés au cours des dernièresannées afin de comprendre que la source du problème et le manque de solutionssont liés à nos méthodes actuelles. La pénurie de logements et le coût élevé dela vie qui ont fait descendre les foules dans la rue l’été dernier résultent del’absence d’une politique socio-économique de longue haleine. Il n’existeaucune politique de logement cohérente qui réponde aux besoins d’une populationcroissante. Les intérêts à court terme ont pris le pas sur les besoins dupublic et conduit à un élargissement des écarts sociaux.
Si la catastrophe de l’incendie au a pris de telles proportions, c’est parce que les fonds nécessaires au maintienet à l’amélioration des services de pompiers et de secours ont été redirigéspour mieux répondre à des intérêts étroits.
La lutte pour la légitimité d’Israël est notre nouvelle guerre. Comparés au narratif palestinien articulé, cohérent et récurrent, nos messagesempâtés fluctuent, selon les gouvernements, agendas et même membres de lacoalition successifs.
Souvent mes homologues de la communauté internationale me demandent avecembarras quelle est la version officielle d’Israël. Dans la plupart des nations du monde, le ministre du Logement serait incapablede faire des déclarations publiques sur des questions de sécurité nationale.
Ces dernières semaines, nous avons été témoins d’une farce dans les Chemins defer nationaux. De nombreux citoyens se sont retrouvés sans aucun moyen de serendre sur leur lieu de travail. La présidente du comité des employés deschemins de fer Guila Edri a vu défiler 12 ministres des Transports en 22 ans decarrière. Y a-t-il lieu de s’étonner qu’elle sente que c’est elle qui est auxmanettes des trains ?

Un jeu de chaises musicales

Depuis des décennies, lesambitions nucléaires de l’Iran ne sont un secret pour personne. Aujourd’hui, alors que l’alarme est sur le point de sonner, nous sommesdésespérément à la recherche d’une solution tactique en lieu et place d’unestratégie mûrement réfléchie. Ces 20 dernières années, alors que l’Iran mettaitlentement mais sûrement au point son programme pour devenir le danger très réelet présent qu’il représente aujourd’hui, 10 ministres de la Défense se sontsuccédé en Israël. Tandis que les Iraniens se dotaient d’armes nucléaires, nousétions occupés à organiser de sempiternelles élections. La sécurité d’Israël,et du peuple juif en général, ne doit pas se résumer à un jeu de chaisesmusicales.

Toutefois, la menace à long terme de ce pays est le ratio de plus en plusinsupportable entre ceux qui contribuent à l’Etat et ceux qui se contentent derécolter les fruits de la peine des autres. Dans le système déficient actuel, il faut courtiser les petits partis pour établirune coalition. C’est ainsi que les grands partis ont concédé à des exigencesminimales de participation à l’effort national, afin de maintenir une sorte depseudo-stabilité.
Dans les premières années de l’Etat, la grande majorité de la population mettaitla main à la pâte ; elle travaillait, payait ses impôts, servait dans l’arméeet faisait partie d’une société au sens plus large. Ceux qui recevaient sansdonner en retour étaient beaucoup moins nombreux. Mais dans un proche avenir, la moitié de la population israélienne profitera del’Etat sans nullement y contribuer. Les autres croulent sous le fardeau fiscal,avec l’accroissement des exigences professionnelles et sécuritaires. Tellessont exactement les caractéristiques d’une société à l’avenir précaire.
Sous le système actuel, tandis que les acteurs politiques défilent, lastructure pourrie, elle, demeure. Si de temps en temps on entend certaines voixdans la mêlée demander une réforme du gouvernement et des élections, elles nesont rien de plus qu’un bruit gênant aux oreilles de l’establishment.
Certains souhaitent que le débat reste confiné aux cercles universitaires, ouqu’il s’évanouisse, tout simplement. Les “capitaines” de la démocratie dontl’avenir politique est menacé par le changement sont paralysés alors que le“Titanic” est en train de couler.
Pour une séparation des pouvoirs

En tant que politiciens et fonctionnaires élusdu peuple, nous devons agir de façon responsable. Israël doit adopter une véritable séparation des pouvoirs.

Le pouvoir exécutif doit être composé de personnes choisies en fonction de leurexpertise et compétence et non suite aux pressions de formation de coalition.
Nous devons élever le seuil électoral afin de stabiliser le leadership sanspour autant porter atteinte à sa représentativité. Nous devons établir une constitution qui fera respecter l’esprit de notreDéclaration d’Indépendance et remplacer les actuelles loisquasiconstitutionnelles de base définies par la magistrature. La constitutiondéfinira la nature d’Israël comme un Etat juif et démocratique, en façonnerales valeurs fondamentales, et dictera ses responsabilités envers ses citoyenset la responsabilité de ses citoyens envers l’État. La constitution serarédigée après délibérations et constituera un thème fédérateur et non une pommede discorde.
De nombreuses réalisations de l’Etat juif ont été acquises en dépit du systèmeet non grâce à lui. Israël est peuplé de gens merveilleux aux capacités morales et créatives. Notrepeuple est digne d’un système qui répondra à ses intérêts et mènera notrenation vers un avenir meilleur, plus sûr et plus équitable.

L’auteur estvice-ministre des Affaires étrangères et député d’Israël Beiteinou. Cet articled’opinion est basé sur un discours prononcé devant la Knesset la semainedernière lors d’une conférence initiée par Ayalon sur la nécessité d’uneréforme politique et électorale.