Mûr pour le changement

Pour Assaf Zamir, le plus jeune adjoint au maire de l’histoire d’Israël, le changement est possible. A condition que les citoyens s’impliquent davantage dans la politique

Assaf Zamir est un ovni. Illustre inconnu de 28 ans en 2008, il parvient à réaliser un parcours politique sans fautes, que beaucoup estimaient impossible en Israël. Le succès inattendu du jeune parti qu’il a fondé, Rov Hair (“la majorité de la ville”), aux élections municipales de Tel-Aviv, a fait de lui un partenaire incontournable dans la gestion de sa ville ; et le voilà propulsé adjoint au maire de la Ville blanche. Jamais on n’avait vu un candidat aussi jeune parvenir ainsi à un poste-clé de la politique locale...

Comment ce jeune avocat stagiaire sans expérience politique a-t-il pu réaliser un tel exploit ? “Je suis un habitant de Tel Aviv de la quatrième génération”, explique-t-il fièrement.
“J’aime cette ville. Avant la création de Rov Hair, notre groupe était déjà connu ici, en particulier sur la scène culturelle et auprès des habitués de la vie nocturne. À mon avis, ce qui a fait notre popularité, c’est que nous avons mené une campagne sincère et vraie, inspirée d’un mouvement populaire citoyen et centrée sur des questions très importantes pour les jeunes de cette ville.”
Assaf reconnaît aussi devoir en grande partie son succès à un phénomène nouveau en 2008 : les réseaux sociaux, et en particulier Facebook, dont son parti a su tirer profit.
Une véritable révolution à l’époque ! “2008 a été l’une des années où Facebook a le plus influencé les scrutins”, affirme-t-il. “A l’époque, c’était aussi le début de la campagne présidentielle aux États-Unis, la fièvre-Obama, tout le monde était optimiste en matière de politique et sur le potentiel des réseaux sociaux.”
En invitant des personnalités de la politique et du showbiz à soutenir sa campagne sur YouTube, dans des clips qui circulaient sur Internet, le parti a su éveiller la conscience politique et la volonté d’agir, en particulier chez les jeunes, à des niveaux jamais égalés.
De la nécessité d’entrer en politique

A cette époque, pourtant, certains avaient déconseillé à Assaf d’abandonner une prometteuse carrière d’avocat pour se lancer dans la politique. “Quand j’ai dit à mon père que je voulais créer mon propre parti et me présenter aux élections municipales, il m’a traité de fou”, confiet- il. “Et pendant la campagne elle-même, pratiquement aucun élu de la municipalité n’a accepté de s’associer avec nous, non pas parce que nous dérangions, mais parce qu’ils considéraient que nous n’étions pas sérieux.”

Ils se trompaient. En trois ans, Assaf a pris sa mission à bras-le-corps, il a mis en oeuvre un ambitieux programme politique couvrant un grand nombre de domaines, du logement à l’éducation, en passant par les arts et la technologie.
Après avoir assisté, depuis les premières loges, à la volonté de changement au niveau municipal, le jeune adjoint au maire a également accordé son attention au drame national qui s’est joué dans les rues de Tel-Aviv et à travers le pays tout entier.
Alors que le mouvement de protestation sociale de l’été battait son plein, il a décidé, avec Ofir Yehezkeli et Ofer Berkovich, deux autres jeunes leaders politiques, de fonder un nouveau mouvement citoyen appelé Mitpakdim, pour encourager les Israéliens de tous bords à s’investir dans la politique en prenant la carte du parti de leur choix, afin de participer aux primaires et d’avoir leur mot à dire dans le choix du candidat censé les représenter aux élections générales.
“Quand le mouvement des tentes a débuté, j’ai eu l’impression que j’étais parti avant la course”, explique l’adjoint au maire. “J’étais une voix progressiste qui faisait déjà partie de l’institution, si vous voulez, et qui était mêlée aux décisions en tant que membre d’une coalition.
Cela dit, il m’a semblé que le mouvement de protestation sociale ne prenait pas la bonne direction. Pour moi, la seule et unique façon de faire changer les choses, c’est d’entrer dans le système politique. Cela vous donne la légitimité et, bien sûr, la capacité de décider des choses.”
Encarter les 400 000 manifestants de Kikar Hamedina

“Malgré tous ses défauts, le système lui-même est mûr pour le changement pour ceux qui veulent s’y investir activement. Le problème, c’est qu’en Israël, les classes moyennes ont décidé de ne pas le faire du tout. Le mouvement social a eu si peur d’être étiqueté ‘politique’ que ses initiateurs n’ont même pas été prêts à dire : Réveillez-vous ! S’ils ne sont pas prêts à entrer dans le système, le système continuera à n’en faire qu’à sa tête, puisqu’il est construit de telle façon qu’il ne nourrit que ceux qui en font partie. Et la grande majorité des citoyens n’en fait pas partie...”

Il est vrai que les derniers chiffres de participation aux primaires des différents partis sont décevants : alors que 65 % de la population se déplace aux urnes pour les élections générales, ils sont à peine 116 000 (soit 2 % des électeurs) à être inscrits à un parti.
“Si les 400 000 manifestants de Kikar Hamedina entraient dans un parti, cela changerait fondamentalement la carte politique, et donc toute la direction politique du pays”, assure Assaf.

Malgré son ascension fulgurante dans la politique locale, Assaf Zamir est satisfait du poste qu’il occupe, et déclare ne pas avoir d’aspirations nationales, du moins pour le moment. “Il y a encore beaucoup à faire à Tel-Aviv et je pense déjà à ma réélection, afin de pouvoir poursuivre toute l’oeuvre que nous avons déjà accomplie jusqu’à présent”, explique-t-il.
En véritable Israélien qu’il est, Assaf préfère les actes aux paroles. L’avenir nous dira si les citoyens ont entendu son appel et se sont transformés en “acteurs” en rejoignant un parti, au lieu continuer à se plaindre et à critiquer tout en restant sur la ligne de touche.