Paix et prospérité

Après un début de mandat houleux, le ministre des Finances Yaïr Lapid revient sur ses objectifs à venir.

P5 JFR 370 (photo credit: Marc Israel Sellem)
P5 JFR 370
(photo credit: Marc Israel Sellem)

Il y a un an, iln’était que candidat. Invité phare de la Conférence diplomatique du JerusalemPost, le ministre des Finances Yaïr Lapid sera présent au côté du présidentShimon Peres et de la ministre de la Justice Tzipi Livni, jeudi 24 octobre àHerzliya. Lui qui n’était qu’un nouveau venu l’année dernière est aujourd’huiresponsable du budget de l’Etat. Lui qui ne faisait partie d’aucun classementil y a encore quelques mois, s’inscrit aujourd’hui parmi les 100 personnes lesplus influentes au monde selon le magazine Time et des 50 Juifs les plusinfluents, selon le classement du Jerusalem Post.

Lapid, est aujourd’hui la clef de voûte du gouvernement Netanyahou, et il abien l’intention de s’en servir pour faire avancer le processus de paix avecles Palestiniens. Il siège au cabinet de sécurité ainsi qu’à la commissioninterministérielle chargée de superviser les négociations avec Ramallah. Resteque pour lui, tout n’est pas rose depuis son entrée en fonction. Le ministre aainsi décidé de sévères coupures budgétaires qui lui ont mis à dos une partiede son électorat. Il a également dû assumer le feuilleton à rebondissements quia précédé la nomination de Karnit Flug à la tête de la Banque d’Israël, la sagade l’enrôlement pour tous et un coût de la vie, sur lequel il a fait campagne,qui s’entête à demeurer élevé. Quelques jours après la rentrée parlementaire,nous avons souhaité interroger le ministre sur sa vision de l’année à venir.
En janvier dernier vousavez déclaré, après avoir obtenu 19 mandats à la tête de Yesh Atid, que vouspensiez être le prochain Premier ministre israélien. Le pensez-vous toujours ?
Je pense que je devrais moins parler de tout cela. Je n’ai jamais caché monintention d’aller jusqu’au bout en entrant en politique, mais je ne suis paspressé. Ce gouvernement a de l’allant, il peut durer 4 ans. Je me suis d’abordattaqué aux choses difficiles et douloureuses que les politiciens détestentfaire. Il me faudra du temps pour bénéficier politiquement de ce que noussommes en train de faire en ce moment. Alors la réponse est oui, mais je nesuis ni pressé ni obnubilé.
Regrettez-vous d’avoiraccepté le portefeuille des Finances ?
Pas un seul instant. Je suis entré enpolitique afin de me battre pour la classe moyenne israélienne. Quel meilleurendroit pour cela que le ministère des Finances ? Mais je ne pensais pas avoirà affronter un gouffre financier et je ne savais pas quel héritage me laissaitmon prédécesseur Youval Steinitz.
Le ministre de la DéfenseMoshé Yaalon aurait déclaré en privé qu’il s’opposerait à l’applicationextensive des recommandations de la commission Péri concernant les étudiants deyeshiva. Qu’en dites-vous ?
La loi, c’est la loi et chacun sera tenu del’appliquer. Yaalon a voté pour la réforme tant au gouvernement qu’à laKnesset. Il a siégé à la commission Péri. Cette loi est bétonnée légalement. Leprocessus est irréversible. Il y en aura toujours pour penser aux prochainescoalitions, mais il est impossible de faire marche arrière là-dessus.
Votre alliance controverséeavec Naftali Bennett va-t-elle continuer ?
Je ne vois aucune raison pour ce quece ne soit pas le cas. Naftali est un ami et un allié. Nous ne sommes pasd’accord sur le processus de paix, mais tant qu’on ne se lance pas dansl’évacuation d’implantations, il se dit prêt à rester dans la coalition. Nousnous entretenons presque tous les jours.
Ne craignez-vous pas que lagestion de la crise avec l’Union européenne n’indique en réalité que legouvernement Netanyahou préfère s’occuper des implantations que de l’économie ?
Aucune nouvelle implantation n’a été construite depuis que j’ai rejoint legouvernement. Il faut soutenir les citoyens israéliens, mais les habitantsd’implantations savent qu’à mes yeux, il leur faudra les évacuer dans le cadred’un futur accord. Nous travaillons d’arrache-pied pour faire comprendre auxEuropéens leurs actions nuisent davantage au processus de paix qu’elles nel’aident.
En se positionnant ainsi sur les implantations, Bruxelles fait le jeu desextrémistes palestiniens. En effet, selon eux, le mieux est de ne pas faireprogresser les négociations. Mais il semblerait qu’Israël fera bien partied’Horizon 2020 en fin de compte (NDLR : un programme européen de recherche etde développement doté d’une enveloppe de 70 milliards d’euros).
Les négociations actuellespeuvent-elles accoucher d’un accord ?
Même si ce n’était pas le cas, il nousfaudrait recommencer encore et encore. C’est peut-être churchillien, mais lemot d’ordre là-dessus, c’est : ne jamais, jamais, jamais abandonner. Comme jel’ai dit pendant la campagne électorale, nous ne voulons pas épouser lesPalestiniens, mais au contraire en divorcer en tout bien tout honneur.
C’est pourquoi Yesh Atid fera tout pour que ce processus aboutisse. Nous sommesdirectement informés par la négociatrice en chef et ministre de la JusticeTzipi Livni, mais je ne peux entrer dans les détails, car ce seraitirresponsable de ma part. Entre le processus de paix et la une des journaux, ilfaut savoir choisir.
Serez-vous en faveur d’unaccord intérimaire entre Israéliens et Palestiniens ?
Le conflit, au fond, cene sont pas les frontières, Jérusalem, la sécurité, les implantations ou encorele terrorisme palestinien. C’est la haine, la douleur, la défiance et lesmauvais souvenirs. Il nous faut une solution qui nous permette d’apaiser cessentiments. Je ne sais pas si un Etat intérimaire est la clef, mais il estcertain qu’il faut du temps pour que les blessures se referment.Contentons-nous de dire cela pour l’instant. Je ne vais pas torpiller lesnégociations rien que pour plaire à certains ou être invité à la réunion où ilfait bon être vu. Le sujet me tient trop à cœur.
Craignez-vous que lesnégociations échouent et qu’une nouvelle Intifada éclate, nuisant notamment àl’économie ?
La peur, qu’elle soit économique ou autre, n’est jamais bonneconseillère. Il faut surmonter la peur. Cela dit, le pire du point de vueéconomique, c’est une impasse du processus de paix. C’est un argument que nousprenons en considération.
Quelle est votre vision duprocessus de paix et de l’économie dans 4 ans ?L’économie et la paix doiventaller de pair – et tel sera le cas. Dans un an et demi, l’économie sera enmeilleure forme : la croissance repartira et le déficit aura baissé. Noussommes dans la bonne direction. J’en suis heureux, car l’optimisme est inhérentà l’économie, qui est une science sociale. Lorsque les gens comprennent qu’onva dans la bonne direction, les choses bougent plus vite. En 1993, le processusd’Oslo a commencé et cela a été immédiat : les multinationales sont arrivées etle marché a grimpé. Si l’optimisme avait une sœur jumelle, ce seraitl’espérance. Je suis optimiste économiquement et plein d’espoir pour la paix.