Opération à Gaza : quel impact sur les élections ?

Le scrutin du 22 janvier pourrait être retardé.

Benyamin Netanyahou (photo credit: )
Benyamin Netanyahou
(photo credit: )

Nouveau chambardement dans un calendrier électoral déjà plus que bousculé.

Samedi 17 novembre, des sources au Likoud affirmaient que l’opération “Pilier de défense” pourrait repousser l’échéance des primaires du parti, prévues dimanche 25 novembre. Et, par ricochet, les élections législatives du 22 janvier.
Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a ainsi demandé à 3 membres de sa formation de déterminer si la liste du parti pouvait, oui ou non, être élue au beau milieu de l’opération militaire : l’avocat du Likoud Avi Halevy, le directeur de campagne Tzahi Braverman et le conseiller politique du Premier ministre Gabi Kadosh. La date-limite du dépôt des listes à la Commission centrale électorale est le 6 décembre.
“Si Pilier de défense continue, il sera impossible de tenir les primaires dans les grands partis”, a déclaré le ministre de l’Environnement Guilad Erdan lors d’un événement culturel à Ness Ziona. “Les élections internes devront être repoussées, afin que les électeurs ne soient pas exposés sur le chemin des bureaux de vote”.
La députée Carmel Shama-Hacohen, dont la réélection s’annonce difficile, a écrit à Netanyahou pour lui demander de retarder les primaires en affirmant qu’il serait déplacé de tenir le scrutin alors que tant de membres du parti ont été appelés sous les drapeaux.
Au Likoud, des poids lourds de la formation ont affirmé que le chef du gouvernement pourrait facilement obtenir de la Knesset qu’elle retarde les élections générales.
Une démarche tout à fait possible puisque la date-butoir légale du scrutin est fixée au 22 octobre 2013. Mais l’entourage de Bibi l’a prévenu : repousser pourrait apparaître comme un signe de faiblesse. “Ce n’est pas la guerre de Kippour”, a rappelé un de ses proches conseillers, alors que le conflit de 1973 avait eu pour conséquence de retarder les élections législatives.
Candidats mobilisés 
De son côté, le parti travailliste devrait suivre le mouvement. Ses propres primaires sont fixées au 29 novembre. La formation a publié un communiqué samedi pour louer le grand nombre de ses membres mobilisés, y compris son directeur de campagne Itai Ben-Horin et les nouveaux candidats à la Knesset Omer Bar-Lev et Itzik Shmouli. Les anciens dirigeants de Kadima, Ehoud Olmert et Tzipi Livni, sont demeurés silencieux pendant le week-end quant à leur avenir politique.
Livni a seulement prévenu qu’Israël devait élaborer une stratégie pour sortir de Gaza avant que la pression internationale ne se fasse trop sentir. Dans l’entourage d’Olmert, on minimisait les résultats du sondage Smith Research publié vendredi 16 novembre par le Jerusalem Post, indiquant que son retour en politique n’était pas souhaité par les électeurs, pas même par les soutiens de Kadima. Selon cette source, l’ancien Premier ministre serait en possession de sondages complètement différents.
Egalement à Ness Ziona, le leader de Yesh Atid, Yaïr Lapid, a déclaré que le gouvernement agissait correctement. Une réaction “disproportionnée” de la part d’Israël est nécessaire, a-t-il encore affirmé, car l’Etat ne peut permettre au Hamas “de dicter la hauteur des flammes” dans ce conflit. “Que le Hamas ait élargi la portée de ses tirs vers le centre du pays ne constitue pas le franchissement d’une ligne jaune. Tirer sur les habitants du sud d’Israël suffit amplement” a-t-il rappelé. “Notre but est de restaurer le calme tout en conduisant des négociations avec l’Autorité palestinienne”, a conclu Lapid avant de se prononcer contre le report des élections.

 


Conflit sur toile


Tsahal fait usage des réseaux sociaux pour sa communication.


NIV ELIS


Les usagers de Twitter ont été les premiers informés. Mercredi 14 novembre, à 16h17, Avital Leibovich, porte-parole de Tsahal, tweetait le message suivant : #Urgent: #Tsahal a lancé une opération contre les factions terroristes de #Gaza à cause des perpétuelles attaques sur les #civils israéliens.
Peu après, le compte anglais de l’armée mettait en ligne : “Première cible atteinte il y a quelques minutes. C’était Ahmed Al- Jaabari, chef de la branchée armée du #Hamas”.
Quelques minutes plus tard, l’armée mettait à jour son blog, sa page Facebook et d’autres comptes sur les réseaux sociaux avec des descriptifs de l’opération, des cartes, des vidéos et des informations constamment mises à jour. Pour la première fois de l’Histoire, une large opération de l’armée israélienne était tweetée en direct.
“En vérité, Tsahal a toujours été très actif en ligne”, explique Larina Boykis, manager à l’agence de réseaux sociaux Blink. “C’est simplement la première grande opération qu’ils tweetent”. A l’époque de Plomb durci, les réseaux sociaux étaient beaucoup moins importants. Alors que les condamnations pleuvent après l’opération de 2008-2009, l’unité du porte-parolat réalise qu’elle peut avoir recours aux platesformes sociales pour démontrer la difficulté de toucher des cibles militaires cachées dans des zones urbaines. La tendance est lancée. “Je pense que l’armée s’est aperçue que l’on pouvait utiliser les réseaux pour faire parvenir l’information au grand public, chose qui a toujours été difficile pour elle”, dit Boykis.
En 2010, au beau milieu de la crise du Mavi Marmara, Tsahal ouvre son compte Twitter en anglais, fort, aujourd’hui, de 97 500 abonnés. Et son arsenal médiatique se dispense également en hébreu, français, russe et arabe. Ce qui aide notamment les soutiens d’Israël à faire passer les messages en relayant facilement les informations sur la toile.
Au-delà des informations de sources officielles, Twitter et Facebook servent également à informer le public des derniers événements. Les sites communautaires ont par exemple été les premiers à se faire l’écho de la sirène sur Tel-Aviv, jeudi 15 novembre. Depuis, à chaque alarme, les usagers se jettent immédiatement sur les Smartphones. Ce mode d’échange, vivant et personnel, est devenu plus réactif que les sites d’informations en ligne.


Calculs guerriers

L’offensive militaire est cruciale pour les élections à venir.


MYRIAM KALFON


D’emblée, l’opération “Pilier de défense” a été taclée par certains comme un opportunisme électoraliste de la part du gouvernement. Les accusations sont venues du camp palestinien comme de l’opposition israélienne la plus radicale. Si l’argument reste difficile à prouver, il n’en demeure pas moins que l’opération militaire s’avère cruciale pour le scrutin électoral. De nombreux commentateurs ont relevé que sur 7 derniers rendez-vous électoraux israéliens, 5 ont été précédés d’une opération militaire. Dans ce cas précis, chacun a en mémoire l’opération Plomb durci en 2009 et la seconde guerre du Liban en 2006, qui s’étaient révélés des fiascos en matière de relations publiques pour Israël et l’avaient considérablement isolé sur la scène internationale.
Le Premier ministre Binyamin Netanyahou sait donc pertinemment qu’un trop grand nombre de victimes, israéliennes comme palestiniennes, pourraient lui coûter des sièges à la Knesset. Mais il n’est pas le seul à s’inquiéter.
Son ministre de la Défense, Ehoud Barak, sait très bien qu’une victoire sera attribuée au chef du gouvernement tandis qu’un échec se retournera contre le stratège, à savoir luimême.
Selon Alouf Benn, du journal Haaretz, c’est cette logique qui a permis à Barak de faire son retour politique après la mauvaise surprise au Liban, à l’été 2006. L’ancien dirigeant avait été le seul à correctement prédire la situation.
Aujourd’hui, le ministre veut donc tout faire pour éviter à Tsahal de s’embourber dans une longue opération qui coûterait trop de vies civiles. Car il sait qu’Ehoud Olmert, et le général Gabi Ashkénazi, ancien chef d’état-major, tous deux désireux de (ré)-entrer en politique, guettent le moindre signe de défaillance de sa part pour se comporter en héros volant au secours de la nation. Un scénario dans lequel Barak n’aurait plus qu’à se retirer.
L’opinion soutient l’offensive Shelly Yacimovich, chef de file des travaillistes, a tout autant à perdre. Mercredi 14 novembre, premier soir de l’opération, des membres proéminents de son parti murmuraient eux aussi l’accusation d’opportunisme.
Mais tombaient d’accord sur un point : impossible de faire publiquement passer ce message alors que la vie des habitants du Sud est un véritable enfer et que la menace est réelle. Yacimovich, dont le créneau est de défendre les petites gens broyés par la machine capitaliste, pouvait difficilement critiquer ses adversaires politiques de rendre précisément service à cette même classe moyenne de la périphérie qui subit les attaques. Elle a donc soutenu le gouvernement et l’armée d’une seule voix dans les médias, s’attirant les foudres d’une partie de ses fidèles.
Mais celle-là même qui affirmait quelques jours avant l’élimination ciblée d’Hamed Jaabari qu’il ne fallait pas lancer d’opération militaire en période électorale n’a eu d’autre choix que de rebrousser chemin pour éviter de tomber dans le “tout sauf Bibi” si souvent reproché à Tzipi Livni alors qu’elle était à la tête de Kadima et se décréditer aux yeux de la majorité de l’électorat qui soutient l’offensive de Tsahal. Il sera toujours temps, si les choses tournent mal, de reprendre ses distances.