Un mariage heureux ?

Aussi soudaine qu’imprévue, l’union entre le Likoud et Kadima sera soumise à rude épreuve dès les prochains mois. Inventaire des obstacles qui attendent la - très - large coalition

bibimofaz (photo credit: © Marc Israël Sellem)
bibimofaz
(photo credit: © Marc Israël Sellem)
Quelles sont les qualités requises pour réussir enamour ? Communication, compromis, respect, compliments, capacité de résoudredes conflits et attentes réalistes. Ce qui est vrai entre des époux l’estégalement pour des partenaires politiques. Le Premier ministre BinyaminNetanyahou et le leader de Kadima Shaoul Mofaz se chamaillaient méchammentjusque récemment.Mais mardi 8 mai, lors de la conférence de presse pour annoncer la formationd’un gouvernement d’union, les deux dirigeants rivalisaient d’amabilité. Resteque les familles des deux partenaires, le Likoud et Kadima, mettront du temps às’adapter à cette nouvelle relation, imposée par surprise. Chacun des leaders aobtenu l’accord de son parti assez facilement, mais des deux côtés, lescepticisme va bon train. L’accord de coalition stipule que Kadima restera augouvernement jusqu’à la fin du mandat officiel, le 22 octobre 2013. Mais uneclause de sortie est prévue si les objectifs mutuels n’étaient pas atteints.Comme dans tout mariage, des épreuves seront à surmonter et des pièges à éviter.Lesquels ? Quatre datesclés à retenir.23 juin : socio-économie
Les manifestations de l’été dernier ont commencé enpériode de vacances universitaires et se sont achevées à la reprise des cours.Une nouvelle protestation a déjà eu lieu samedi 12 mai, mais les chosesdevraient s’intensifier à partir de samedi 23 juin, le week-end de fin desemestre. Pendant ses 43 jours en tant que chef de l’opposition, Mofaz avaitfait le voeu de conduire la nouvelle protestation socio-économique prévue pourcet été. Mais désormais, plutôt que de la mener, il risque fort d’en être lacible privilégiée et de se retrouver acculé par la pression.
L’accord de coalition prévoit que les deux partis travaillent ensemble aubudget 2013, qui devrait allouer davantage de prestations sociales. Ce quirelèvera de l’exploit puisque, avec la crise économique mondiale, lesexportations israéliennes ont été revues à la baisse et les caisses de l’Etatont diminué. Ce budget risque ainsi d’être le plus serré que ce gouvernementait jamais connu. Il devra d’abord passer l’épreuve du cabinet ministériel cetété, puis une première lecture à la Knesset en octobre et une présentationfinale à la fin de l’année. A ce titre, la décision de l’agence Moody debaisser la note de crédit israélienne la semaine dernière n’est pas de bonaugure.1er août : État et religion
La loi Tal a été déclarée inconstitutionnelle enfévrier dernier par la Cour suprême. Le gouvernement a désormais jusqu’au 1eraoût pour proposer une alternative.
Kadima se réserve le droit de quitter la coalition si la loi n’est pas réforméed’ici là. Les parlementaires de Kadima ont mis Mofaz en garde : une rébellionmassive du parti est à prévoir en cas de promesse non tenue.Le président de la coalition, Zeev Elkin, architecte de l’accord avec Kadima,s’est dit confiant quant aux chances de succès. Ce qui devrait malgré tout serévéler compliqué, vu que les 16 élus Shas et Judaïsme unifié de la Torahs’opposeront aux 43 parlementaires Kadima et Israël Beiteinou, dont la réputationdépend de la réussite de cette réforme militaire.Selon Elkin, les partis ultrareligieux devraient voter contre la réforme maisrester dans la coalition. Un facteur important pour Netanyahou : le Premierministre voudrait continuer à gouverner avec les partis haredi pour laprochaine Knesset.Quant à Mofaz, selon ses collaborateurs, contrairement à Livni, le nouveau chefde Kadima n’a pas exigé la sortie des partis religieux du gouvernement commecondition préalable pour rejoindre la coalition. Il entretient en outre debonnes relations avec le président du Shas Eli Yishaï et de Judaïsme unifié dela Torah, Moshé Gafni, ce qui devrait faciliter un compromis.7 novembre : diplomatie
Voilà plus de 20 ans que les experts qui analysent lecomportement de Netanyahou lui prédisent un virage à gauche. Virage aujourd’huipossible après la mort de deux idéologues de droite à forte influence sur lePremier ministre : son beau-père, Shmouel Ben Artzi, décédé le 9 novembredernier à l’âge de 97 ans et son père, Benzion Netanyahou, à l’âge de 102 ans,le 30 avril dernier.
A peine relevé de la Shiva, le Premier ministre entamait les démarches pourformer un gouvernement d’union nationale, négociant un accord qui oblige legouvernement à prendre des mesures significatives en faveur du processus depaix. Même si les progrès de ce dernier dépendent bien davantage de l’issue desélections américaines ou du scrutin - encore non programmé - de l’Autoritépalestinienne, que des élections israéliennes qui n’auront finalement pas lieucette année.L’administration du président Barak Obama a radicalement diminué la pressionsur Israël quant à la question palestinienne ces derniers mois. Les Américainsont-ils tiré les leçons des couacs de début de mandat ? Serait-ce le refus desPalestiniens à retourner à la table des négociations ? Ou encore les électionsapprochant et le souci de ne pas perdre l’électorat juif ? Les stratèges deNetanyahou penchent pour la troisième hypothèse. De même qu’ils croient à lavictoire renouvelée d’Obama et à une reprise de la pression diplomatique unefois la campagne achevée.Mofaz, lui, a exprimé son admiration pour Obama et pourrait aider à pousserNetanyahou de l’intérieur, comme le ministre de la Défense Ehoud Barak l’avaitdéjà fait en 1999.Selon Elkin, les politiques de droite devraient se réjouir de l’actuellealliance avec Kadima. Certes, la coalition s’est ouverte au centre, mais elleaurait pu virer encore plus franchement en cas d’élections anticipées et denouveau gouvernement.31 décembre : politique
Selon l’accord conclu entre le Likoud et l’ancien partid’opposition, la réforme du système électoral doit avoir lieu avant la fin del’année. Faute de quoi, Kadima s’en ira. Les principaux donateurs de Mofaz à Los Angeles, la familleNazarian, sont également les fondateurs du Centre de responsabilisationcitoyenne en Israël, un groupe qui milite pour changer le système.
Et la question s’est également retrouvée au premier plan depuis que deux descritiques les plus virulents de Netanyahou l’ont soulevé : l’ancien chef duMossad, Meir Dagan, et le leader du nouveau parti Yesh Atid, Yaïr Lapid.Le groupe de lobbying de Dagan, Yesh Sikuï, est conseillé par le même stratègeque Mofaz, Lior Chorev.Mofaz s’est vu recommander de se cantonner à des questions consensuelles,faciles à faire adopter, telles que renforcer les branches exécutives etlégislatives et modifier le système de nomination des ministres. Lancer degrandioses initiatives, comme par exemple des élections régionales directespour la moitié de la Knesset, serait malvenu. Une idée pourtant défendue parMofaz durant sa campagne, mais qu’il ne semble plus avoir à cœur de promouvoirdésormais. En outre, les partis Shas, Israël Beiteinou et Hatsmaout(Indépendance) sont farouchement opposés à une telle mesure. Et Mofaz ne seraque trop heureux d’être perçu comme un stabilisateur de la vie politique touten maintenant la coalition intacte.Avoir à sa disposition une large coalition de 94 parlementaires permettra enoutre à Netanyahou de construire de mini-alliances sur certaines questions-cléset faire passer toutes les mesures qu’il souhaitera, se reposantessentiellement sur les trois principales factions : le Likoud, Kadima etHatsmaout. Ensemble, les trois partis disposent de 61 élus, une majorité à laKnesset.S’ajoute aux précédentes une dernière date-butoir pour Netanyahou que personnen’évoque encore : le 9 novembre. A compter de ce jour-là, le Premier ministredépassera les 2 432 jours de mandat de l’ancien Premier ministre Itzhak Shamir,et arrivera en seconde position derrière David Ben Gourion. Le premier Premierministre d’Israël était resté en poste pendant 13 ans, près de deux fois pluslongtemps que Netanyahou. Mais avant de s’approcher de ce record, une longueroute reste encore à faire pour Netanyahou: de nombreux défis et, sans aucundoute, d’autres mariages politiques à venir.