Un homme de foi

Sheikh Muwafak Tareef est établi dans le village de Julis, au nord-est de Saint-Jean d’Acre. Il est, depuis 1993, le leader spirituel de la communauté druze israélienne, forte de 125 000 âmes

sheikh (photo credit: DR)
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Qu’est-ce qui vous tire du lit le matin ? Je me lève tous les jours pour remplir mes devoirs religieux. Et pour m’occuper des différentes questions concernant la communauté druze en Israël : les relations avec nos frères d’autres communautés et religions, mais aussi entre nous. Je défends également les droits de mon peuple, en particulier en matière d’égalité avec les autres communautés en Israël.
Qu’est-ce qui vous tient éveillé la nuit ? La prolifération du mal dans nos vies, à chaque heure de la journée et sur chaque sujet. Les guerres et l’instabilité dans le monde, les innocents qui meurent régulièrement, la pauvreté qui affecte tant de régions, la paix qui fait défaut entre Israël et ses voisins. Chaque délai dans le processus de paix charrie son lot de victimes et de souffrances, qui éloignent la paix à leur tour.
Plus spécifiquement, en ce qui concerne ma communauté : un appel au milieu de la nuit pour régler une situation d’urgence dans une famille endeuillée, des querelles soudaines entre les gens, des problèmes de violence contre les femmes et les plus démunis. La police et les services sociaux me sollicitent à n’importe quelle heure et je fais tout mon possible pour les aider.
Quel a été le moment le plus difficile de votre carrière ? Il y en a eu plusieurs. Mais malheureusement je ne peux en parler, du fait du secret dans la religion druze. Je dirais simplement qu’il s’agit de ces sujets sensibles ou l’expérience temporelle de nos vies se heurte aux fondations spirituelles de notre religion. Je me sens coincé au milieu, sans pouvoir trouver de compromis et c’est difficile, si difficile de vivre avec cela.
Comment fêtez-vous vos réussites ? En tant qu’homme de foi qui accomplit sa mission, je regrette chaque fois que je n’ai pas pu aider ou apporter un changement.
Mais toute solution est l’oeuvre de Dieu, qui nous a aidés et guidés pour atteindre ce résultat. Nous ne devons donc pas être fiers de nos propres réussites. La célébration doit consister en la reconnaissance du fait que c’est le Créateur de l’univers qui nous a aidés.
Si vous étiez Premier ministre, quelle serait la première chose que vous feriez ? Bien entendu, être Premier ministre est une fonction politique, loin de mes désirs d’homme de foi. Je souhaite et espère que notre honorable Premier ministre réussisse à amener la paix, et puisse résoudre les questions clés du pays en matière d’éducation, de santé, d’emploi et de bien d’autres domaines, d’abord et surtout en ce qui concerne des droits égaux pour les membres de la communauté druze, ces loyaux citoyens qui donnent leur vie à l’Etat. J’espère que le Premier ministre réussira, car nous bénéficierons tous des fruits de son succès.
Quel Israélien mériterait qu’on lui consacre un film ? Je ne me tiens pas au courant de l’actualité cinématographique, mais je pense que beaucoup de nos dirigeants, passés ou présents, méritent des louanges, des hommes qui se sont donné corps et âme au pays. Je ne me risquerais pas à donner des noms, tous sont si importants et distingués, que j’aurais peur d’en oublier.En fait, on devrait faire un documentaire sur l’audacieux caractère israélien, la capacité israélienne à obtenir des résultats et à atteindre des objectifs ambitieux.
Que changeriez-vous chez les Israéliens si vous le pouviez ? Le dédain et le manque de respect envers les uns et les autres mais aussi envers soi - une sorte d’autodestruction. Par exemple, on peut atteindre à la réputation d’un de ceux qui se consacrent à notre Etat, jusqu’à en risquer leur vie plusieurs fois, pour un détail insignifiant. Cet homme et sa famille pourront être source de toutes sortes d’attaques et de railleries, sans compassion et sans considération aucune pour sa contribution au pays.Par ailleurs, je changerais la culture du “balagan” : le non-respect de l’ordre, des règles de circulation, de l’ordre public. J’aimerais voir les institutions publiques oeuvrer pour une culture collective différente de ce qui existe dans beaucoup de pays au monde.
Vous êtes plutôt Ipad, Blackberry ou papier et crayon ? Nous sommes au 21e siècle, il faut s’adapter à cette nouvelle éducation technologique. Je n’ai aucun problème, ni avec le papier et le crayon et ni avec l’ordinateur, il s’agit d’outils élémentaires que notre génération se doit de maîtriser pour notre plus grand bénéfice.
Comment rédigeriez-vous une publicité pour encourager les touristes à venir en Israël ?Naturellement, la publicité pour touristes n’est pas ma spécialité, mais en tant qu’Israélien, j’invite les visiteurs de l’étranger à venir observer, comment, dans ce si petit pays, tant de groupes ethniquement et religieusement différents vivent ensemble, en dépit des différences d’opinion et de points de vue, tout en maintenant un statu quo dans le respect mutuel.Cet Etat a su sauvegarder la liberté de culte, préserver les lieux saints et les lieux de prière de tous ces citoyens. Vous pouvez embrasser d’un seul coup d’oeil des sites révérés par les Juifs, les fameuses églises de Nazareth et de Jérusalem, les mosquées de Saint-Jean d’Acre, Jaffa, Jérusalem, le centre international des Baha’i et le tombeau de Nebi Shua’yb (le prophète Jethro), paix à son âme. C’est une image de fraternité et d’unité. Dans l’ensemble, nous avons un très beau pays, à la pointe dans chaque domaine et nous en sommes très fiers.
Quel est le principal problème d’Israël à l’heure actuelle et comment peut-il être résolu ? Sans rentrer dans les questions de conflit diplomatiques et territoriales, j’aspire et prie pour la paix. Au sein du pays, nous connaissons un grave problème culturel et éducatif, un fossé générationnel, et une difficile relation entre religieux et laïcs. De nombreuses concessions sont nécessaires pour parvenir à la paix.En ce qui concerne la sphère sociale, l’Etat doit allouer des fonds particuliers à l’éducation et aux services sociaux. Ce n’est que grâce à des investissements intelligents et l’apprentissage du respect mutuel que l’Etat pourra combler les fossés de la société et mener à une société égalitaire, prospère et florissante.
Comment voyez-vous le pays dans 20 ans ? Si je suis optimiste, je parlerais d’une puissance régionale - en matière d’industrie, d’économie, de science et de technologie.J’espère que la vision des dirigeants de la nation changera en ce qui concerne l’égalité entre citoyens, le système gouvernemental et la paix avec nos voisins. Je préfère ne pas évoquer les autres options négatives et apocalyptiques