Que diriez-vous d’une liberté pour les soldats orthodoxes ?

Ce que cache vraiment le déferlement médiatique autour de l’affaire du chant des femmes à l’armée. L’avis d’un ancien grand-rabbin de Tsahal

Quand j’ai reçu cet appel téléphonique, il m’était difficile d’imaginer la suite des événements. A l’autre bout du fil, un cadet de l’Académie des officiers de Tsahal me raconte être en butte à des mesures disciplinaires pour avoir quitté un événement où des femmes chantaient. Lui et d’autres camarades pratiquants ont demandé la permission d’être excusés des séquences du spectacle qui offensaient leur sensibilité religieuse.

Demande rejetée par le commandant. Les cadets ont désobéi et quitté la salle lorsque des soldates ont commencé à donner de la voix. Résultat : ils sont menacés de renvoi du cours d’officiers et risquent de passer devant une cour martiale.
J’étais stupéfait. Pendant 40 ans, j’ai servi dans l’armée israélienne, comme soldat régulier et de réserve, et au cours de toute ma carrière, je n’ai jamais rencontré un pareil cas.
L’événement en question n’était ni une activité militaire, ni un exercice. Mais une simple soirée de divertissement. Pour quelle raison exiger de soldats religieux d’aller à l’encontre de leur conception de la halakha (loi juive) ? Le commandant a-t-il perdu tout sens des proportions ? L’ancien chef d’état-major (rés.), Dan Haloutz, m’a dit une fois que lorsqu’un soldat désobéit à son commandant, c’est l’affaire du supérieur. Il avait raison. J’ai répondu au soldat que je pensais que lui et ses amis ont eu tort d’avoir quitté la salle. Après tout, écouter des femmes chanter n’est pas aussi grave que de profaner le Shabbat. Il existe des moyens pratiques pour résoudre un tel dilemme. Mais j’ai aussi signifié au commandant qu’en forçant les cadets à rester, il avait commis une grave erreur.
L’affaire aurait dû s’arrêter là. Elle aurait dû rester dans le domaine strictement privé. Mais loin de là. À mon grand étonnement, les médias continuent de discuter de la question des femmes dans l’armée israélienne, laissant entendre que les soldates sont autorisées à servir le café à leurs supérieurs masculins, et c’est à peu près tout. Presque quotidiennement, nous entendons des cas d’extrémisme de plus en plus démesuré. L’exclusion des femmes n’est rien moins qu’une menace existentielle pour l’Etat d’Israël.
Dans le monde orthodoxe aussi, les sionistes religieux se remémorent avec nostalgie du “bon vieux temps”, où les filles et garçons du mouvement de jeunesse Bnei Akiva dansaient et chantaient ensemble - comme si le précepte du Shoulhan Aroukh interdisant à un homme d’entendre le chant d’une femme appartenait à une autre époque.
Lorsque les dirigeants de cette campagne d’incitation bien orchestrée se sont rendu compte que les gros titres sur l’extrémisme religieux avaient fait leur temps, ils ont décidé de remettre au goût du jour la question de l’exclusion des femmes dans l’armée israélienne. Tout cela à partir d’un malheureux incident à l’Académie des officiers.
Une élite menacée

Une exclusion des femmes ? Dans l’armée israélienne ? Pas dans laquelle j’ai servi en tous cas. A-t-on jamais empêché à notre orchestre militaire ou à nos groupes de spectacles de se produire ? Non. A-t-on jamais suggéré que les femmes soient exclues de ces unités ? Non. Tout ce qui s’est passé, c’est que certains soldats religieux ont demandé à ne pas être forcés d’assister à ces soirées (en conformité avec le règlement militaire relatif aux recrues religieuses).

Mais la vérité verra le jour. Il semble que la priorité des médias est de se m o n t r e r hostiles, et de créer une animosité envers la communauté nationale religieuse.
Je suis profondément affligé par ce qui se passe actuellement dans certaines couches de notre société.
La soi-disant “élite” - principalement composée d’Ashkénazes non religieux vivant dans le centre du pays, ce que l’on appelle “Medinat Tel-Aviv” (l’Etat de Tel-Aviv) - voit sa position dans l’Etat d’Israël menacée par la communauté religieuse nationale. En particulier par les jeunes qui prennent progressivement leur place dans le commandement militaire et aux postes clés de l’économie, de la politique et du droit.
Lorsque quelques dizaines de jeunes commettent des crimes graves contre l’armée israélienne, cette “élite” s’empresse de diaboliser l’ensemble du camp national religieux, et lui suggère de procéder sans plus tarder à une remise en question. Aucun appel similaire à l’introspection pour la gauche, suite aux attaques hebdomadaires contre les soldats à Bilin et Nilin, menées par des anarchistes de gauche.
En clair, si ces questions d’“extrémisme religieux”, d’“exclusion des femmes” et de “violences de la droite” devaient être retirées de l’agenda national, elles seraient immédiatement remplacées par d’autres qui critiqueraient le courant national religieux, présentant ses membres comme des fanatiques, ingérables et certainement de peu d’importance sur la scène publique.
Alors, que faire devant ces attaques répétées à l’encontre de la communauté religieuse ? Premièrement, comprenons bien que ces agressions sont l’oeuvre d’une communauté réduite, mais n é a n m o i n s extrêmement militante, qui a une forte emprise sur le monde universitaire et m é d i a t i q u e . Soucieuse de sa propre disparition, elle tape sur tout ce qui bouge.
Ensuite, à nous de poursuivre nos activités dans tous les domaines de la vie publique. Gardons-nous de paniquer au son des cris de désespoir des groupes susmentionnés.
N’oublions pas que la majorité des Juifs sont encore fortement et spirituellement engagés dans la reconstruction d’Eretz Israël, même s’ils ne sont pas toujours activement impliqués dans cette entreprise. A nous de trouver des manières de les rapprocher de la foi et de la grande mission du peuple juif sur terre. Le regretté rabbin Abraham Isaac Kook a prédit que cette génération atteindra la rédemption finale en quatre étapes : le respect, l’attrait, la reconnaissance et l’épanouissement.
Je prie pour que le respect de notre mode de vie et l’attrait qu’il suscite apportent bientôt sa pleine reconnaissance, et que la lumière et la beauté de la Torah conduisent à son application et au respect de ses mitsvot.
L’auteur est directeur de la yeshiva d’Itamar et ancien grand rabbin de Tsahal.