Jeunes et déjà déterminés : l’aliya des étudiants français

Dès la sortie du lycée, des milliers de jeunes juifs français décident de quitter le pays pour effectuer leurs études en Israël et, ensuite, leur aliya.

Des olim fraîchement débarqués de France étudient l'hébreu à l'Oulpan Etzion (photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Des olim fraîchement débarqués de France étudient l'hébreu à l'Oulpan Etzion
(photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Dans les couloirs de l’Université hébraïque de Jérusalem, il n’est pas rare d’entendre parler français : nouveaux immigrants, candidats à l’aliya ou étudiants de programmes d’échange, les jeunes français sont de plus en plus nombreux à effectuer leurs études en Israël. Au sein de la mekhina de l’université – préparation aux études universitaires en Israël – ils sont même une majorité, avec une quarantaine d’étudiants sur la dizaine de nationalités représentées.
Certains sont déjà citoyens israéliens, d’autres y songent, comme Elodie, 20 ans. Arrivée de Paris en août 2014 sans parler un mot d’hébreu – « je savais simplement lire les livres de prière », précise-t-elle – la jeune femme effectue son oulpan à l’Université hébraïque, puis intègre la mekhina. Elle est enchantée par les cours, « beaucoup plus intéressants qu’en France » où elle étudiait l’économie-gestion à Nanterre, ainsi que par Israël, où elle s’était déjà rendue quelques fois en vacances. C’est l’occasion de « tout reprendre à zéro » et, très vite, la décision de l’installation définitive à la fin de l’année de mekhina s’impose à elle : encouragée par sa sœur, qui a fait son aliya il y a trois ans et étudie désormais au Technion, elle doit cependant vaincre les réticences de ses parents. « Ils sont inquiets pour nous », explique Elodie, « et ils se retrouvent seuls en France désormais ». Les attentats, vivre seule à l’étranger si jeune : les sujets d’anxiété ne manquent pas et les coups de téléphone sont nombreux, mais Elodie tient bon. Elle espère que ses parents feront le même choix : « Ils attendent la retraite, car ils ne veulent pas lâcher leur travail en France », précise-t-elle, bien qu’ils aient « peur » de ce saut dans le vide et de l’apprentissage d’une nouvelle langue à plus de 60 ans. Car, si les programmes d’intégration pour les étudiants ou les retraités abondent, l’aliya est plus difficile pour les actifs, surtout les professions libérales.
L’installation en Israël comme une évidence
Plutôt investie dans la communauté juive en France, membre des Eclaireurs israélites de France et élève dans une école juive, Elodie apprécie la proximité avec les autres étudiants français dont elle connaissait quelques-uns. « Je ne me sens pas seule du tout », ajoute-t-elle, notamment grâce à ses colocataires, toutes françaises, et à la fréquence des shabbatot organisés dans la résidence étudiante. Et ne montre aucune hésitation quant à son envie de s’installer en Israël : « je veux élever mes enfants ici, faire ma vie ici… C’est un pays énergique, on sent qu’il y a de l’avenir, alors qu’en France ce n’est pas le cas. »
Elle affiche d’ailleurs un certain pessimisme envers son pays d’origine, qui « n’a plus rien à [lui] offrir » : « je ne me voyais pas travailler pour la France », explique clairement Elodie, alors qu’elle se sent accueille en Israël, presque investie d’une mission. Les « nombreux avantages » liés à l’aliya, comme le panier d’intégration ou la gratuité des études, l’ont bien sûr encouragée à prendre cette décision, mais c’est pour elle une relation de réciprocité entre le gouvernement et les nouveaux arrivants : « je vois que je peux apporter quelque chose à ce pays », ajoute-t-elle.
Plutôt enthousiaste à l’idée de faire l’armée, qu’elle considère comme une étape logique dans le processus d’intégration à la société israélienne, la jeune femme apprend également l’hébreu avec application : « le gouvernement nous donne toutes les cartes pour réussir, à nous de prouver que nous pouvons y arriver et rester dans le pays ».
Cette attirance pour Israël est ressentie par tous les étudiants de la mekhina, même ceux qui repartent en France à l’issue de cette année universitaire. Ainsi, pour Avner, 18 ans, cette parenthèse israélienne doit lui permettre de se concentrer sur un concours pour une grande école de cinéma parisienne, « une excellence introuvable en Israël ». Cependant, il reconnaît que « ça va être dur de quitter la Ville sainte » et n’exclut pas « de faire son aliya un jour », détermination qu’il a acquise en découvrant la Terre promise.
Une hausse constante de la fréquentation des programmes
Pour Valérie Karsenti, la responsable francophone de la mekhina de l’Université hébraïque, ce choix quasi unanime de rester en Israël après cette année préparatoire n’est pas une tendance nouvelle, mais le nombre d’étudiants est en croissance exponentielle, suivant la tendance à l’aliya observée chez les juifs français. Ainsi, en 2009, ils n’étaient que 20 étudiants français, contre 50 aujourd’hui – et 25 d’entre eux ont déjà acquis la nationalité israélienne.
Grâce aux nombreuses bourses accordées par l’université ou des programmes comme Massa, V. Karsenti constate également une plus grande diversité des profils socio-économiques, bien que, selon Elodie, la grande majorité des étudiants soit issue de la classe supérieure parisienne.
Là encore, les jeunes sont fortement incités à faire leur aliya avant d’entamer leurs études. Et pour cause : l’année de mekhina coûte 12 500 dollars aux étrangers contre 700 shekels pour les nouveaux immigrants, mais « le gouvernement pourrait toujours faire plus pour aider ces jeunes volontaires ».
Valérie Karsenti note également l’importante réflexion en amont du choix de la mekhina : « les étudiants français connaissent l’excellente réputation de l’Université hébraïque » et donc la motivation nécessaire pour y être admis. Toutes ces possibilités sont régulièrement présentées aux jeunes juifs français dans des salons, notamment Orient-A-Sion organisé par l’Agence juive : la mekhina de Jérusalem n’est pas la seule à attirer ces jeunes, qui viennent généralement sans leurs parents.
Preuve de l’augmentation de la demande, l’offre s’adapte également, avec la création de cursus entièrement en français : ainsi, dans un institut technologique de Beersheva, les jeunes français tout juste bacheliers peuvent bénéficier d’une année de cours en français avec apprentissage intensif de l’hébreu, puis intégrer le cursus régulier directement en deuxième année s’ils font le choix de l’aliya. Un arsenal de possibilités pour capter ce flux de cerveaux toujours grandissant. 
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