La liste de Herzog

Des femmes, des jeunes et un agenda socio-économique irréfutable. Cela suffira-t-il à assurer une victoire au chef de file du parti travailliste ?

Le parti travailliste célèbre les résultats des primaires du parti. De gauche à droite : Shelly Yachimovich, Stav Shaffir, Itzhak Herzog, Tzipi Livni et Hilik Bar (photo credit: YONATAN ZINDEL/POOL)
Le parti travailliste célèbre les résultats des primaires du parti. De gauche à droite : Shelly Yachimovich, Stav Shaffir, Itzhak Herzog, Tzipi Livni et Hilik Bar
(photo credit: YONATAN ZINDEL/POOL)
Elle a pris sa revanche. L’ancienne chef de file du parti travailliste, la députée Shelly Yachimovich est arrivée en première place des primaires de la formation, avec pas moins de 80 % des voix. Un véritable triomphe. Elle sera donc 3e sur la liste de Hamahané Hatsioni (Le camp sioniste), tout de suite après Itzhak Herzog et Tzipi Livni. Première place des primaires. Première femme. Troisième sur la liste. Un bon score pour Yachimovich, qui a coiffé sur le poteau les partisans d’Herzog, ceux qui s’étaient précédemment unis contre elle : Meirav Michaeli, Eitan Cabel et Arel Margalit.
Derrière elle, les deux leaders de la révolte des tentes de 2011, Stav Shaffir et Itzik Shmouli. Puis les députés Omer Bar-Lev, Hilik Bar, Amir Peretz, Merav Michaeli, et Eitan Cabel. Cabel qui occupe la 10e place. Un résultat décevant pour celui qui briguait la 3e marche du podium.
La 11e position sera réservée à une figure sécuritaire. Herzog pourrait annoncer la nomination de l’ancien chef du renseignement Amos Yadlin.
Ensuite, place aux nouvelles têtes. L’entrée en scène à la 17e place du présentateur arabe Zoher Bahalul, a fait grincer des dents au Likoud. Un porte-parole du parti a rappelé que Bahalul avait à plusieurs reprises insisté sur son identité palestinienne, pris la défense de la flottille du Mavi Marmara et accusé Israël pour la mort d’Arabes tués par le Hezbollah.
Naftali Bennett n’a lui non plus pas tardé à donner son avis sur cette liste, menée par quatre candidats habitant Tel-Aviv. « Ben Gourion, qui rêvait de peupler le Néguev, se retourne dans sa tombe », a-t-il raillé.
A noter tout de même : aucun problème au moment du comptage des voix, ce qui a valu une réplique acide au secrétaire général du parti Hilik Bar : « Nous avons géré les primaires bien mieux que le Likoud. Nous ferons de même avec le pays », a-t-il promis.
Cap sur un agenda socio-économique
Quand le chef de file du parti travailliste Itzhak Herzog a battu Shelly Yachimovich aux primaires de novembre 2013 et lui a raflé la direction du parti, le message était clair.  Les membres d’Avoda voulaient laisser de côté l’agenda socio-économique qui était son cheval de bataille et mettre le processus de paix en première place dans la liste des priorités. Avec Herzog aux commandes, le parti travailliste d’Itzhak Rabin et de Shimon Peres était de retour, remettant l’accent sur la résolution du conflit israélo-palestinien. Mais c’était avant. Avant l’échec du dernier round de négociations sous l’égide de John Kerry. 14 mois plus tard, les Palestiniens œuvrent pour la reconnaissance unilatérale de leur Etat et menacent de traîner Israël devant la Cour pénale internationale.
Les sondages montrent que les Israéliens sont plus sceptiques que jamais sur les chances de parvenir à un accord. Herzog a volontairement omis de prononcer le mot « paix » dans son discours. Il s’est certes allié avec Tzipi Livni, celle qui a mené ces discussions, en lui offrant la seconde place sur la liste commune. Mais mardi, les membres du parti ont tranché : les travaillistes vont se concentrer sur les questions socio-économiques. Yachimovich en première place, suivie de très près par Stav Shaffir et Itzik Shmouli. Ces trois-là ont plus à dire sur les pauvres de Ramlé, que sur les pauvres palestiniens de Ramallah.
Avec une liste travailliste si unanime et un Moshé Kahlon qui se dit prêt à rejoindre n’importe quelle coalition – peu importe qui en sera à la tête –, l’enjeu de ces nouvelles élections sera socio-économique ou ne sera pas. Ce qui pourrait finalement permettre au chef du Likoud Benjamin Netanyahou et à son homologue d’Avoda, Itzhak Herzog, s’ils le voulaient, de cohabiter dans un éventuel gouvernement d’union nationale.
Avigdor Liberman pourrait lui aussi être de la partie, surtout depuis que les électeurs travaillistes ont laissé loin derrière deux candidats qui se seraient opposés à une alliance avec Israël Beiteinou : Moshé Mizrahi, qui avant d’entrer en politique était en charge de l’interrogatoire de Liberman, et Eldad Yaniv, le fervent militant anti-corruption. En outre, Liberman peut se réjouir de l’absence de candidat originaire de l’ex-Union soviétique dans les 27 premières places. L’ancien député Kadima Robert Tibayev n’est arrivé qu’en 28e position, place réservée à un immigrant, même s’il n’a reçu que 1 097 votes.
Pour résumer : la liste travailliste fait la part belle au social. Koulanou : 100 % social. Yesh Atid met l’accent sur la classe moyenne. Naftali Bennett se penche aussi sur la question. La campagne sera donc résolument centrée sur les problèmes socio-économiques. Ce qui ne signifie pas forcément que le prochain gouvernement les résoudra…
Herzog, le grand perdant ?
Au sein du parti travailliste, on se félicite de la liste.
« Les personnes qui sont devant vous sont les prochains leaders d’Israël », a scandé Itzhak Herzog dans un discours au kibboutz Shfayim, au nord d’Herzliya, après l’annonce des résultats finaux. « C’est une équipe dynamique, qui déborde d’expérience et a plus de détermination que n’en a eu depuis longtemps le parti travailliste. Une équipe qui a soif de changement et est prête à résoudre les problèmes de l’Etat, à apporter des solutions au problème du logement, de la pauvreté, de la vie chère, et de l’isolement médiatique. »
Mais tout le monde n’est pas d’accord avec lui. La liste n’est pas vraiment diversifiée, critique-t-on. C’est faire du neuf avec du vieux. A peine six candidats sont d’origine séfarade dans les 20 premières places, conformément à l’ADN du parti, même si les femmes sont bien représentées et les jeunes aussi.
Les nouveaux visages sont en tête du classement. Une nouvelle génération peut-être dynamique, mais sans réelle expérience. Ce qu’il manque à l’équipe d’Herzog, ce sont des figures sécuritaires, des personnalités solides qui ont fait leur preuve dans la vie publique et pas uniquement sur les écrans de télévision.
Et puis surtout, cette liste est jugée trop à gauche par de nombreux membres de la formation. Comme l’a écrit Ben Caspit dans Maariv : « Cette liste assure à Herzog la victoire, s’il se présente à la municipalité de Tel-Aviv Yaffo. » Mais elle risque de ne pas le mener jusqu’au bureau du Premier ministre. A l’heure où, selon les sondages, le parti travailliste a enfin une chance de remporter les élections, Herzog risque d’avoir du mal à attirer des voix du centre et de la droite. Au mieux, il piochera dans le réservoir de Meretz, ce qui ne lui suffira pas pour dépasser les 24 mandats et former le nouveau gouvernement. En clair : sa liste ne fera que prêcher des convertis.
A l’annonce des résultats, Shelly Yachmovich a eu du mal à cacher sa joie. « Notre but est de remplacer Netanyahou, pas d’obtenir le second rôle », a-t-elle déclaré, peut-être un peu trop tôt…
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